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Cessez-le-feu russo-turc en Syrie : qui a encore besoin de l’Occident après la présidence Obama ?
©Reuters

Chapeau bas

L'accord pour un cessez-le-feu en Syrie conclu par la Russie et la Turquie est entré en vigueur depuis le 28 décembre à minuit. Sur ce sujet, l'Occident n'a pas eu son mot à dire.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Roland Lombardi

Roland Lombardi

Roland Lombardi est consultant et Directeur général du CEMO – Centre des Études du Moyen-Orient. Docteur en Histoire, géopolitologue, il est spécialiste du Moyen-Orient, des relations internationales et des questions de sécurité et de défense.

Il est chargé de cours au DEMO – Département des Études du Moyen-Orient – d’Aix Marseille Université et enseigne la géopolitique à la Business School de La Rochelle.

Il est le rédacteur en chef du webmedia Le Dialogue. Il est régulièrement sollicité par les médias du Moyen-Orient. Il est également chroniqueur international pour Al Ain.

Il est l’auteur de nombreux articles académiques de référence notamment :

« Israël et la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient : quelles nouvelles menaces et quelles perspectives ? » in Enjeux géostratégiques au Moyen-Orient, Études Internationales, HEI - Université de Laval (Canada), VOLUME XLVII, Nos 2-3, Avril 2017, « Crise du Qatar : et si les véritables raisons étaient ailleurs ? », Les Cahiers de l'Orient, vol. 128, no. 4, 2017, « L'Égypte de Sissi : recul ou reconquête régionale ? » (p.158), in La Méditerranée stratégique – Laboratoire de la mondialisation, Revue de la Défense Nationale, Été 2019, n°822 sous la direction de Pascal Ausseur et Pierre Razoux, « Ambitions égyptiennes et israéliennes en Méditerranée orientale », Revue Conflits, N° 31, janvier-février 2021 et « Les errances de la politique de la France en Libye », Confluences Méditerranée, vol. 118, no. 3, 2021, pp. 89-104.

Il est l'auteur d'Israël au secours de l'Algérie française, l'État hébreu et la guerre d'Algérie : 1954-1962 (Éditions Prolégomènes, 2009, réédité en 2015, 146 p.).

Co-auteur de La guerre d'Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards. Sous la direction d'Aïssa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur, aux éditions Karthala, Février 2015, Gaz naturel, la nouvelle donne, Frédéric Encel (dir.), Paris, PUF, Février 2016, Grands reporters, au cœur des conflits, avec Emmanuel Razavi, Bold, 2021 et La géopolitique au défi de l’islamisme, Éric Denécé et Alexandre Del Valle (dir.), Ellipses, Février 2022.

Il a dirigé, pour la revue Orients Stratégiques, l’ouvrage collectif : Le Golfe persique, Nœud gordien d’une zone en conflictualité permanente, aux éditions L’Harmattan, janvier 2020. 

Ses derniers ouvrages : Les Trente Honteuses, la fin de l'influence française dans le monde arabo-musulman (VA Éditions, Janvier 2020) - Préface d'Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement et de sécurité de la DGSE, Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), Abdel Fattah al-Sissi, le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)

Vous pouvez suivre Roland Lombardi sur les réseaux sociaux :  FacebookTwitter et LinkedIn

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Atlantico : La Turquie et la Russie viennent de s'entendre sur un cessez-le-feu en Syrie, en vigueur depuis le 28 décembre à minuit. Ni l'Occident, ni les États-Unis n'ont pris part à la négociation, signe du recul indéniable de l'influence américaine et occidentale dans le monde. En outre, plusieurs observateurs soulignent le rôle de Barack Obama dans ce déclin en matière de leadership. Comment expliquer un tel recul ? De quoi peut-on effectivement blâmer Barack Obama en la matière ?

