L'incroyable Docteur Strange : la plus folle des productions Marvel à ce jour<!-- --> | Atlantico.fr
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Derrickson et ses acolytes s’amusent à montrer Strange, l’homme apprenti-sorcier dans son entraînement alors qu’il apprend à conjurer les mandalas magiques avec ses doigts.
Derrickson et ses acolytes s’amusent à montrer Strange, l’homme apprenti-sorcier dans son entraînement alors qu’il apprend à conjurer les mandalas magiques avec ses doigts.
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THE DAILY BEAST

Le réalisateur Scott Derrickson et la star Benedict Cumberbatch ont créé l'un des films de super héros les plus impressionnants sur le plan visuel.

Jen Yamato

Jen Yamato

Jen Yamato est journaliste au Daily Beast. Elle couvre les sujets de la rubrique "divertissement".

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Copyright The Daily Beast - Jen Yamato

Un neurochirurgien talentueux mais pathologiquement crétin transcende ses habitudes d'égoïste notoire pour devenir un super-héros magicien dans "Doctor Strange". Le dernier film tiré des bandes dessinées veille à ce que le héros blanc sûr de lui-même transmette sur Terre l'héritage de l'univers de la compagnie Marvel. (Pour le moment). C'est la 14e adaptation de la super franchise Marvel qui a débuté avec un autre homme riche suffisant et arrogant transformé en super-héros, Iron Man, interprété par Robert Downey Jr. Mais le Docteur Strange a ses particularités : il est, notamment, beaucoup plus mature que ses prédécesseurs. Ce film est aussi le premier blockbuster de l'ère moderne des super-héros dont l'histoire est vue comme sous champignon hallucinogène. E c'est tant mieux pour pouvoir vivre les escapades kaléidoscopiques incroyablement sensationnelles et étonnamment spirituelles à bord d’un avion astral dans lequel le Docteur Strange nous emporte jusqu’au fond d’un imaginaire d’exception...

L'élargissement de la conscience de l'esprit, et par extension la conscience de l'âme, est l'un des objectifs finaux qu'a en vue Doctor Strange. Avec un excellent casting mené par Benedict Cumberbatch et la singulière Tilda Swinton, dans un rôle captivant et controversé, Docteur Strange est la réalisation technique la plus amusante de la franchise dont les délices visuels valent à eux seuls le prix du billet. L'artiste décalé M.C. Escher rencontre les paysages urbains d’Inception.

Lorsque l'on rencontre Stephen Strange (Benedict Cumberbatch) pour la première fois - et oui, il insiste pour se faire appeler "docteur" - c'est une superstar dans son domaine et a tout ce dont un carriériste matérialiste peut rêver. Sa précision avec un scalpel, sa maestria dans la salle d'opération, et sa mémoire encyclopédique l'ont élevé au rang des médecins qui s'affichent sur les couvertures des magazines et vivent seuls dans les immenses "penthouse" (appartements-terrasses) aménagés pour célibataires. Il est aussi un réel abruti, le genre qui ne salue que par des accolades et ne conduit que des voitures rapides à tombeau ouvert, toujours à la recherche d'adrénaline, du prochain frisson sans égard pour qui que ce soit sur la route. Et c’est ainsi que Docteur Strange finit par s’écraser, à pleine vitesse, tombant d’une montagne, perdant ainsi toute la dextérité de ses doigts qui valaient alors des millions de dollars. Voici le début du film Docteur Strange dirigé par Scott Derrickson.

Derrickson et son collaborateur fidèle, le scénariste C. Robert Cargill, en collaboration avec Jon Spaihts sur l'histoire, font un excellent travail présentant l’importance du narcissisme incroyable du Docteur Strange comme un défaut de caractère à peine rachetable, mais qui masque réellement la profonde question du dégoût de soi. Cumberbatch ajoute une couche essentielle d'abjecte en utilisant toutes ces remarques aux pauvres âmes assez malchanceuses pour croiser son chemin. Le Dr Christine Palmer (Rachel McAdams) fait partie de cette catégorie de personnes. C’est un chirurgien urgentiste, une collègue, et par ailleurs une ancienne maîtresse qui est suffisamment attachée à Strange pour l’aider à se remettre de cet accident qui a mis un terme à sa carrière. Cependant elle est aussi suffisamment intelligente pour réussir à le laisser tomber lorsque l'amertume de Strange se transforme en violence psychologique.

Après que le docteur Strange ait dépensé ses derniers dollars dans la quête désespérée pour guérir son corps brisé, il est seul et sans argent. Après avoir épuisé toutes les ressources médicales les plus expérimentales que le monde occidental peut offrir pour se rapiécer, il arrive sur le pas de la porte de Kamar-Taj. Il devient un étudiant dévoué, sous la tutelle de la mystique androgyne "Ancien", interprétée par Tilda Swinton. Dans les montagnes du Népal, un adversaire de bas étage arrive alors pour la destituer, ce qui nécessite le recrutement de nouveaux soldats spirituels. 

