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Benoît Hamon : "Emmanuel Macron sait pertinemment qu'il défend à peu de choses près la même vision que François Hollande ou Manuel Valls"
©Reuters

Entretien politique

Quinquennat de François Hollande, candidature d'Emmanuel Macron, concurrence d'Arnaud Montebourg, etc. Candidat à la primaire de la gauche pour la présidentielle de 2017, Benoît Hamon revient pour Atlantico sur l'actualité politique de la gauche... mais aussi de la droite.

Benoît Hamon

Benoît Hamon

Benoît Hamon est un homme politique français. Ancien député européen, il est porte-parole du Parti socialiste de 2008 à 2012. 

Elu député de la onzième circonscription des Yvelines en 2012, il devient, du 16 mai 2012 au 25 août 2014, ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire et à la consommation, puis ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. 

Il est candidat à la primaire socialiste de 2017. Pour découvrir son projet : https://www.benoithamon2017.fr

Voir la bio »

Atlantico : Alors que le candidat socialiste issu de la primaire devra déjà faire face à la concurrence de Jean-Luc Mélenchon et de Yannick Jadot, et peut-être d'autres candidatures issues de l'extrême gauche, Emmanuel Macron a officialisé mercredi son intention de se présenter à la présidentielle de 2017. Dans le contexte politique et électoral actuel, cela ne fait-il pas trop de candidatures pour la gauche ?

Benoît Hamon : Cette candidature m'inspire deux réactions. La première, c'est que je suis plutôt content qu'un homme politique libéral assumé comme Emmanuel Macron décide d'entrer dans le débat. Je préfère les gens qui s'engagent et défendent leurs idées plutôt que ceux qui restent tranquillement à l'abri des lobbies, des prête-noms, etc. C'est donc plutôt une réaction positive.

Elle est toutefois nuancée par le fait qu'Emmanuel Macron sait pertinemment qu'il défend au fond, à peu de choses près, la même vision du présent et du futur que François Hollande ou Manuel Valls. Cette candidature – et il le sait très bien – complique donc considérablement la tâche de la gauche pour être au second tour de l'élection présidentielle et augmente la probabilité d'un second tour entre le candidat des Républicains et Marine Le Pen. La politique, ce sont des idées mais c'est aussi de l'arithmétique. Si l'on regarde le total des voix de gauche depuis les dernières élections et les sondages, il tourne autour de 35, 36 ou 38% maximum à répartir entre Emmanuel Macron, le candidat issu de la primaire socialiste, Yannick Jadot et probablement un ou deux candidats issus de l'extrême-gauche. On voit donc mal comment, avec autant de candidats, un seul d'entre eux arrivera à approcher les 21-22% nécessaires pour se qualifier au second tour de l'élection présidentielle. Si ce scénario persistait, la candidature d'Emmanuel Macron aurait une responsabilité historique dans l'élimination de la gauche dès le premier tour de la présidentielle.

Vous aviez été assez ferme ce mercredi en affirmant qu'avec Emmanuel Macron candidat, "il n'y aura pas de candidat de gauche au second tour". Le pensez-vous toujours ?

Je le pense toujours. En nuançant légèrement, je dirais que ça augmente la probabilité qu'il n'y en ait pas, et rend la tâche extrêmement ardue pour la gauche.

Emmanuel Macron propose, par ailleurs, d'affranchir les jeunes travailleurs des 35 heures. De votre côté, vous préconisez, au contraire, de baisser le temps de travail pour faire face à la raréfaction du travail. Cela signifie-t-il que vous vous basez sur deux diagnostics différents de l'état du marché du travail en France et des besoins de l'économie française ?