Guillaume Lagane :  En premier lieu, il m'apparaît important de préciser toute la dimension historique de cet accord pour un cessez-le-feu entre la Russie et la Turquie. Il l'est à bien des égards, mais surtout parce qu'il illustre l'influence actuelle d'acteurs régionaux alors que, jusqu'à présent, les États-Unis tenaient une place primordiale au Moyen-Orient. À titre de comparaison, c'est un peu comme si la guerre en Afghanistan, dans les années 80, s'était terminée par un accord entre le Pakistan et l'URSS.

L'effacement des États-Unis est une constante du conflit syrien. Déjà en 2011, Barack Obama apparaît circonspect face aux printemps arabes qu'il n'avait absolument pas anticipés. Il a ensuite hésité à soutenir l'opposition syrienne, qu'il a toujours décrié. Par la suite, et malgré la ligne rouge qu'il avait lui-même fixé, il a refusé une intervention américaine directe en 2013 quand Bachar al-Assad a employé des armes chimiques contre ses opposants. Le recul de l'influence américaine n'est qu'une conséquence logique d'une telle politique.

C'est enfin, plus globalement, la traduction d'une politique étrangère marquée par trois piliers : l'isolationnisme, le réalisme et une certaine forme de gauchisme. L'isolationnisme se traduit par la volonté d'un retrait des États-Unis des affaires du monde. Le Barack Obama de 2008 n'est pas très éloigné de Jean-Luc Mélenchon : il pense en effet que les interventions américaines sont, globalement, négatives. Le réalisme illustre un pragmatisme et une froideur parfois reprochés à l'actuel locataire de la Maison Blanche : les États-Unis ne doivent intervenir et lorsque leurs intérêts profonds et vitaux sont engagés. Enfin, le "gauchisme" de la politique étrangère de Barack Obama, typique d'une fraction "libérale" du parti démocrate, se retrouve dans son sentiment à l'égard de l'impérialisme américain, qui serait selon lui responsable des grands maux du XXème siècle. Tout cela engendre naturellement une tendance au non-interventionnisme au Moyen-Orient et un "pivot" vers l'Asie, perçue comme la seule région d'intérêt pour Washington.

Roland Lombardi : Vous avez raison, le récent cessez-le-feu en Syrie, qui peut se révéler être un tournant majeur de la guerre civile syrienne et qui surtout, est parrainé par la Russie et la Turquie, marque clairement la mise hors-jeu de l’Europe (et notamment de la France) mais aussi de l’ONU. En ce qui concerne les États-Unis, c’est peut-être moins évident que cela. Je m’explique : même si les Américains ont été écartés (ils se sont d’ailleurs eux-mêmes mis en retrait sur le dossier syrien ces derniers mois) des négociations, je reste persuadé que, aussi paradoxal que cela puisse paraître, Washington est discrètement mais sûrement informé, d’une manière ou d’une autre, des grandes lignes de ce nouvel accord. D’abord par la Turquie, toujours membre important de l’OTAN, mais aussi par la Russie, qui malgré toutes les apparences, discute toujours de la région avec les États-Unis et qui souhaite également, démontrer sa bonne volonté quant à une future coopération pour combattre le terrorisme et l’islam radical dans la région.

Quoiqu’il en soit, il est vrai qu’au Proche et Moyen-Orient comme en Europe d’ailleurs, les États-Unis semblent s’être progressivement désengagés de ces régions. Les détracteurs d’Obama déplorent qu’en matière de politique étrangère, le président américain se soit contenté de réagir timidement aux événements, au lieu d’adopter une stratégie beaucoup plus proactive. C’est cette relative "passivité" et ses retenues qui lui sont reprochées. Certains évoquent même un bilan pitoyable vu que l’Amérique paraît avoir reculé sur tous les fronts. Pour ma part, même si par le passé j’ai souvent critiqué le président américain, tout compte fait, je dirais que ce bilan est finalement mitigé et moins négatif qu’on pourrait le croire. D’abord, car Obama a, au final, respecté tant bien que mal la plupart de ses promesses électorales de 2007, comme le retrait stratégique du Moyen-Orient (grâce à l’indépendance énergétique américaine), en mettant fin aux opérations en Irak et en Afghanistan mais tout en poursuivant la lutte contre le terrorisme, le rééquilibrage de la présence militaire et l’investissement stratégique américain en Europe et au Moyen-Orient au profit de l’Asie-Pacifique ("pivot vers l’Asie") et enfin, la fin des antagonismes avec les "adversaires" et les "ennemis" du passé ("reset").

