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Deuxième débat de la primaire de la gauche : "Ce qui frappe l'observateur c'est la vacuité des échanges et la pauvreté des propositions"
©CGPME

Tous gagnants

Pendant deux heures quarante cinq minutes, les candidats à la primaire de la gauche se sont affrontés devant les caméras des médias. C'était long, beaucoup trop long au vu de la vacuité des échanges et de la pauvreté des propositions. Seul gagnant visible qui tire son épingle du jeu : les médias.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Aux heures de gloire des « Guignols », la marionnette d’Aimé Jacquet, consultant de Canal+ pour le football, sombrait un peu plus, chaque veille de week-end, dans les affres de la dépression à la seule idée de commenter un « Sochaux-Toulouse » ou un « Le Mans-Dijon » à l’affiche du championnat de Ligue 1. Il serait facile de reprendre ce qui était devenu un « running gag » des célèbres marionnettes pour décrire l’état d’esprit de l’analyste sortant de 2h45 de « débat » ou plutôt de juxtapositions de prise de parole entrecoupées de quelques échanges vaguement animés.

Une bonne fois pour toutes, même s’il reste encore un troisième épisode à cette série improbable avant le vote de dimanche prochain, disons-le clairement. Les primaires sont une escroquerie électorale, institutionnelle et démocratique inventée par des partis politiques en décrépitude et destinées à faire croire au bon peuple qu’il choisit le casting de la présidentielle.  Les débats télévisés qui mettent en scène les primaires constituent le moment où les profiteurs de ce simulacre de civisme passent à la caisse pour toucher leurs dividendes. On ne dira jamais assez que pour les chaines de télévision qui se prêtent à cette comédie le retour sur investissement est plus que positif. Dépenses minimales : même la location du Studio Gabriel compte tenu du décor demeure rentable. 7 pupitres ; même pas de tabouret de bar pour que les sept candidats puissent se reposer ; une table, trois chaises et une brochette de trois journalistes (plutôt bonnes et bon d’ailleurs). Pas étonnant que le téléspectateur soit obligé, au milieu du match, de traverser un long tunnel publicitaire. Au prix de la seconde de télévision, sur ce créneau horaire, on comprend mieux pour quelles raisons trois débats ont été ainsi organisés en quelques jours auquel s’ajoutera celui de l’entre-deux tours le mercredi 25 janvier. Plus de 5,5 millions de spectateurs en octobre 2016. On pouvait se dire que ce serait de nouveau bingo en janvier 2017. Là aussi légère défaillance des prévisionnistes. Mais même si le premier épisode de cette série a rameuté moins de monde jeudi dernier (3,8 millions), en part de marché cela reste excellent par ces temps de désaffection télévisuelle chronique.

Reste les inévitables questions au terme d’une telle séquence. Qui a gagné ? Qui a perdu ? Quelle influence sur les éventuels votants le 22 janvier prochain ? Personne n’a gagné, personne n’a perdu. Pour ce qui est de l’influence : 70% des personnes qui se sont déplacées pour la primaire de la droite, en novembre dernier, ont indiqué qu’elles avaient regardé les débats et que leur choix avait été influencé par ce qu’elles y avaient vu et entendu. Si l’on applique ce raisonnement à l’actuelle primaire de la gauche on peut considérer que les échanges de ce soir vont interférer dans la détermination du vote au premier tour. Mais en réalité on pointe ici un vrai paradoxe, à moins qu’il ne s’agisse d’un grand mystère. Même si les propos tenus par les uns et les autres ont été un peu moins lénifiants que lors du premier débat, ce qui frappe l’observateur c’est la vacuité des échanges et la pauvreté des propositions. On savait que le PS n’avait rien fait de ses 10 ans d’opposition entre 2002 et 2012 pour construire un programme de gouvernement, on sait désormais qu’un certain nombre de ses cadres n’ont rien fait non plus ces cinq dernières années pour concevoir un projet à l’horizon de 2020. On ne nous fera pas croire que la question du « visa humanitaire » pour les migrants, que la légalisation du cannabis et que l’inévitable débat sur la laïcité peuvent tenir lieu de grand dessein politique à la hauteur d’une élection présidentielle. Misère du projet politique, faiblesse des propositions exposées, postures impossibles entre anciens ministres tous, à un degré ou un à autre, comptables de leur plus ou moins récent séjour en conseil des ministres, si ce n’est par leur action, à coup sûr par leurs silences et leurs petites lâchetés. Ce qui ne vaut guère mieux, car selon l’adage populaire : « Qui ne dit mot consent ». N’est-ce pas Vincent Peillon qui a quitté le gouvernement, pour un mandat de député européen, 1 an 10 mois et 15 jours après y être entré ? N’est-ce pas Arnaud Montebourg et Benoit Hamon démissionnés (et non pas démissionnaires) après 2 ans 3 mois et 9 jours de souffrances terribles à cautionner tous les choix politiques abjects qu’un monstre nommé François Hollande leur imposait.

Reste donc là encore une succession de postures. L’alliance de circonstance de trois (Montebourg, Hamon, Peillon : de gauche à droite sur scène) des sept dans un « TCV » (Tous contre Valls). Le gauchisme d’appareil de Benoit Hamon, gardien des saintes huiles du MJS et candidat au rachat à la bougie d’un parti moribond, après la défaite programmée de mai 2017. L’égotisme d’un Montebourg de plus en plus gonflé de suffisance au prorata de l’insuffisance de son projet. Les leçons de morale d’un Vincent Peillon dont Manuel Valls a pu se dire ce soir qu’il n’avait jamais autant mérité le surnom que lui a accolé François Hollande, jadis : « Le Snake ». Et toujours dans la posture : un Manuel Valls se prenant pour la France à lui tout seul. Un Valls faisant du Valls, s’énervant sur commande, dodelinant du chef comme Sarkozy roulait des épaules, se prenant pour le chef alors qu’il risque d’être balayé par le front des antivallsistes. Surtout si les participants à la primaire de gauche décident de s’offrir son scalp pour la modique somme de un euro. Alors on se prenait à écouter avec un zeste d’intérêt Sylvia Pinel, François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias. Aucun n’est présidentiable mais tous sont plus ou moins présentables. Ils sont peut-être les « idiots utiles » de cette mascarade mais ils jouent ce rôle plutôt bien.

Reste un constat sévère : toute cette débauche de mots pour une telle parodie consacre tout à la fois le commencement de la fin du PS d’Epinay et paraphe le bulletin d’entrée en coma profond de la gauche de gouvernement. On se prend à remercier François Hollande de ne s’être pas mêlé à cette émission de télé-réalité  au titre tout trouvé : « The Loosers ». Un président de la République obligé d’attendre son tour pour totaliser 17min13sec de temps de parole en 13 tranches… Toujours se dire, face à une catastrophe qu’on a échappé au pire.

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