Je pense que lui et moi n'avons pas du tout les mêmes buts. Le mien n'est pas de répondre aux demandes des entreprises qui aspirent à avoir des travailleurs jeunes, extrêmement productifs et corvéables à merci. Mon objectif sur le long terme est de voir de quelle manière cette opportunité formidable qu'est la révolution numérique se traduit par un progrès social généralisé. Nous assistons à un mouvement historique : tout ce dont l'humanité a besoin aujourd'hui est produit avec de moins en moins de travail humain nécessaire. C'est une formidable opportunité pour réduire le temps de travail et redonner de la liberté et de l'autonomie à des personnes qui dépendent du travail et qui en souffrent. Elles en souffrent car ce travail les broie, est assez peu compatible avec les tâches d'éducation de leurs enfants, l'accompagnement des personnes âgées dépendantes, etc. Je vois donc cette révolution numérique comme une opportunité de réduire le temps de travail et de restituer de l'autonomie et de la liberté aux individus.

Je n'ai pas pour objectif de faire travailler plus les jeunes et de remettre en cause, comme l'a proposé Emmanuel Macron, la prise en compte de la pénibilité dans le départ à la retraite.L'une des caractéristiques de son projet est de nier le fait qu'aujourd'hui, un certain nombre de travailleurs exposés aux tâches les plus difficiles ont huit ans d'espérance de vie en moins. Si son "humanisme" ne perçoit pas cette réalité-là, c'est que son projet est assez peu généreux et certainement pas empreint de la justice la plus élémentaire.

Vous avez exhorté jeudi matin Emmanuel Macron à publier l'identité des donateurs financiers de sa campagne électorale, et ce dans le but avoué de vérifier s'il est vraiment un candidat "anti-système". Selon vous, est-il en train de tromper les Français avec sa posture hors-système, très en vogue dans les démocraties occidentales ces derniers temps ?

Tout d'abord, la réponse qu'il m'a adressée est trompeuse. Il affirme vivre des dons, et non pas de l'argent public. En l'occurrence, il semble oublier qu'un don est défiscalisé aux deux tiers. Tous ses donateurs, et notamment les plus fortunés,sont remboursés aux deux tiers de leur don par le contribuable français. Il est donc très dépendant de l'argent public pour le financement de sa campagne.

Ensuite, il y a un vieil adage qui dit "qui paie décide". C'est un adage populaire, mais que je trouve plein de bon sens. Quand on a – selon ses propres chiffres – 3% de ses donateurs qui ont fait des dons de plus de 4 000 euros, cela fait quand même près de 1 250 000 euros qui sont directement liés à des personnes fortunées… Je ne lui fais pas le reproche d'avoir des personnes riches qui le financent. Jamais vous n'avez trouvé de ma part une remarque sur le fait qu'il ait été banquier d'affaires. À mes yeux, cela n'enlève rien à la sincérité de son engagement. En revanche, on juge un homme d'État et la sincérité d'un engagement politique à la capacité à faire la transparence sur les liens éventuels avec les lobbies de l'armement, du pétrole, de la finance, qui peuvent être enclins à vous demander des contreparties à leur engagement à vos côtés. C'est là-dessus qu'on attend Emmanuel Macron et qu'il a à donner des gages.

Lui considère que le système, ce sont les partis politiques. Il est parfaitement légitime à remettre en cause les clans, les appareils, etc. Je le rejoins d'ailleurs là-dessus. Mais il y a une dimension des partis qui ne devrait pas lui échapper. Les partis sont d'abord des militants, qui font bénévolement des campagnes. En faisant campagne pour ses idées, on fait élire François Hollande, qui a ensuite nommé Emmanuel Macron qui n'a, lui, pas fait campagne. Ces militants sont directement ou indirectement à l'origine de sa carrière de ministre. Je trouve donc que c'est assez peu fair play de sa part que de s'en prendre aux partis politiques. Qu'il s'en prenne aux dirigeants de parti, soit. Mais les partis, ce sont d'abord des militants, des sympathisants et des bénévoles qui font vivre la démocratie. Que serait la démocratie sans partis, ni journalistes, même s'il s'agit de deux des institutions les plus critiquées par les Français ?

Il ne m'a pas échappé qu'il m'a répondu "secret fiscal" à cette demande. A titre personnel, quand je me tourne vers ceux qui veulent faire des dons, je leur dis que je souhaite la transparence.

Que vous inspire le fait que, selon lui, votre demande relevait de la "démagogie" ?