En effet, en 2015, Obama a conclu d’importants accords commerciaux en Asie et négocié notamment un grand traité de libre-échange, le Partenariat trans-pacifique (TPP), avec Brunei, le Japon, le Vietnam, la Malaisie, Singapour, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Chili, le Pérou, le Mexique et le Canada (la Chine étant exclue bien sûr). Celui-ci couvre 40% de l’économie mondiale.

Obama a également normalisé les relations avec Cuba (2014) et surtout, signé, en juillet 2015, l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien. Seul bémol dans la politique des "reset", c’est qu’avec la Russie, ça n’a pas abouti…

L’autre déception concerne la paix promise, notamment lors du célèbre discours du Caire de juin 2009, au Moyen-Orient et notamment entre Israéliens et Palestiniens. Le statut quo dans le dossier israélo-palestinien durant huit années et l’affaire de la dernière résolution onusienne contre Israël, où les Etats-Unis se sont spectaculairement abstenus, (mais qui n’aura aucune incidence majeure pour l’avenir) en sont la triste illustration…

Certes, l’élimination au Pakistan du chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, en mai 2011, est l’un des succès du président américain. Par ailleurs, l’administration Obama a intensifié sa lutte contre le terrorisme en privilégiant le renseignement, les forces spéciales et les drones (51 frappes par des drones sous Bush et plus de 500 sous Obama). Mais en Irak et en Afghanistan, il s’est avéré que le retrait militaire de la région a peut-être été prématuré. Et effectivement, Obama a été obligé de renforcer les troupes américaines en Irak (surtout des forces spéciales) et surtout, de relancer des frappes aériennes contre Daesh en Syrie et en Irak depuis septembre 2014.

Toutefois, beaucoup reprochent encore à Obama, l’absence de réaction lorsque la ligne rouge des armes chimiques a été franchie en août 2013. Mais peut-on réellement le blâmer ? A l’inverse de l’inconséquent président français qui était alors prêt à en découdre (et qui fut encore pitoyablement humilié par la suite), peut-être que le locataire de la Maison Blanche, devant aussi le désistement des Britanniques, a préféré, à une intervention aux conséquences incontrôlables, une négociation avec les Russes et ce pour une issue beaucoup plus raisonnable. Ce sursaut de réalisme salvateur du président américain était peut-être aussi dû au souvenir du désastreux épisode libyen (où il avait suivi Camerone et Sarkozy) et aux premiers rapports alarmistes du Pentagone faisant état de l’inéluctable échec de leur soutien aux rebelles syriens (Par exemple, les Américains avaient prévu d’organiser, de former et d’armer une unité de 5 000 rebelles "modérés". Ils n’ont pu en recruter qu’une centaine qui, pour une part, se sont fait tuer, et pour l’autre, sont passés avec armes et bagages chez les jihadistes !).

Certes, les intelligentsias occidentales ont beaucoup critiqué la "passivité" et la politique mesurée d’Obama en Syrie (comme en Ukraine). C’est vrai que nos belles âmes va-t-en-guerre sont toujours très courageuses…mais avec le sang des autres ! Le prix Nobel de la paix de 2009 a, quant à lui, choisi la prudence et c’est tout à son honneur. Plus qu’ailleurs, en politique internationale, mieux vaut souvent ne rien faire que faire n’importe quoi !

Je pense que l’Histoire nous dira peut-être que le président Obama, a résisté tant bien que mal, durant ses deux mandats, aux influences néfastes et aux pressions. Pressions des différents lobbies (notamment anti-russes, pro-saoudiens…), de certains stratèges et responsables de la CIA, encore bloqués sur les vieux logiciels de la Guerre Froide et "de la carte islamiste", et enfin, des dangereux idéologues de son parti et de son administration. Ainsi, en définitive, il nous a sûrement évité le pire !

