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Pourquoi Nicolas Sarkozy n'écrit pas lui-même ses tweets (et pourquoi c'est mieux pour tout le monde)
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NS

Le président-candidat a lancé sa campagne, son affiche, son slogan, sa page Facebook et son compte Twitter. Mais qui se cache vraiment derrière les initiales "NS" qui concluent parfois ses tweets ?

Benoît Thieulin

Benoît Thieulin

Benoît Thieulin est le fondateur de l'agence La Netscouade et président du Conseil National du Numérique.

En 2006-2007, il a participé à la campagne Internet de Ségolène Royal, notamment à travers la création du site Désirs d'Avenir.

 

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Atlantico : Le candidat Nicolas Sarkozy vient de lancer sa campagne, son slogan et son compte Twitter déjà suivi par plus de 60 000 personnes. Mais qui écrit les tweets de Nicolas Sarkozy ? Peut-on croire, comme l'affirme sa porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet, que les tweets signés NS sont "vraiment" écrits de la main du président ?

Benoît Thieulin : Il y a une sorte d’"étiquette" pour les politiques qui utilisent Twitter. Ils en ont un usage très institutionnel et chaque tweet n’est pas directement écrit par le politique, à l’instar des communiqués de presse, par exemple. Généralement, ces micro-blogs sont tout de même écrits dans l’esprit de leur auteur.  L’usage est qu’on distingue, « dans l’esprit de » et « validé par », comme le fait Martine Aubry, par exemple. C’est plutôt une bonne pratique. A l’heure où nous parlons, il n’y a eu que deux messages signés NS pour le lancement et des remerciements.

Pensez-vous vraiment que Nicolas Sarkozy ait la main sur son compte Twitter ?

Non. Je crois juste qu’il doit vérifier ceux qui sont signés « NS ». Mais je doute que ce soit lui qui, entre deux meetings, s’en occupe. Mais la grammaire de Twitter est tellement compliquée et ses effets si nombreux que si on le lui mettait entre les mains, sans filet, il commettrait plein de maladresses. D’ailleurs, je ne connais pas un homme politique qui n’ait pas tâtonné ou lâché un tweet involontaire comme Eric Besson.

Comment expliquez-vous que les tweets des politiques soient si fades quand ils sous-traitent leurs messages, et qu'a contrario certains politiques comme Cécile Dufflot ou Nadine Morano commettent quelques bévues en voulant les rédiger eux-mêmes ?

Le problème c’est que les communicants qui travaillent pour les hommes politiques ne veulent pas s’aventurer sur des terrains sur lesquels ils ne sont pas sûrs que leurs dirigeants veulent aller. Par ailleurs, les hommes politiques maîtrisent mal en général les usages de Twitter. Comment voulez-vous faire dire à Nicolas Sarkozy des choses sur un média qu’il ne connaît pas très bien ? C’est difficile de connaître les pratiques de ce réseau social. C’est un espace compliqué car si la technologie est simple, sa grammaire est complexe. Il y a des manières de parler et de répondre – avec des codes à utiliser. C’est un espace dans lequel on peut rapidement faire des bêtises. Il est du coup difficile de le faire de manière travestie.

J’imagine qu’on a montré son compte Twitter à Nicolas Sarkozy en lui expliquant ce que c’était… Mais tant que vous n’avez pas twitté dix fois en une journée avec votre smartphone, en réalité vous ne savez pas très bien ce qu’est Twitter. Il lui manque sûrement encore ça.

Est-ce aussi une question de génération ?

Pas forcément. J’ai remarqué que certains hommes politiques, comme Nicolas Sarkozy, sont assez peu geeks, assez peu portés sur le numérique. En revanche c’est une génération marquée par le portable et de grands amateurs de sms. Il existe parfois des sauts d’usage qui transforment les accros du sms (comme l’est apparemment Nicolas Sarkozy) en roi de Twitter. Nadine Morano en est un exemple. Pas forcément pour le meilleur…

Cécile Duflot également s’emporte assez facilement…

Oui. Sur Twitter, on devient assez facilement agressif en fait. C’est un outil de joutes verbales assez acérées car très courtes, que l’on a tous expérimentées. Pour discuter, c’est toujours plus dur sur Twitter que dans la rue. Mais, en effet, on a pas l’habitude que les hommes politiques se prêtent à cela.

De qui Nicolas Sarkozy pourrait-il s’inspirer ?

Il pourrait aller voir Nathalie Kosciusko-Morizet, Arnaud Montebourg ou Nadine Morano qui au moins a un Twitter qui lui ressemble, même si on n'est pas obligé d’aimer tout ce qu’elle dit...

Twitter est-il indispensable pour être candidat en 2012 ?

Il y a trois usages pour ce relais qu'est Twitter. D’abord le live tweet, qui est un canal de plus pour des communiqués de presse de 140 caractères ou pour suivre les discours du candidat, par exemple. Ce n’est pas à négliger. C’est intéressant et indispensable. Ensuite, il y a un peu de quotidien. Des phrases du type : « Il fait beau » ou «J’arrive à Dijon ». C’est ce que les politiques font généralement – et c’est hyper nombriliste. Il ne faut certainement pas s’en contenter. Il faut donc aussi jouer de ce qui est intéressant dans Twitter : le partage d’information (ce qui pour un homme politique est sans doute moins facile). L’usage de Twitter au quotidien est d’y trouver de la vraie information, des contenus, des liens. Peu d’hommes politiques retwittent à part NKM… Sans oublier l’interactivité en répondant aux questions ou en interpellant d’autres personnes. D’ailleurs, on ne peut pas totalement exclure que d’ici la fin de la campagne, François Hollande et Nicolas Sarkozy se soient appropriés plus personnellement leurs comptes Twitter et peut-être s’enverront-ils quelques tweets d’un compte à l’autre… Mais cela ne s’improvise pas en quelques « digital médias training » !

Je ne devrais pas dire ça, mais quand vous avez accès à un média d’une puissance incroyable comme le JT de 20 heures, vous ne devriez même pas avoir besoin d’une page Facebook. Tous ces outils-là changent en réalité la donne pour des milliers d’élus qui n’ont pas accès aux médias traditionnels. Et beaucoup tiennent très bien Twitter eux-mêmes.

Même avec les meilleurs communicants du monde, un Nicolas Sarkozy ne pourra jamais être absolument génial sur Twitter si ce n’est pas lui qui au fond, en comprend tous les usages. Cela ne signifie pas pour autant qu’il fera tout au quotidien.

 Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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