Je pense que cela relève plus de l'embarras de sa part…

Vous avez déclaré récemment préférer une candidature de François Hollande "plutôt qu'un clone qui s'appelle Valls". Selon vous, une éventuelle candidature de Manuel Valls, si jamais François Hollande ne se représentait pas devant les Français, serait-elle moins légitime, alors que vous avez dit que Manuel Valls "faisait le contraire de ce qu'il dit depuis des années" ?

C'est simplement une question de logique. François Hollande a été élu au suffrage universel sur son nom et sur son programme. Ce programme mis en œuvre par lui-même et par d'autres est aujourd'hui l'objet d'une grande déception, d'un grand mécontentement et d'une grande colère parmi les électeurs de gauche. Il me semble donc que la logique naturelle voudrait qu'il se représente. Après, si c'est Manuel Valls, ce sera Manuel Valls…

Suite à la victoire de Donald Trump aux États-Unis, vous avez déclaré qu'il y avait aujourd'hui "une coupure entre une partie des élites et le peuple". Face à cette profonde exaspération des populations dans plusieurs pays occidentaux, les mesures que vous préconisez pour revivifier la démocratie (prise en compte du vote blanc, 49-3 citoyen, septennat unique pour le président de la République, remplacement du Sénat, etc.) peuvent-elles suffire ? Le problème n'est-il pas plus profond ?

La question démocratique est indissociable de la question sociale. Évidemment, si l'on devait isoler mes réponses sur le plan institutionnel et démocratique, ce serait insuffisant pour restaurer la confiance des citoyens dans la capacité du politique à maîtriser la transition en cours en France et en Europe. C'est pourquoi je revendique le lien entre la manière dont j'aborde la question sociale et écologique, et la question démocratique.

Cela étant, ce qui me paraît central lorsqu'on parle de démocratie, ce n'est pas seulement de parler du mode de scrutin à l'Assemblée nationale, du cumul des mandats, du contrôle de l'exécutif par le Parlement, etc. Tout cela relève finalement de l'ingénierie institutionnelle, qui permet certes de fluidifier la démocratie. Mais ce qui me paraît le plus important, c'est la manière de rompre avec une forme démocratie intermittente, qui veut que les citoyens soient appelés à s'exprimer au moment des élections mais disparaissent après celles-ci. On a donc le sentiment qu'ils ont le droit de vote, mais pas de voix parce qu'à peu de choses près, quand ils votent à droite ou à gauche, cela ne change rien dans bon nombre de domaines (question budgétaire, réduction des services publics, droit du travail, politique sécuritaire, politique européenne, etc.). Il y a entre la gauche modérée et la droite modérée une forme d'accord, de consensus, sur l'orientation qui doit être prise. Finalement, c'est l'agenda des réformes qui les différencie, et non pas la nature de celles-ci. C'est cela qui nourrit aujourd'hui, non pas un désenchantement vis-à-vis de la démocratie, mais vis-à-vis de la classe politique.

Les conclusions que j'en tire, c'est qu'il faut doter les citoyens français de moyens de s'exprimer et de peser dans la vie politique. Je plaide donc pour la reconnaissance du vote blanc, qui est une forme d'expression. Celui qui vote blanc n'a pas moins de sens civique que celui qui choisit un candidat. Je souhaite que ce vote soit pris en compte désormais. Si le vote blanc est majoritaire, il doit conduire automatiquement à reprogrammer le scrutin. 

La seconde urgence est de faire en sorte que les citoyens, entre deux élections, aient la capacité à faire obstacle à l'adoption d'une loi qu'ils jugent illégitime, ou à obliger le Parlement à examiner une loi. C'est l'idée d'un "49-3 citoyen", qui rendrait possible pour 1% des citoyens inscrits sur les listes électorales – par pétition encadrée par l'État – d'imposer l'inscription d'une proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée, ou de soumettre à un référendum une loi adoptée par l'Assemblée si les citoyens jugent qu'elle est illégitime.