Ces évolutions de l'ordre mondial sont-elles réversibles ? Dans quelle mesure peut-on revenir sur les erreurs et les travers de la gestion Obama pour rendre à l'Amérique de sa superbe. L'objectif de Trump "Make America great again" est-il seulement possible ?

Roland Lombardi : A mon sens et comme je l’évoquais précédemment, les "erreurs" et surtout les tergiversations et les hésitations comme la grande prudence d’Obama auront au moins évité une dégradation encore plus catastrophique de la situation au Moyen-Orient comme en Europe (Ukraine). Pour autant, il ne faut pas se leurrer, les Etats-Unis demeurent encore et toujours LA seule superpuissance planétaire, à la fois sur le plan culturel, technologique, financier, économique (le taux de croissance est le plus élevé de tous les Etats occidentaux) et par-dessus tout stratégique et militaire (le budget de sa défense est égal aux dépenses de défense des sept pays qui le suivent). De fait donc, les Etats-Unis seront toujours respectés et surtout, écoutés. Ils restent le centre et le leader du monde occidental libéral. Reste à savoir comment sera utilisée cette puissance, toujours d’actualité je le rappelle, par la nouvelle administration Trump.

Guillaume Lagane : Il me semble indéniable que l'élection de Donald Trump traduit la volonté des Américains de retrouver un dirigeant qui soit un "leader". Qui porte une vision positive du monde et qui ait la volonté de la mettre à l'œuvre. Sans partager les obsessions du président-élu, qu'il s'agisse de libre-échange, d'islamisme, etc, force est de constater qu'il semble convaincu de ses objectifs et souhaite les atteindre. Cette seule dimension est très différente de la façon dont Obama appréhendait la politique. Obama a été un leader froid, rationnel, mais également très indécis et indifférent aux souffrances du peuple syrien. Il avait fait de ce détachement et de son inaction une marque de fabrique, au point que son administration a adopté pour crédo le fameux "leading from behind", un curieux paradoxe pour la première puissance mondiale. Avec Donald Trump, il n'est pas inenvisageable que l'Amérique retrouve une volonté plus forte. Une volonté pour quoi faire ? C'est une autre question, tant le nouveau président semble imprévisible...

Une question qu'il me paraît important de soulever est la suivante : Obama n'est-il pas le premier des nouveaux leaders américains du XXIème siècle qui prennent acte de l'effacement des États-Unis en tant que première puissance mondiale ? Le XXème siècle était à bien des égards celui de l'émergence des États-Unis. On parlait à l'époque de "the rise of the west". Aujourd'hui on assiste plutôt à ce que Fareed Zakaria appelle "the rise of the rest". C'est-à-dire la montée en puissance d'autres pôles, de la Russie jusqu'à l'Inde en passant par la Chine ou par le Brésil. La puissance des États-Unis est désormais plus relative. Ils n'auront peut-être plus les moyens de jouer ce rôle de leadership qu'ils assumaient au XXème siècle. Le PIB américain correspond à 20% du PIB mondial et occupe la première place. En 2050 il ne devrait correspondre qu'à 16% et sera probablement dépassé par la Chine, dès les années 2020. dans ces conditions, même un leader plus volontaire, comme Trump, n'aura pas les moyens de son ambition.

Pour autant, je ne suis pas sûr que ces changements soient nécessairement irréversibles, Il n'est pas impossible que les faiblesses des autres pôles de puissance fasse des États-Unis un leader relatif, certes, mais réel car encore le seul à conserver une panoplie totale de puissance. La Russie n'a que le PIB de l'Italie. C'est un pays qui se veut une grande puissance mondiale mais où des dizaines de personnes peuvent mourir parce qu'elles ont acheté de la vodka frelatée. L'Inde ou le Brésil sont plombés par leurs problèmes sociaux et un fort degré de corruption. Enfin, si la Chine impressionne, elle ne peut empêcher ses citoyens d'acheter dès qu'ils le peuvent des biens hors du pays (en Australie par exemple), pour préparer une fuite éventuelle… Par contraste, Washington conserve la puissance économique, le soft power et la première puissance militaire mondiale. Barack Obama a anticipé l'affaiblissement des États-Unis plus qu'il ne l'a constaté. Il était tellement persuadé que les États-Unis ne devaient pas intervenir qu'il s'est refusé à utiliser une puissance encore considérable. Et que Trump, par une politique favorable aux entreprises, pourrait encore accroître.

