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Un hommage mérité à une certaine "littérature du réel"
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Le Prix Medicis est allé, fort justement, à un livre "dur", inspiré d'un fait divers horrible. Un roman rigoureux, exigeant, qui vous prend aux tripes.

Serge Bressan pour Culture-Tops

Serge Bressan est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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Livre

« Laëtitia ou la fin des hommes »

d’Ivan Jablonka

Ed. du Seuil

384 pages

21 €

L'auteur

Né le 23 octobre 1973 à Paris, Ivan Jablonka est écrivain et historien. Actuellement, il est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-XIII-Nord. Auparavant, il a enseigné à l’université du Maine, au Mans (2005-2013), en qualité de maître de conférences en histoire contemporaine. Parallèlement, il travaille pour le monde de l’édition; ainsi, depuis 2009, il co-dirige avec Pierre Rosanvallon la collection « La République des idées » (Seuil) et, en 2013, il a lancé la collection « La Vie des idées » (P.U.F.).

Auteur, il publie un premier livre, « Les vérités inavouables de Jean Genet » (2004). Suivront, entre autres, "Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus" (2012), "L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales" (2014) et, en août 2016, « Laëtitia ou la fin des hommes »- Prix littéraire du « Monde » et tout récent Prix Médicis (roman français).

Thème

Présentant « Laëtitia ou la fin des hommes », Ivan Jablonka a prévenu et répété : « De Laëtitia, j’ai voulu faire une héroïne des temps modernes ». Elle s’appelait Laëtitia Perrais, avait 18 ans… Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, elle a été enlevée à cinquante mètres de son domicile, dans la région nantaise, poignardée, étranglée. Son corps sera retrouvé quelques semaines plus tard.

Ce n’aurait pu être qu’un banal et effroyable fait divers. Mais c’est devenu une affaire politique, une affaire d’Etat lorsque le Président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy, s’en est pris aux juges, leur reprochant de ne pas avoir mis en place le suivi psychologique du « présumé coupable ». 8 000 magistrats manifesteront dans la rue…

Ce n’aurait pu être donc qu’un banal et effroyable fait divers, sauf que, également, un historien, Ivan Jablonka, va pendant deux ans rencontrer la sœur jumelle de la victime, des enquêteurs, des gendarmes, des juges d’instruction ou encore des journalistes puis assister au procès du meurtrier, en octobre 2015. Jablonka, dès lors, reconstitue l'histoire de Laëtitia, histoire passée au scanner des vices et turpitudes de notre société contemporaine…

Points forts

- L’ambition affichée d’Ivan Jablonka : étudier et traiter le fait divers comme un objet d’histoire.

- L’exploration par l’auteur des frontières (réelles ? imaginaires ?) entre littérature, histoire et sciences sociales.

- La savante, à peine perceptible et jamais prétentieuse construction du récit.

- La digne plongée dans le monde des « gens de peu ». A aucun moment, Ivan Jablonka ne tombe dans le misérabilisme ni dans la compassion naïve ou feinte…

- L’étude quasi chirurgicale du parcours de Laëtitia. Un parcours de violences dans un monde où les femmes sont harcelées, frappées, violées… tuées.

Points faibles

Certains lecteurs seront désarçonnés par le parti pris d’Ivan Jablonka de mêler sciences humaines et littérature, ce qui, parfois, peut nuire à la fluidité du récit.

En deux mots

Avec « Laëtitia ou la fin des hommes », Ivan Jablonka ne raconte pas seulement un fait divers. Il signe un « livre hybride », parfait, et prouve que la « littérature du réel », quand elle ne tourne pas autour du nombril de l’auteur, offre au lecteur des pages aussi définitives que lumineuses. Son prix Médicis est mille fois mérité et justifié !

Une phrase

Ou plutôt un extrait :

-« Petite fille, elle est restée timide, inhibée, impressionnable, dissociée d’elle-même, spectatrice de la violence et des actes de maltraitance qu’on lui infligeait. Elle a été d’autant plus oubliée dans son coin qu’elle ne réclamait rien ; on l’a d’autant moins consolée qu’elle semblait passive, absente à sa propre vie. Toutes ces choses inexplicables, les cris, les coups, les larmes, les changements, l’indifférence, ont fait naître en elle ces axiomes monstrueux, ces vérités nichées au plus profond de son être, jusqu’à devenir la substance même dont elle était faite :

Papa a raison

Papa a raison, sinon il tape

Papa a toujours raison, sinon il tue maman

Les hommes ont toujours raison, sinon ils nous tuent ».

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