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La retraite par capitalisation, le remède miracle à tous nos problèmes ? Niet, mais elle peut tout de même s'avérer bien utile et voici pourquoi
©Reuters

Bonnes feuilles

1930 : la IIIe République instaure un système obligatoire de retraites par capitalisation. 1941 : une loi de Vichy officialise sa transformation en un régime « par répartition » calqué sur les « chaînes d’argent » de l’escroc Charles Ponzi. Sous la Ve République, inégalités et rigidités bureaucratiques se durcissent. Aujourd’hui, notre système de retraite doit être non seulement réformé, mais restructuré, pour devenir viable, gouvernable et respectueux des choix individuels. Extrait de "La retraite en liberté" de Jacques Bichot, aux Editions cherche-midi (2/2).

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Comment vivre à votre aise quand vous aurez cessé de travailler ? Vous pouvez avoir recours à la capitalisation. Celle-ci peut être réalisée de multiples façons.

Certains préfèrent investir eux-mêmes, qui dans l’immobilier, qui dans sa propre entreprise, qui dans un portefeuille de valeurs mobilières, ou encore en utilisant l’assurance vie. Le moment venu, à moins que le patrimoine ainsi constitué soit suffisant pour que les revenus qu’il produit permettent à eux seuls de bien vivre, il faut alors vendre tout ou partie de ce patrimoine et apporter le produit de cette vente à un organisme d’assurance en échange d’une rente viagère.

D’autres utilisent un ou des « produits tunnels » tels que des « fonds de pension », des Perco (plan d’épargne retraite collectif, destiné à l’épargne salariale), des plans Madelin (pour les travailleurs indépendants), des Perp (plan d’épargne retraite populaire, ouvert à tous), etc.

Chacun de ces organismes joue deux rôles : dans un premier temps, il place les fonds qui lui sont confiés ; dans un second temps, il sert une rente viagère dont l’importance dépend des versements effectués et de la façon dont il les a fait fructifier. Le mot « tunnel » sert à caractériser ces organismes parce qu’ils ne permettent pas, sauf pour certaines raisons, de récupérer son investissement autrement que sous forme de rente viagère La capitalisation peut fonctionner sans difficulté dans un cadre concurrentiel, avec de multiples organismes et produits régis par le droit des contrats et particulièrement des droits de propriété et de créance : il n’y a aucun inconvénient à ce que diverses institutions du domaine de la finance et de l’assurance proposent simultanément leurs services.

C’est un grand avantage. En revanche, elle ne permet pas de servir des retraites suffisantes à la totalité de la population, surtout si les pensions sont liquidées un nombre d’années assez important avant l’âge moyen au décès.

Pourquoi cette impossibilité ? Tout simplement parce que la quantité de capital dont a besoin notre économie n’est pas suffisante. Si la retraite se prenait en moyenne cinq ou six ans avant le décès, cela irait. Mais les Français cessent majoritairement de travailler professionnellement plus de quinze ans avant leur mort. Le rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites) de décembre 2015, intitulé « Les retraités : un état des lieux de leur situation en France », indique que « plus d’un résident français sur cinq est retraité de droit direct » et que le nombre total de retraités (de droit direct ou de droit dérivé – pensions de réversion) « s’élève à 16,7 millions, dont 15,1 millions de résidents, soit près de 23 % de la population française ». Pour financer une telle retraite, dont le montant total est d’environ 340 milliards d’euros (presque 14 % du PIB) en recourant exclusivement à la capitalisation, il faudrait que tous les biens fonciers, immobiliers et mobiliers fassent partie de l’épargne destinée à la retraite.

L’héritage, excepté celui provenant de personnes richissimes, disparaîtrait : les biens appartenant encore à des personnes physiques plutôt qu’à des fonds de pension et autres organismes de retraites par capitalisation devraient pour la plupart être cédés en échange d’une rente viagère lors de leur départ à la retraite.

Certains se disent qu’épargner l’argent actuellement consacré aux cotisations vieillesse suffirait à résoudre le problème. Mais ce n’est pas possible. D’abord parce que, comme il vient d’être dit, plus de 15 millions de personnes attendent leur pension mensuelle pour payer leurs dépenses courantes : voudrait-on nier les droits qui leur ont été accordés en vertu des lois de la République, et les condamner ainsi à mourir de faim ou à faire la manche ? Ensuite parce que le volume des investissements rentables et raisonnablement sûrs qui ne trouvent pas de financement dans l’état actuel des choses est modeste : l’économie n’a pas besoin d’une énorme épargne supplémentaire.

Enfin parce qu’à l’obligation de cotiser pour les personnes âgées succéderait l’obligation de cotiser à des plans d’épargne retraite, ce qui supprimerait un des trop rares espaces de liberté qui subsistent dans notre pays.

Tout cela sans compter que l’État verrait tout de suite le parti à tirer d’une masse d’épargne ne sachant pas où s’investir : il accroîtrait encore le déficit de son budget et celui de la Sécurité sociale, augmentant encore une dette publique déjà très excessive.

Prenons-en donc acte : il n’existe pas de baguette magique qui nous permettrait de remplacer rapidement la répartition par la capitalisation. On peut en revanche augmenter progressivement le recours à la capitalisation, et nous devrions le faire : cela dépend de chacun de nous, ce n’est pas l’État qui le fera à notre place.

Une autre difficulté encore vient limiter le recours à la capitalisation ; elle découle de l’inégale répartition des richesses, inégalité plus forte encore que celle des revenus. Beaucoup de personnes ne possèdent pas grand-chose, tandis que quelques-uns amassent cent fois ce qui est nécessaire pour prendre une retraite très confortable. Quand on vit avec le SMIC ou un peu plus, on ne met pas beaucoup d’argent de côté. Et, comme il vient d’être dit, l’idée de supprimer les cotisations vieillesse pour accroître la capacité d’épargne des personnes modestes est illusoire.

À moins de confier à l’État le soin de mettre tous les citoyens au même niveau – ce qui requiert un pouvoir totalitaire –, il y aura toujours des patrimoines imposants et d’autres très modestes – beaucoup plus nombreux. Si bien que les uns ont plus de fortune qu’il ne leur en faut pour couvrir leurs besoins de retraités, et les autres pas assez. Donc, pour que tout le monde ait la possibilité de prendre sa retraite à un âge convenable, sans pour autant confisquer la fortune des riches au profit de la pension des pauvres – ce qui produirait vite des effets économiques désastreux –, il est nécessaire que nous disposions, en sus de la capitalisation, d’une autre formule. Cette autre formule, c’est la répartition.

Extrait de La retraite en liberté de Jacques Bichot, aux Editions cherche-midi

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