Comment imaginer un nouvel ordre mondial, sans leader américain ? Faut-il craindre, comme le prétendent certains observateurs américains, un recul de la paix dans le monde ?

Guillaume Lagane : En matière d'ordre mondial, deux options prévalent. La première a été largement souhaitée par la diplomatie française et les grandes puissances émergentes est celle d'un monde multipolaire ou polaire, selon le mot de Richard Haas. Il s'agit d'un monde dans lequel il n'y a plus de puissance dominante. L'équilibre des puissances prévaut et évite les conflits, mais aussi les excès d'une superpuissance, d'une "hyperpuissance" selon le mot peu sympathique à l'endroit des Etats-Unis d'Hubert Védrine. Cette école de pensée ne cessait de vanter les vertus d'un monde multipolaire. Elle peut être satisfaite : nous y sommes presque !

On peut cependant faire preuve de circonspection à l'égard de cette théorie. Les précédents systèmes fondés sur l'équilibre des puissances, et je pense au concert européen de la fin du XIXème siècle, ont planté les graines d'un déséquilibre des puissances. L'un des exemple les plus parlant a été la première guerre mondiale, née de la volonté de l'Allemagne de contester le leadership britannique. Plus tôt encore dans l'histoire, la guerre du Péloponnèse, dans la Grèce du V°s, résulte de la rivalité entre Athènes, une démocratie hégémonique mais finalement débonnaire, et de Sparte, autoritaire et émergente.

Une autre théorie que l'on peut défendre, donc, c'est la nécessité d'une puissance dominante pour garantir la paix. Les États-Unis, après 1945, ont pesé si lourd économiquement, idéologiquement et politiquement, qu'ils ont permis le maintien d'une forme de pax americana. Les États-Unis ont réagi comme une sorte de "leader bienveillant", le genre de leadership qui, selon la célèbre analyse de Charles Kindlberger, a manqué au monde après la crise de 1929 : isolationnistes, les Etats-Unis de l'époque ont été incapables de répondre à la violence de la crise et celle-ci s'est approfondie, jusqu'à déboucher sur la seconde guerre mondiale.

Les Etats-Unis actuels sont l'Athènes moderne et la Russie, la Chine, l'Iran autant de petites Spartes. La domination américaine avait toutes sortes d'inconvénients. Mais son absence pourrait se révéler dévastatrice. Sans connaître Thucydide, les habitants d'Alep peuvent en témoigner !

Roland Lombardi : Non, je ne le pense pas. Même si le candidat Trump a appelé durant sa campagne à plus d’isolationnisme et au désengagement de l’Amérique face par exemple aux "coûts exorbitants" de l’alliance transatlantique ou de la présence américaine au Moyen-Orient, les États-Unis ne pourront totalement abandonner leur leadership. Tout simplement car l’Europe et le Moyen-Orient sont les bases du pivot tant souhaité vers l’Asie. Ce qui nécessite donc leur stabilité, tout comme des relations apaisées entre l’Occident et la Russie.

Ainsi, si Trump tient ses promesses, notamment sur un éventuel rapprochement avec la Russie, et qu’il fonde effectivement sa future politique étrangère sur le réalisme, il y a un certain espoir… En tout cas, avec les dernières nominations d’hommes d’expérience, compétents et surtout pragmatiques (et aussi amis de la Russie, ce qui ne gâche rien) aux futurs postes clés de son administration, Trump ouvre des perspectives prometteuses…

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