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La campagne de la primaire de droite a installé dans le pays une culture nouvelle, qui empêchera la gauche de distiller ses leçons de morale permanentes
©Thomas SAMSON / AFP

L’édito de Jean-Marc Sylvestre

Les débats de la primaire de la droite et du centre ont surtout installé une culture du pragmatisme. Les français ne supportent plus les leçons de morale permanentes et les procès d'intention. Le gauche va devoir se soumettre à dire la vérité. Quel boulot !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Soyons très honnêtes, les débats de la primaire avaient pour but de sélectionner un candidat. La mission a été remplie. La droite aura son candidat sans pour autant se fracturer.

Alors qu'au soir du 1e tour, tout le monde craignait un pugilat destructeur, les adversaires se sont repris lors du face-à-face télévisé et finalement les débats n'ont pas été particulièrement puissants sur le fond.

D'abord, la frontière entre les deux droites est assez floue. Entre Alain Juppé et François Fillon, les divergences de programmes et d'approches sont à la marge. Le diagnostic de la situation française est identique. La France est en faillite et les Français en risque de déclassement.

Le jugement que les deux candidats portent sur les deux précédents quinquennats est semblable. Le bilan de François Hollande est calamiteux, celui de Nicolas Sarkozy est truffé de défaillances, mais les deux candidats le reconnaissent, ils l'expliquent, et l'assument. Donc, ils ne s'excusent pas.

Sur les moyens à mettre en œuvre, Alain Juppé et François Fillon ne sont pas en contradiction, ils se réfèrent tous les deux aux concepts libéraux, ils s'inscrivent tous les deux dans une logique de l'offre et considèrent que la priorité est de renforcer la compétitivité de l'industrie et l'attractivité du pays.

Sur la politique étrangère, ils s'inscrivent tous les deux, et sans réserve, dans la mondialisation et la construction européenne.

Sur les questions sociétales, Alain Juppé se présente comme un peu plus complaisant dans la relation que l'on peut avoir avec l'immigration et François Fillon plus pragmatique dans la nécessite de se protéger du terrorisme. Mais pas de quoi s'embrocher comme ont failli le faire des ultras qui n'auraient pas la même définition du radicalisme.

Soyons honnêtes, la vraie différence entre Alain Juppé et François Fillon se situe au niveau du style de l'ampleur des réformes et du rythme. Il apparaît à la veille du scrutin que François Fillon veut véritablement réformer le modèle économique et social alors qu'Alain Juppé veut le modifier doucement et sans violence. Ce qui fait dire à Fillon, que si on ne reforme pas brutalement et loyalement, on ne reformera pas du tout.

La vraie différence est donc portée sur les attitudes du vocabulaire, et sur certains éléments de leurs ADNs respectifs.

Celui d'Alain Juppé est plus technocratique, imprégné des valeurs historiques qui protègent l'Etat central, l'Etat gaullien, stratégique et assistant.

L'ADN politique de François Fillon le conduit plus facilement sur les chemins de la décentralisation des responsabilités au plus près des acteurs de l'économie, qu'ils soient chefs d'entreprise, actionnaires, salariés ou syndicalistes.

La résultante des deux discours fortement dominée par le logiciel de François Fillon, produit une culture très nouvelle en France :

Cette culture se nourrit de la responsabilité et du respect de la liberté individuelle. Cette culture s'appuie beaucoup plus sur le talent de l'individu que sur la force d'une collectivité.

Cette culture commande une économie forte fondée sur les mécanismes de marché et animée par des entreprises et des entrepreneurs.

Cette culture globale assume complètement et sans complexe l'appartenance a une mondialisation dans un contexte de concurrence parfois brutale, mais cette culture assume pleinement la révolution digitale comme une formidable opportunité plutôt que comme un faisceau de contraintes.

Cette culture-là est sans doute libérale, elle prône surtout un pragmatisme à toute épreuve capable de dompter toutes les idéologies.

Voilà un des résultats de cette campagne. L'Etat est sorti de son sanctuaire, l'entreprise, le profit, le marché, l'individu ne sont plus des grossièretés et la réussite personnelle n'est plus une maladie honteuse.

A partir du moment où cette culture est partagée par une part importante de la population, le succès de François Fillon prouve que la droite en général s'est réunifiée autour de ces thèmes.

Mais à gauche ou au centre le succès insolent d'un Emmanuel Macron, qui plaide lui aussi pour des réformes radicales, va changer la donne.

Par conséquent, si on ajoute à la droite agglomérée autour de François Fillon tous ceux qui à gauche se reconnaissent dans les propos de Macron ou peut-être de Valls, la culture du pragmatisme est capable d'offrir un écosystème qui pourra privilégier la réforme.

La gauche ou ce qu'il en reste ne pourra plus inonder la société de ses leçons de morale, la gauche ne pourra plus prétendre qu'elle a raison contre tout le monde, partout et tout le temps. Des programmes scolaires à la politique du logement. Les bonnes consciences de gauche ne pourront plus nous imposer un prêt à penser qui indique ce qui est bien ou mal. Ce qui est drôle ou pas.

La gauche et ses relais ne pourront plus de façon récurrente exercer ce pouvoir d'arrogance dans les medias ou dans les universités, qui reviennent plus souvent à culpabiliser ceux qui ne sont pas d'accord, plutôt qu'à les convaincre.

La gauche sera, elle aussi, obligée de changer son logiciel parce que la majorité des Français ne supportera plus le discours classique.

La demande de solutions alternatives et surtout la demande d'une attitude différente des dirigeants sont devenus tellement puissants qu'elles vont obliger la gauche à changer.

Quoi qu'il arrive lors des présidentielles en 2017, rien ne pourra se dérouler comme avant.

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