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SOS idée remarquable : les candidats à la primaire de gauche peinent à contrer l’effet Macron (pourtant si tiède)
©RTL

En campagne

Aujourd'hui, Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon dévoilent leur programme en vue des primaires de la gauche les 22 et 29 janvier. Malgré leurs postes ou le personnalités, aucun de ces candidats ne semble en mesure de contrer l'effet Emmanuel Macron. Le leader du mouvement En Marche jouit d'une belle côte de popularité et d'une bonne couverture médiatique.

Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Vincent Peillon, Manuel Valls et Arnaud Montebourg, trois des candidats à la primaire de la gauche vont présenter leur programme demain. Face à Emmanuel Macron qui est omniprésent, comment les autres candidats peuvent faire pour exister ? 

Eric Verharghe : Je ne suis pas sûr que leur enjeu soit d'exister seulement face à Emmanuel Macron. Il s'agit d'exister tout simplement, ce qui risque de ne pas être facile dans un contexte d'agitation tous azimuts. Je ne suis toujours pas convaincu, d'ailleurs, que Macron constitue pour eux le principal danger. D'un point de vue idéologique, le projet d'un Mélenchon me semble beaucoup plus "cortiqué" et donc menaçant que celui d'un Macron. Pour rester sur Macron, le sujet majeur reste de savoir si le projet qu'il est susceptible de présenter tiendra le choc des attentes électorales ou pas. Les Français auront probablement du mal à se satisfaire d'un projet aussi peu abouti que celui qu'il développe aujourd'hui. A ce stade, Valls, Montebourg et consorts ont donc une véritable chance d'exister vis-à-vis de Macron, pour peu qu'ils travaillent et proposent des idées cohérentes, avec une vision qui précise leur approche des grands marqueurs contemporains. Leur problème portera plus sur leur crédibilité face au projet républicain.

Maud Guillaumin : Arnaud Montebourg et Benoit Hamon essayent d'exister. Arnaud Montebourg a fait un gros coup avec l'humoriste Guy Bedos qui devait prendre une place dans l'organigramme de campagne d'Arnaud Montebourg. En décembre, Guy Bedos a dit qu'il allait sans doute voter pour Montebourg. Ses équipes ont essayé de s'appuyer sur sa personnalité pour faire vivre la campagne de leur candidat. C'est un personnage connu sur lequel ils peuvent jouer auprès du public et des électeurs. Ils doivent prendre toutes les armes qu'ils ont à leur disposition. Arnaud Montebourg a choisi de dévoiler son programme par petites touches. Il en a parlé un peu sans rentrer dans les détails pour faire monter le suspense, mais il n'y a pas eu de réactions autour. Il essaye de remettre en avant le Made in France. Benoit Hamon a capitalisé sur son travail au sein du gouvernement. Il a été le seul à parler de sujets de société comme le burn-out, un sujet qui touche les Français.  Il crée une ouverture vers les autres candidats que ce soit Jean-Luc Mélenchon ou Emmanuel Macron. Il ne ferme pas de porte. Son passage dans l'émission politique sur France 2 a très bien fonctionné, mieux que Arnaud Montebourg. Cela a fait parler autour de sa candidature. Voilà quelques façons d'exister. Mais il y a une vraie dynamique derrière Emmanuel Macron. Des éléments le prouvent. Ses trois unes de Paris Match ont toutes très bien fonctionné.

Que doivent-ils présenter dans leur programme pour fédérer, se démarquer de l'ancin ministre de l'Economie ? 

Eric Verhaeghe : Ils doivent se positionner sur ce qui manque à Macron, notamment une vision réaliste mais ambitieuse sur les grands sujets, avec une prise en compte des marqueurs essentiels. En particulier, ils doivent se positionner sur les deux grands piliers fondateurs contemporains: l'Europe et les finances publiques. On voit bien que ces sujets structurent l'offre politique actuelle. L'Europe est le sujet qui cristallise le plus d'incertitudes, dans la mesure où les Français corrèlent encore fortement la défense de la construction communautaire avec l'ouverture sur l'Europe. Cette corrélation forte les met dans un "corner" dans la mesure où l'idée répandue que la construction communautaire est incontournable les condamne à accepter toujours plus d'austérité et toujours moins de souveraineté. Que proposent les candidats à la primaire sur ce point? On voit bien que le sujet est indissociable de la problématique des finances publiques. Veulent-ils plus ou moins de dépenses publiques? S'ils en veulent plus, ils ne peuvent revendiquer plus d'Europe puisque la règle des 3% s'applique. S'ils veulent plus d'Europe, ils doivent proposer une baisse des dépenses publiques. Ces sujets-là sont de véritables tests pour la crédibilité des candidats, et les Français le savent.

