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Le feu d'artifice de l'économie britannique post-Brexit peut-il encore durer ?
©Reuters

Chant du Cygne ?

Après les records du secteur manufacturier, c'est au tour de celui des services d'afficher une santé indécente dans une économie qui était pourtant promise à l'apocalypse. Mais au delà des bons résultats 2016, le Royaume Uni pourrait ne pas avoir encore totalement écarté les risques posés par une sortie de l'Union européenne.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : une nouvelle fois, en opposition totale avec les prévisions économiques, les dernières données en provenance du Royaume Uni, relatives au secteur des services, laissent présager une forte croissance pour le dernier trimestre 2016, et ce, malgré le vote en faveur du Brexit. Quelle est la réalité de la situation au Royaume Uni ?

Nicolas Goetzmann : l'activité économique britannique est à son niveau le plus élevé depuis 17 mois, selon les derniers indicateurs en provenance des directeurs d'achat (PMI), ce qui correspond à une croissance de 0.5% pour le seul dernier trimestre 2016. Cette croissance touche l'ensemble des secteurs, les services, le manufacturier, la construction. Le secteur manufacturier vient de toucher un plus haut de 2 ans et demi lors du mois de décembre. De ce fait, les créations d'emplois repartent également à la hausse avec un sommet de 14 mois constaté dans le courant du mois de décembre, et ce, alors même que le taux de chômage du pays est déjà faible, à 4.8%. Le taux d'emploi du pays affiche quant à lui un niveau record historique. Cette importante progression de l'activité se remarque également au travers de la hausse des prix, qui est en train de suivre une tendance ascendante, ce qui est également la conséquence de la baisse de la livre, post Brexit. Il peut également être noté que l'activité sur le continent européen est également en hausse, alors que l'économie américaine affiche également des chiffres positifs. Ainsi, le Royaume Uni combine une forte demande intérieure et une demande mondiale en progrès, ce qui pousse à la hausse l'ensemble des activités du pays. Une autre statistique importante annonce un plus haut concernant les crédits à la consommation, au plus haut depuis 2005. Nous sommes donc très loin de l'apocalypse annoncé. Le Royaume devrait afficher la plus forte croissance des pays du G7 pour l'année 2016, comme l'avait annoncé le FMI dès le mois d'octobre dernier.

Les bons chiffres peuvent-ils durer ? La résilience de l'économie britannique est-elle réellement durable, ou s'agit-il d'un chant du cygne ?

Le fait est que si le vote Brexit a eu lieu, le Brexit lui, est toujours en suspens. Puisque l'article 50, qui est la clause de retrait, n'a toujours pas été enclenché, la sortie du Royaume Uni de l'Union européenne ne s'est toujours pas matérialisée. Les risques existent donc encore, mais la tendance actuelle démontre quand même que le niveau d'inquiétude a pu être surestimé.

Cependant, Andy Haldane, chef économiste de la Banque d'Angleterre déclarait le 5 janvier, "le risque a plus été repoussé qu'il n'a été écarté". "Il y a eu plus de résilience chez les consommateurs et dans le domaine de la construction que nous ne l'avions anticipé. Cela a-t-il fondamentalement modifié notre perception de l'économie pour les prochaines années ? Pas vraiment. Cela est plus une question de "timing" que d'une réévaluation fondamentale de l'économie"

Haldane redoute une ponction sur le pouvoir d'achat en raison de la pression à la hausse sur les prix. De la même façon, le FMI indiquait en octobre qu'un ralentissement économique se produirait dans le courant de l'année 2017, avec une croissance attendue de 1.1%, ce qui est quand même assez loin d'une dépression, surtout dans un pays qui ne compte que 4.8% de chômeurs.

Ce qui est clair, c'est que la Banque d'Angleterre a correctement géré les évènements post Brexit. Elle aurait pu lutter contre la chute de la livre en remontant ses taux, ce qui aurait provoqué un ralentissement sévère, et lui aurait donné raison par rapport à ses prévisions. Mais le travail a été fait correctement, et si la politique monétaire est correctement menée dans le courant des prochaines années, l'impact du Brexit pourra au moins être absorbé en partie. L'économie du Royaume connaîtra un ralentissement de sa croissance réelle en raison de l'inflation, mais cela aurait pu être bien pire avec une Banque centrale moins "tolérante".

Le gouvernement britannique devra également faire face à quelques menaces budgétaires. En effet, alors que certaines dépenses relatives aux Universités, ou à l'agirculture, prises en charge précédemment par l'Union, seront dorénavant prises en charge par Londres. Il est possible que le gouvernement se trouve également contraint de faire quelques "cadeaux" pour compenser l'impact du Brexit dans certains secteurs d'activités, on peut penser au 1.8 milliards de financement européen destiné à la recherche et développement. 

Comment expliquer les erreurs commises, qui laissaient entendre que le Brexit serait désastreux pour l'économie du pays ?

Il y a plusieurs aspects. Le premier est politique, il s'agissait de faire peur aux électeurs sur des bases qui sous estimaient largement les capacités de réaction d'une Banque centrale compétente. Il est évident que les perspectives les plus sombres ont été accentuées au maximum par ceux qui souhaitaient rester au sein de l'UE. Ce n'est pas une nouveauté, mais cela pose quand même de sérieuses questions sur la crédibilité du discours. Entre le Brexit et Donald Trump, les électeurs des démocraties libérales seront maintenant plus difficiles à convaincre. Ensuite, il ne faut pas non plus négliger le fait que le Brexit n'a pas eu lieu, et que ses conditions ne sont pas encore fixées. Les incertitudes sont donc encore nombreuses, notamment pour les entreprises qui attendent de voir. Et il est tout à fait clair que la sortie du Royaume Uni du marché commun aura un impact. Tout dépendra de comment celui-ci sera géré.

Mais clairement, ce qui a été sous-estimé depuis le départ, c'est le pouvoir de la monnaie. Alors que les discours classiques laissent entendre que les Banques centrales sont au bout de ce qu'elles peuvent faire, que leurs limites sont atteintes etc…la Banque d'Angleterre a pu démontrer qu'elle avait encore les moyens d'agir. Elle a abaissé ses taux en août 2016, passant de 0.5% à 0.25%, et ce, alors même que la livre était en chute libre, c’est-à-dire qu'elle a accompagné cette chute. Cette décision a permis de soutenir la demande intérieure au moment du choc, et l'économie du pays a pu profiter de la faiblesse de sa monnaie. Et depuis le début du mois de novembre, la livre a refait une partie de son retard sur l'euro, reprenant 6% sur la monnaie unique. 

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