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Après "Ali Juppé", la "fachosphère" s'en prend à "Farid Fillon"... Mais François Fillon doit-il vraiment s’en inquiéter ?
©AFP

Effet relatif

Vous avez aimé "Ali Juppé", vous allez adorer "Farid Fillon", la nouvelle campagne de décrédibilisation menée par des activistes d'extrême-droite envers François Fillon. Reste à savoir si cette campagne a vraiment de quoi inquiéter le candidat des Républicains.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Après la campagne menée contre Alain Juppé (affublé du sobriquet "Ali Juppé") et pointant du doigt sa position tolérante face à l'islam, c'est au tour de François Fillon de devenir "Farid Fillon". D'après vous, est-ce que ce genre de campagnes sur les réseaux sociaux peut avoir un impact ? Auprès de qui ?

Jérôme Fourquet : Il y a évidemment des activistes qui se déploient sur la toile pour marquer au fer rouge un certain nombre de candidats et diffuser une image négative de ces derniers. Il faut alors s'interroger sur l'impact auprès du grand public. Il est de bon ton de dire aujourd'hui que tout se passe sur les réseaux sociaux, mais il faut relativiser cette idée, sans pour autant certes minimiser leur impact. Je suis intimement convaincu qu'Alain Juppé, qui a fait la plus grande publicité à cette campagne en en parlant à la télé, a touché de très nombreux Français qui n'y avaient jamais été exposés auparavant et jusque-là n'avaient jamais entendu parler d''Ali Juppé".

Plusieurs éléments sont à établir. D'abord, quelle est la couverture et la force de frappe de cette campagne ? Combien vont y être exposés ? Les précédentes montrent que cela n'a pas touché un large public. Deuxièmement : est-ce qu'on est dans le dénigrement pour le dénigrement ou est-ce qu'un certain nombre d'arguments peuvent faire sens et mettre en alerte, susciter la curiosité ou un doute chez ceux qui votent ? Au premier coup d'œil, dans le cas de François Fillon on se dit que cela n'a pas de sens et ne vaut pas grand-chose. Dernier élément, l'attitude de François Fillon, pas forcément vis-à-vis de cette campagne mais sur le fond du sujet, sans pour autant crédibiliser ou faire la promotion de cette campagne de diffamation.

Il y a une expression italienne qui dit : "Se non è vero è bene trovato", ce qui veut dire que "si ce n'est pas vrai, c'est bien trouvé". Il y a des campagnes comme cela qui peuvent faire mouche en appuyant sur des faits qui sont faux. Dans le cas de Juppé, son attitude vis-à-vis du financement de la mosquée à Bordeaux par exemple. Evidemment, le but de ces campagnes est de draguer le vote de la droite pour le diriger vers l'extrême-droite, mais c'est amusant de noter que ça marche à l'envers et que pendant la primaire de la droite cela a certainement renforcé le vote pour Fillon. 

Alors que François Fillon est plutôt connu pour ses positions fermes, avec, par exemple, la sortie de son livre Vaincre le totalitarisme islamique, cette campagne est-elle vraiment crédible ?

On a vu lors de cette primaire la campagne d'Alain Juppé et son positionnement sur ce qu'il appelle "l'identité heureuse". Sa position a posé problème à beaucoup de gens de droite. Nicolas Sarkozy en premier l'a pilonné sur cet angle. C'est plus cela qui a fait du mal à Juppé, pas tant l'impact des réseaux sociaux. Quelque part, cette campagne a pu mettre un projecteur, contribué davantage à la mauvaise image de Juppé auprès de cet électorat, mais ce sont les autres candidats qui ont vraiment appuyé dessus.

 La mayonnaise ne peut prendre que si un certain nombre d'ingrédients sont présents. Fillon a eu un discours extrêmement dur et carré sur la question de l'islam et des musulmans. Il a repris l'idée des racines chrétiennes et catholiques de la France. En termes de point de départ, la campagne d'Alain Juppé se prêtait plus à ce type d'attaque que Fillon aujourd'hui. Dès lors, on peut s'interroger sur l'impact réel qu'aura la campagne "Farid Fillon" et comment est-ce qu'il va gérer ce phénomène. A mon sens, sur ce dernier point, le vainqueur de la primaire de la droite est mieux armé, mieux placé pour résister sur ce sujet. Peut-être pas sur d'autres, mais sur celui-là oui.

Maintenant, tout dépendra des signaux qu'envoie le candidat et de l'évolution de son discours tout au long de la campagne. Je vois mal comment ce type de campagne pourrait prendre auprès de gens qui sont déjà convaincus du discours de François Fillon et qui l'ont déjà préféré lors de la primaire de la droite. L'électorat a déjà fait la distinction et a clairement choisi la position dure. S'ils l'ont fait, c'est qu'ils ont déjà fait la distinction entre les deux candidats de la droite et avaient compris leurs positions sur ce thème. Quand Fillon dit que les chrétiens d'Orient sont massacrés au Levant, qu'il faut que l'on se remette à discuter avec Poutine pour les protéger et éradiquer l'Etat Islamique, c'est un langage fort et des positions dures. De même, avec son livre Vaincre le totalitarisme islamique ou lorsqu'il dit qu'il a "banni de son vocabulaire le terme communautarisme", ce sont des signaux forts de nature à contrecarrer ces campagnes sur les réseaux sociaux où il est décrit comme complaisant face à l'islam.

A-t-on déjà vu ce genre de campagnes aussi réactives par le passé ? Qu'est-ce que cela nous dit de l'importance des réseaux sociaux pour cette élection ?

Les réseaux sociaux étaient déjà très développés en 2012. Encore une fois, tout dépend de la pertinence et de la qualité des informations fournies qui se propagent sur ces canaux. Les réseaux sociaux sont des tuyaux : si vous envoyez des arguments qui ne font pas mouche, cela va rater sa cible. Au contraire, si le discours est porteur et si les arguments sont bien construits, alors oui, cela peut faire des dégâts.

Déjà en 2005, pendant le référendum sur la Constitution européenne, les enquêtes ont démontré que ce sont les partisans du "non" qui avaient été les plus actifs sur la toile. Internet était un bon moyen de diffusion pour la circulation des idées. Quelqu'un avait ouvert un blog qui avait critiqué le projet de construction européenne et, de fil en aiguille, avait accumulé une audience d'une importance spectaculaire. Ça ne remonte pas à hier, cela fait déjà 10 ans, mais il y avait un vrai travail derrière, un vrai argument qui allait trouver un public. Et cela n'a été possible que parce que les arguments étaient pertinents et convaincants.

Maintenant, attention à l'effet de loupe. Que représentent les centaines de "retweets" face à la masse totale de l'électorat ? Est-ce qu'il n'y a pas des techniques pour gonfler les chiffres et est-ce que tout cela ne circule pas en vase clos entre personnes déjà convaincues... ? Il ne faut pas balayer d'un revers de main ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux. Sur le jeune public il y a  un impact, encore faut-il que les propos soient pertinents pour être pris au sérieux. 

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