Le sexisme est un défaut dangereux pour la santé et cette étude le prouve<!-- --> | Atlantico.fr
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Verser dans l'extrême masculinité renvoie à des questions similaires : tout individu en construction traverse lors de l'adolescence un moment structurant de bisexualité psychique.
Verser dans l'extrême masculinité renvoie à des questions similaires : tout individu en construction traverse lors de l'adolescence un moment structurant de bisexualité psychique.
©Reuters

Lonely man

Selon une étude de l’université de l’Indiana, les hommes qui ont des attitudes sexistes développent plus fréquemment des troubles psychologiques que les autres et souffrent davantage de solitude. Une situation qui peut s'expliquer par le fait qu'ils n'ont pas le désir ou la possibilité de s'installer dans des relations stables et construites.

Alexis Pochez

Alexis Pochez

Alexis Pochez est un psychologue clinicien et psychothérapeute.

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  1. Atlantico : D’après une étude de l’université de l’Indiana, les hommes qui se décrivent comme des playboys ou qui se définissent comme ayant un pouvoir sur les femmes ont plus fréquemment des troubles psychologiques que les autres. De quels maux parle-t-on concrètement ? Pourquoi, par exemple, sont-ils davantage touchés par la solitude que les autres ?

Alexis Pochez : Avant de parler des résultats d'une étude comme celle-ci, il est crucial de garder une idée en tête : une corrélation, un lien, n'est pas une causalité. Cela peut sembler une évidence mais une lecture rapide de ce type d'études peut laisser entendre que c'est parce que certains hommes se définissent comme des playboys qu'ils sont plus enclins à développer des troubles psychologiques. On peut se poser la question à l'inverse : lorsque l'on a des troubles psychologiques, peut-on être amené en tant qu'homme à se définir comme étant un playboy ?

Concrètement, l'étude ne parle d'aucun maux précisément : ils évoquent une "santé mentale plus pauvre" ainsi que des "problèmes psychologiques" ; il peut s'agir de tout et de rien, d'une simple tendance à la dépression et à la schizophrénie paranoïde. En prenant en compte l'échantillon de 19 000 personnes et la méthodologie américaine, on peut penser qu'il s'agit de difficultés relationnelles, d'anxiété, de dépression, d'estime de soi... mais rien ne l'indique clairement.

On peut faire l'hypothèse que ces hommes qui ont des comportements de "playboy" sont des personnes qui n'ont pas le désir ou la possibilité de s'installer dans des relations stables et construites. Les rencontres d'un soir ne permettent pas de construire quelque chose avec quelqu'un dans le long terme, chose qui demande entre autres une capacité de communication, une capacité à être à l'aise avec sa propre intimité et soi-même. Comment aimer quelqu'un au long cours si l'on ne s'aime pas soi-même ?

Par ailleurs, verser dans l'extrême masculinité renvoie à des questions similaires : tout individu en construction traverse lors de l'adolescence un moment structurant de bisexualité psychique. C'est la raison pour laquelle de très nombreuses personnes hétérosexuelles ont des expériences homosexuelles pendant cette période-clé. Une fois l'adolescence terminée, la sexualité est en général fixée, mais il existe chez tout un chacun une part de masculinité et une part de féminité. À l'âge adulte, le fait de devenir un "extrême" masculin (en l'occurrence) pourrait être pensé dans certains cas comme une défense rigide face à une structuration peu solide.

Le problème de ces hypothèses, c'est qu'elles sont trop précises, et pourraient potentiellement concerner certains sujets mais sûrement pas tous. Il faut se méfier des psychologues très sûrs de leurs généralisations.

Il faut enfin remarquer que plusieurs traits utilisés pour l'étude se retrouvent dans certains modes de fonctionnement pathologiques, notamment ceux appelés "troubles de la personnalité borderline" dans le DSM IV (manuel de diagnostic utilisé par les psys américains). Parmi ces traits, il y a par exemple la prise de risque, ou les passages à l'acte sexuels ou agressifs (sexual promiscuity & violence).

  1. Les mêmes sont moins enclins à consulter des spécialistes pour traiter leur dépression par exemple. Comment l'expliquer ? Peut-on imaginer que ces individus aient des lacunes en termes d'introspection ?

Le fait que ces individus aient des lacunes en terme d'introspection est possible, mais n'explique pas tout. Ce qui amène quelqu'un à rencontrer un professionnel, c'est d'abord la reconnaissance de sa souffrance propre. Mais cette première chose ne suffit pas : il faut ensuite avoir le désir de se diriger vers un mieux-être, et enfin, il faut pouvoir accepter que ce mieux-être passe parfois par l'aide d'un tiers. Ce n'est pas chose évidente que d'admettre que l'on a besoin d'aide, et cela peut être encore plus compliqué pour certains individus qui ont des traits de personnalité comme ceux décrits par l'étude en question : autonomie importante (self reliance), besoin de contrôle émotionnel (need for emotionnal control), suprématie (dominance). Ces traits de personnalité ne semblent pas conformes à première vue avec la démarche qu'implique une psychothérapie, où il s'agit d'accepter l'aide d'un autre, en parlant de ses émotions et de sa vie intérieure. La position du patient en psychothérapie le convie à se poser dans un rapport à lui même, en reconnaissant le fait qu'il souffre, et qu'il a un désir de changement. Parfois, les bénéfices apportés par un fonctionnement aussi pathologique soit-il sont préférés en lieu et place d'une démarche qui certes peut s'avérer très bénéfique, mais qui demandera de passer par des moments compliqués voire douloureux. Une psychothérapie n'est pas une traversée de fleuve tranquille.

  1. Comment réagir lorsqu'une personne de son entourage se trouve dans cette situation ?

Le plus important réside dans l'idée qu'il faut être présent lorsqu'une personne de son entourage est en souffrance, mais sans devenir envahissant. Se montrer disponible et accueillant lorsque la personne nous est chère peut avoir un impact insoupçonné même si cela ne s'observe pas de façon directe. La position dépend évidemment du lien qui nous lie à la personne dans cette situation : s'il s'agit d'un membre de sa famille, d'un collègue ou d'un conjoint, cela sera toujours différent. Il est possible également d'évoquer les avantages de la démarche que constituerait une psychothérapie, mais là encore sans être vindicatif ou trop insistant, cela risquerait de produire des effets délétères. La démarche d'aller mieux et de changer est quelque chose qui nait avant tout chez la personne concernée, ce n'est pas uniquement en usant de persuasion que cela évoluera nécessairement. Si cette logique fonctionnait, cela ferait bien longtemps par exemple que tout le monde aurait arrêté de fumer vu le nombre de campagnes anti-tabac.

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