Le tour de magie le plus ambitieux réussi par Docteur Strange est la tentative d’élargissement de son esprit sans nouvelle aide psychédélique. Strange lui-même, après avoir progressé dans une philosophie spirituelle digne de Matrix, enseignée par la gourou, nous explique à quels points les liens entre le monde que les humains perçoivent et le monde dans sa globalité sont nombreux. Excellant dans les études avec un appétit insatiable pour apprendre, Strange devient rapidement le meilleur élève de l’"Ancien". Même si par ailleurs il ne peut s’empêcher de lui poser des questions sur la nature de cet enseignement et sur la façon dont elle, une celte mystique dont l’âge et le nom sont inconnus, a réussi à conjurer la mort pendant si longtemps.

Le film est un mélange réussi de mythologie et de sciences physiques dont Marvel a fait sa spécialité en un temps record. Le meilleur exemple reste l’entraînement de Strange avec Kamar-Taj’s l’expert, le fidèle Mordo (Chiwetel Ejiofor) et Wong (Benedict Wong), le libraire sans humour qui veille sur le livre le plus précieux et magique de l’"Ancien" qui repousse les personnages maléfiques. Mads Mikkelsen interprète l'un d'eux : Kaecilius, un ancien étudiant devenu extrémiste. Derrickson et ses acolytes s’amusent à montrer Strange, l’homme apprenti-sorcier dans son entraînement alors qu’il apprend à conjurer les mandalas magiques avec ses doigts, à se téléporter sur des distances importantes et à apprendre secrètement des sorts si dangereux que d’autres sorciers seraient prêts à le tuer pour ses pouvoirs. 

Mais les vieilles habitudes ont la vie dure. Alors qu’il enfreint les règles pour assouvir sa soif de reconnaissance et son pouvoir de guérison, le docteur Strange a bien du mal à accepter qu'il doit utiliser ses nouveaux pouvoirs pour aider les autres. L’histoire s’accélère lorsqu'il se retrouve au milieu de la guerre entre Kaecilius et l’"Ancien". Strange s’empare du pouvoir de la relique sacrée de l’œil d’Agamotto dont le pouvoir est immense. Il s’agit là d’un clin d’œil fait aux fans de l’univers Marvel : c'est en effet l'un des meilleurs moments du film avec l’apparition de la cape de lévitation, un objet qui possède un esprit à lui tout seul et qui complète le film de façon remarquable.  

Docteur Strange réussit à pénétrer le monde Marvel tout en repoussant les limites précédemment définies par ses prédécesseurs dépassant la formule purement héroïque des Avengers et autre Thor. Mais ce film persiste dans ce monde familier que les spectateurs apprécient tant. Stephen Strange est proche de Tony Stark dans beaucoup de domaines : riche, égoïste, égocentrique. Le charisme de Cumberbatch et l’histoire qui nous suspend à l’écran sont les seuls points positifs qui contrecarre cette fâcheuse habitude du personnage, qui est encore une fois un mâle blanc choisi pour exceller dans une culture exotique qu’il ne connaît pas. Mais, c’est un problème qui n’a pas l’air de concerner Marvel. 

Quiconque cherchant une réponse à la cause des multiples références orientales très présentes dans ce film ne sortira pas de la salle satisfait. Même si la dernière partie du film se passe en Asie et nous montre l’importance renforcée du libraire/guerrier Wong ses réponses n’arrivent pas... Tilda Swinton est bien évidemment excellente dans son rôle qui a été modifié pour elle (L’ancien étant un homme à l’origine). Dans une volonté progressiste, les personnages féminins forts prennent de l’importance. L'histoire se concentre aussi sur des dilemmes similaires à ceux de Strange : la vie face à la mort, l’ombre contre la lumière, le bien opposé au mal, le ying et le yang …

Ce film à l'histoire indépendante par rapport aux autres Marvel est sans conteste le plus inventif des films du studio. C’est une indication très positive sur la volonté de Marvel d’aller dans une nouvelle direction. Le travail avec la 3D est impressionnant particulièrement quand Derrickson filme les images très naturelles de Katmandou qui nous transportent dans une profondeur fantastique. Les effets spéciaux de Docteur Strange nous propulsent dans un monde inouï scène après scène. Le réalisateur a réussi à nous transporter dans chaque séquence vers une apogée incroyable dans laquelle les rue de Hong Kong servent de décor à la bataille finale entre Strange et le plus invisible des éléments : le temps. 

La leçon s’il y en a une à retirer est celle-ci : l’histoire de Strange est ancrée dans l'actualité. Cela peut nous être bénéfique dans un monde où il y a une telle division entre les intérêts personnels cyniques et l’harmonie totalement idéaliste dont on rêve. Si les crétins comme Strange peuvent apprendre que servir un idéal plus important que le sien est le meilleur usage que l'on peut faire de ses talents, alors nous pouvons espérer que tous les imbéciles du monde réel peuvent à leur tour ouvrir les yeux quand on leur fait contempler la vie, la mort et leur place dans l’univers ; même si, pour ce faire, il faut les traîner par la main jusque dans une salle de cinéma pour voir ce film psychédélique proposé par Marvel. 

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