Bougie utile
Envie de comprendre ce qui nous arrive ? Ces 5 sondages Atlantico qui ont éclairé l’année politique 2016
Alors que l'année 2016 s'achève, Atlantico propose un condensé de 5 sondages qui permettent de comprendre les mécanismes à l'oeuvre l'année passée. Un coup d’œil dans le rétroviseur utile pour appréhender l'avenir.
Atlantico : Dans quelle mesure les principaux résultats de ces sondages éclairent-ils sur l'année politique qui vient de s'écouler en France ? Quel bilan de cette année politique en France peut-on dresser au regard des principaux résultats de ces sondages ?
Christophe Bouillaud : La première conclusion que l'on peut tirer de ces sondages porte sur François Fillon. A la lumière de ces études, on peut dire que la victoire de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy correspond précisément aux attentes de l'électorat de droite. Ces sondages reflètent une volonté, à droite, de renverser la table. L'électorat de droite prend d'ailleurs plusieurs positions très favorables aux réformes. Certaines de ces positions sont mêmes favorables à un gouvernement technocratique voire autoritaire.
En revanche, l'électorat général représente un panorama assez différent. On constate effectivement que les Français veulent et attendent des réformes, mais il s'agit d'une volonté plus abstraite. Quand on rentre dans le détail de ces mesures, réforme par réforme, il se dessine clairement un clivage entre l'électorat de gauche, de droite, et même d'extrême droite. Pour reprendre des exemples concrets tirés de ces sondages, on voit bien que des sujets comme le temps de travail ou l'âge du départ en retraite constituent encore des marqueurs de clivages. Il est intéressant de noter, aussi, que la réforme est acceptée en priorité quand elle touche les autres. Les retraités semblent, d'après les sondages pour Atlantico, très favorables à ce que les jeunes actifs travaillent plus longtemps. Pourtant, la plupart d'entre eux ont disposé d'une retraite à un âge moins élevé.
Sondage 1: Ce qu'attendent les Français de la droite
Le troisième enseignement de ces sondages souligne la tentation des classes populaires pour un régime plus autoritaire. Les classes populaires sont généralement les plus prêtes à abandonner les formes habituelles de la démocratie, c'est un constat qui est fait depuis le commencement des sondages d'opinion, entre 1940 et 1950. Si elles sont plus tentées par des solutions autoritaires que les classes plus favorisées, c'est largement en raison d'un déficit d'éducation. Cependant ce constat reste ironique et presque triste dans la mesure où ce sont ces mêmes classes populaires qui se sont battues au dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle pour la démocratie, le suffrage universel, le droit de vote de tous et toutes, et d'une façon générale la possibilité de s'exprimer démocratiquement.
Sondage 2: L'attirance des Français pour un gouvernement technocratique non élu ou autoritaire
Bien évidemment, on ne peut exclure l'aspect sécuritaire des enseignements de ces sondages marquants de l'année passée. La demande de davantage de sécurité est fortement liée aux attentats et, de façon générale, à la situation du pays d'un point de vue criminel, terroriste, etc. Cependant, il est important de rappeler que la notion de sécurité peut aussi être interprétée comme une forme de sécurité matérielle, économique. La sécurité c'est aussi l'inverse de la précarité, ce qui correspond donc à un revenu suffisant et assez régulier pour vivre. Les sondages peinent à distinguer ces deux aspects de la sécurité dans les réponses qu'ils recueillent, aussi il peut exister une certaine ambiguïté. Cela ne signifie évidemment pas qu'il n'y ait pas une réelle appréhension à l'égard du terrorisme : la crainte de celui-ci est très réelle et les sondages sélectionnés montrent indéniablement une opinion très sécuritaire, très en demande d'ordre, de sécurité justement. Par ailleurs, ce besoin d'ordre et de sécurité semble s'inscrire dans une loi plus générale que des politistes ont pu établir récemment : à la suite d'une crise financière, depuis le XIXème siècle jusqu'à nos jours, on observe une montée en puissance des courants de droite et d'extrême droite dans l'opinion. Cela se fait toujours autour de la thématique de la loi et de l'ordre mais aussi autour du rejet d'une ou plusieurs minorités, érigées en responsables de cette crise financière. Malheureusement, l'impression que l'on peut avoir c'est que la droitisation de l'électorat français – mais également de celui des autres pays occidentaux – correspond bien aux troubles qu'a introduit la crise financière de 2007-2008 dans la société occidentale en général.
Sondage 3: Le terrorisme, première préoccupation des Français en vue de la présidentielle 2017
Sondage 4: François Fillon qualifié pour la première fois au deuxième tour de la primaire de la droite et du centre
Au regard des sondages, encore une fois, François Fillon correspond parfaitement à ce que voulait la grande masse des électeurs de droite. De la loi et de l'ordre, un retour à une certaine frugalité en matière du personnage qu'il incarne et, effectivement, l'annonce de réformes radicales. Cependant, ce candidat ne correspond pas pour autant complètement aux attentes de l'électorat en général. Pour reprendre un exemple tiré des sondages, on constate que si l'électorat de la droite républicaine est très favorable à la suppression des 35h, celui de la droite "étendue" que représente le FN ne l'est pas nécessairement. Dans la droite classique Fillon correspond tout à fait à la demande. Dans une droite plus large, c'est moins le cas. Dans l'électorat en général, l'attrait de ses propositions est moins évident.
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Sondage 5: Ce que pensent les Français de l'appartenance de leur pays à l'Union européenne
Enfin, sur la question européenne, les sondages soulignent largement le désenchantement majeur qui a lieu en France. Les Français ne croient plus beaucoup en l'Europe. Ce n'est pas véritablement une nouveauté, mais on constate manifestement une accentuation du phénomène sur l'année 2016. Par conséquent, il faudra s'attendre à ce que les discours tenus par nos politiques soient à nouveau très défavorables à l'égard de l'Europe : pour se faire élire, il faudra en dire du mal. C'est quelque chose que François Fillon n'a pas véritablement fait durant le débat de la primaire de la droite, mais il a clairement dit qu'il y avait plusieurs choses qu'il souhaitait changer en Europe. Cela correspond bien sûr à son idée plus générale de réformes bien marquées.
Le fait est aujourd'hui qu'une grosse minorité de la population se dit favorable a plus d'ordre et de sécurité. Éventuellement, une partie se prononce même en faveur d'un gouvernement technocratique. Cependant, lorsque la population voit ce gouvernement technocratique à l'œuvre en Europe, cela engendre immédiatement un refus. Ce constat illustre l'acceptation montante mais pas encore majoritaire toutefois de dirigeants ou de gouvernements autoritaires au niveau national, mais pas du tout au niveau supranational. Il y a donc un hiatus assez intéressant à relever. Je crois, finalement, que ces sondages montrent bien la dimension très contradictoire de l'électorat sur de nombreux sujets. Il me semble que les individus qui répondent aux sondages se laissent parfois prendre par une formulation trop abstraite des questions. Des questions abstraites engendrent des réponses peu fiables. Plus les questions seront concrètes, plus les réponses seront solides et sérieuses.
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