Maud Guillaumin : On peut noter une ressemblance entre Montebourg et Hamon. Ils misent sur un changement constitutionnel avec une sixième République. Les idées d'Arnaud Montebourg montrent qu'il veut changer la Constitution dès juin 2017. Il veut aussi appliquer des changements au Sénat. Ce sont quelques éléments où Emmanuel Macron n'a pas été jusqu'ici. De plus, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoit Hamon ont un socle commun par le NPS (Nouveau parti socialiste). Ils vont pouvoir mettre ces racines communes en avant. 

Le programme actuel d'Emmanuel Macron attire les jeunes, notamment issus des écoles de commerce alors qu'au PS, on n'observe pas de dynamique de la jeunesse derrière un candidat. Si Benoit Hamon pouvait se targuer d'avoir le soutien de la jeunesse par la présidence du MJS, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Sur l'Europe, Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron ont une vision très opposée. Arnaud Montebourg s'est montré très critique vis-à-vis de l'Europe. Emmanuel Macron veut conserver les accords de Schengen alors qu'ils sont très décriés, même à droite. Il arrive à se démarquer des candidats du parti socialiste et de la droite. Enfin, il s'oppose aussi au FN. Avec cette décision et en mettant en garde contre le repli sur soi après les attentats terroristes qui ont frappé l'Europe et en appelant au renforcement de la coopération des vingt-huit, et entre Paris et Berlin, on arrive à une position nette par rapport aux autres candidats socialistes.

Par rapport au bilan du quinquennat actuel, Manuel Valls comme premier ministre, Emmanuel Macron à l'économie ou Vincent Peillon à l'éducation, c'est Emmanuel Macron qui s'en sort le mieux. Il parvient à éviter ces écueils pour maintenir une démarche différente. Comment l'expliquer ? 

Maud Guillaumin : Manuel Valls avait peur de se "filloniser". Il avait très peur de rester bloqué dans son poste de premier ministre, à ne pas s'affirmer par rapport à l'échec de François Hollande. Il a vu que François Fillon a réussi de se défaire de l'image de Sarkozy pour se faire une stature de candidat. Néanmoins, cela a pris tous le quinquennat de François Hollande.  Le temps est beaucoup plus étroit pour Manuel Valls. Cela va être plus difficile. Arnaud Montebourg et Benoit Hamon ont été chassé du gouvernement. De plus, ils sont entachés par le fait d'y avoir participé tout en le critiquant de l'intérieur. C'est une position un peu compliquée pour les électeurs. Vincent Peillon a beaucoup souffert d'être exclu du gouvernement lui aussi. Il est parti au Parlement Européen et on ne l'a plus entendu. Du fait de s'être tut, il est associé au gouvernement sans y avoir d'éléments positifs à apporter. 

Emmanuel Macron, lui, il a réussi à mettre en avant son action, même si ça n'a pas été une réussite comme le travail du dimanche, les autocars et d'autres. Il a dit "regardez, j'ai fait plein de choses". Il a pris le parti que c'est Manuel Valls qui l'a empêché d'aller au bout de son action. Il est parvenu à trouver une parade. Il a su montrer une aura, un élan. Il a réussi à sortir du marasme en admettant ses erreurs, mais il a montré sa volonté. Aujourd'hui enfin, il peut affirmer qu'il n'est pas de gauche. Il tient un discours libéral de gauche, mais il ne s'affirme pas socialiste. C'est toute la difficulté du Parti Socialiste actuellement. Il n'arrive pas à rompre les amarres du socialisme à l'ancienne. C'est ce qu'à fait le SPD en Allemagne. Cela a entrainé les querelles au sein du parti socialiste avec les frondeurs, la loi El Khomri ou le gouvernement a avancé, puis reculé, puis avancé. Emmanuel Macron a réussi à se défaire de cette idéologie. 

Eric Verhaeghe : De mon point de vue, la course n'est pas encore jouée. Macron est sur les routes depuis plusieurs mois, et il a profité des interstices de la campagne pour se donner des marges d'existence. Le débat de la gauche et de sa primaire peuvent tout à fait se révéler constructifs ou, en tout cas, offrir de vraies perspectives qui contrebalanceront la situation. Maintenant, si les candidats en lice ne savent pas se tenir et se montrent incapables d'offrir un vrai programme qui tient la route, les Français se cramponneront, en tout cas les Français de gauche, à l'offre qu'ils jugeront la plus aboutie, la plus ambitieuse et la plus réaliste à la fois. Mais cette orientation tient et tiendra plus à un choix par défaut qu'à une adhésion spontanée. Sur ce point, le soutien manifeste que les médias subventionnés apportent à Macron fausse considérablement l'appréciation de la situation.

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