Mais je ne pense pas que cela suffise dans la "République coopérative" que j'imagine. C'est pourquoi je souhaite mettre en place une forme de coopération législative, sur le modèle de la loi numérique d'Axelle Lemaire, qui permettrait de fabriquer la loi avec les citoyens avec l'aide des nouvelles technologies et du numérique. Et puis, c'est la grande innovation que je propose : réserver une partie du budget de l'État, sous la forme d'une mission budgétaire qui pourrait aller jusqu'à 5 milliards d'euros et qui serait soumise aux citoyens sous la forme de projets qu'ils défendraient. Ces projets seraient évalués par les administrations compétentes, avant de retenir cinq-six projets parmi les plus significatifs, qui seraient ensuite soumis aux citoyens par un vote sur Internet, sur le modèle du budget participatif qu'on peut déjà voir à l'œuvre, par exemple dans la ville de Paris.

En dénonçant récemment "l'arrogance" du pouvoir politique actuel, qui ne verrait dans son impopularité que le résultat d'erreurs de communication, vous ne ménagez pas François Hollande. Quel bilan faites-vous de son action aujourd'hui, à quelques mois de la fin de son quinquennat ?

Son action est contrastée. Il a eu incontestablement des résultats dans le domaine de l'environnement, même si je reste très déçu par les décisions prises sur la gestion des boues rouges. Pour la Cop21, le succès est indiscutable.

Son action a été positive dans le champ de l'éducation, où nous avons posé des graines à travers les recrutements et la réforme des programmes et des rythmes éducatifs qui devraient permettre d'améliorer le niveau des élèves au primaire, qui reste le lieu clé de l'apprentissage de ces fondamentaux. Je pense que sur ce cycle (CP-CE1-CE2), il faut garantir demain qu'il y ait un maximum de vingt élèves par classe en moyenne, mais c'est un autre débat...

Sur la prise en compte de la pénibilité, la réforme de Marisol Touraine représente aussi un progrès réel.

Mais dans l'ensemble, il subsistera de ce quinquennat une trace indiscutablement négative sur la question sociale, avec la dégradation des conditions de vie des classes moyennes, des travailleurs, des retraités, ceux qui ne sont pas les plus riches, en somme. Par ailleurs, autour de la déchéance de nationalité, de l'attitude vis-à-vis des migrants, quelque chose s'est brisé à gauche car on touche là aux valeurs. Les questions de justice et d'égalité ont toujours été une passion de la gauche. On a vu que sur ces questions-là, dans des moments-clés de la vie de la nation où la cohésion nationale était en jeu, cette cohésion spontanément révélée après les attentats s'est brisée sur la question de la déchéance de nationalité. Pas en raison de l'attitude des Français eux-mêmes, mais suite à une initiative totalement déconcertante du président de la République, en accord avec Nicolas Sarkozy. On a alors vu une rupture symbolique mais profonde avec l'électorat de gauche.

Pourquoi vous présenter à cette primaire en même temps qu'Arnaud Montebourg, alors que beaucoup estiment que vous occupez des créneaux politiques assez proches ? En quoi pensez-vous être mieux placé que lui pour porter les espoirs de la gauche en 2017, cette gauche déçue par le quinquennat Hollande ?

Nos différences sont d'abord sur la question européenne. Je pense que l'avenir de la France est européen. Je crois profondément que la défaillance du projet européen appelle à la constitution d'alliances à gauche en Europe sur la question sociale, sur la protection de nos intérêts économiques stratégiques aux frontières de l'Europe, sur la question des migrations, sur la question de l'harmonisation fiscale, etc. Tout cela passe par des alliances en Europe, et pas par un néo-souverainisme qui tourne le dos à l'idéal européen. 

Deuxièmement, je ne mise pas tout sur la croissance. J'ai été un croyant, et je ne le suis plus. A bien des égards, la croissance est un mythe auquel on sacrifie notre environnement et notre protection sociale, pour qu'au bout du compte cette croissance ne revienne pas malgré nos prières, que le chômage reste élevé et que notre environnement se dégrade. Je milite donc pour un modèle de développement beaucoup plus sobre écologiquement, moins productiviste et moins consumériste. C'est aussi une rupture que j'opère avec une partie des convictions jusque dans les années 2000. Je ne crois plus aujourd'hui qu'une relance keynésienne de l'économie permettrait seule de résoudre le problème du chômage de masse. Je pense en plus qu'elle n'est pas souhaitable sur le plan écologique. Il faut changer de paradigme.

Ensuite, je reste en faveur d'une République métissée et coopérative. Cela nous différencie peut-être un peu moins lui et moi, mais sur la question de la laïcité, je reste attaché à ce que la laïcité soit d'abord la liberté de culte, de conscience, de croire ou de ne pas croire. Un principe et une valeur qui ne soient donc pas tournés contre une religion et le vivre-ensemble. Ce qui m'attriste aujourd'hui, c'est qu'on arrive en 2017 sans qu'il n'y ait moins de discriminations en France qu'en 2012… Il y a sans doute plus d'islamophobie et d'antisémitisme. Tout cela est la marque d'une société qui souffre et qui va mal. Il faut assumer un projet politique protecteur, fraternel et généreux, et le propulser contre les idéologies de la peur, plutôt que d'être dans un registre prudent sur ce domaine-là.

Être en désaccord avec François Hollande ne fait pas une politique.

D'après LeCanard Enchaîné cette semaine, Martine Aubry réunira plusieurs personnalités de gauche le 26 novembre, dans le cadre du "Carrefour citoyen des gauches et de l'écologie", dans le but de montrer que l'aile gauche du PS pèse encore au sein du parti, surtout si Manuel Valls est désigné candidat. Selon vous, cette aile gauche du PS peut-elle encore soutenir François Hollande après les cinq années que nous venons de vivre ?

Je n'ai pas soutenu François Hollande à la primaire de 2011, j'ai soutenu Martine Aubry. Si certains de ceux qui soutenaient Martine Aubry en 2011 veulent maintenant soutenir François Hollande après son quinquennat, c'est leur droit. Simplement, je n'en perçois pas spontanément la cohérence… Sans les attendre, je formule des solutions qui, du revenu universel d'existence à la réduction du temps de travail ou au 49-3 citoyen, me semblent de nature à reprendre le flambeau des combats partagés ensemble en 2011. 

Ce dimanche a également lieu le premier tour de la primaire de la droite et du centre. Redoutez-vous notamment une désignation d'Alain Juppé, dont le discours semble parler à certains électeurs centristes qui, pour partie, avaient voté pour la gauche en 2012 ?

J'ai essayé de regarder les débats de la droite. J'ai vu des différences : il ne m'a pas échappé qu'Alain Juppé parlait d'identité heureuse quand transpirait dans les discours de Nicolas Sarkozy la peur, l'irritation, l'angoisse, des sentiments qui inspirent en général des politiques d'exclusion plutôt qu'autre chose. Cela étant dit, sur le plan économique et social, leurs programmes sont tous les mêmes : moins de fonctionnaires, plus de facilité à licencier, moins de droit du travail, moins de service public, moins de professeurs, moins d'infirmières, moins de policiers ! Tout cela est extrêmement inquiétant dans un moment où nous avons justement besoin de protection et d'un État-stratège. Avec moins d'hôpitaux, moins d'écoles, moins de service public, je ne vois pas bien comment le pays tiendrait. Je pense que si Marine Le Pen devait échouer en 2017, une telle politique mise en œuvre par la droite serait une autoroute pour son élection en 2022. 

Il y a tout de même des différences majeures entre Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon. Concrètement, qu'est-ce que cela change pour vous dans l'optique de 2017 ?

On aura de toute façon une droite très à droite. La question qui se pose, c'est de savoir si une droite très à droite se combat avec une gauche molle ou avec une gauche offensive,progressiste, décomplexée, fière et généreuse. Il me semble personnellement qu'il faut être fier et généreux. Il ne s'agit pas juste de dire "Votez pour nous car avec la droite ce sera abominable". C'est le discours dominant du côté du gouvernement. Mais le discours "Au secours, la droite revient" ne fait pas un programme politique... Je pense qu'on perdrait, et que ce serait même une défaite extrêmement cruelle si notre projet politique se limitait à dénoncer la droite.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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