Les personnes les plus heureuses seraient moins créatives, et voici pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Être heureux ne rend pas plus créatif, au contraire : cet état d'esprit nous handicaperait dans notre processus de création. Comme en a conclu Mark Davis, psychologue à l'Université américaine de North Texas.
Être heureux ne rend pas plus créatif, au contraire : cet état d'esprit nous handicaperait dans notre processus de création. Comme en a conclu Mark Davis, psychologue à l'Université américaine de North Texas.
©PublicDomainPictures

Picasso

Selon les travaux de plusieurs scientifiques, les personnes s'estimant heureuses ne sont pas les plus créatives comme on pourrait le suggérer, au contraire. Pour cause, le chemin de la création est une voie difficile par laquelle on rencontre des contraintes, sentiment que les individus heureux ont plus tendance à éviter.

Qui a dit que le bonheur était la solution à tout ? Alors que sa quête est devenue un véritable objectif de vie que l'on se fixe dans l'avenir – pas une très bonne idée, d'ailleurs –, de nombreuses études vantant ses bénéfices ont vu le jour. On lui attribue des effets positifs entre autres sur l'espérance de vie, la santé, l'apparence physique ou encore la créativité. Dans les entreprises fleurissent même les postes de Chief Happiness Officer, des cadres qui doivent veiller au bien-être des employés afin qu'ils soient plus productifs. Et pourtant, tout n'est pas si rose. Nous avions déjà pointé du doigt dans un article comment un trop-plein d'optimisme pouvait vous nuire, et que tout n'allait pas arriver pour le mieux à partir du moment où l'on essaie de voir la vie sous le meilleur des angles. Le bonheur et l'optimisme serait un parti-pris qui nous empêcherait d'avancer dans la vie et de s'adapter aux événements de la vie.

Ainsi, et contrairement à certaines études, de nombreux scientifiques affirment que le bonheur influe négativement sur la créativité, rapporte le site Quartz. Pour cause, le chemin de la création dans lequel on s'engage est une voie où les émotions négatives et nuancées sont nécessaires afin de se surpasser. Une personne accrochée à son bonheur et à son confort aura tendance à s'éviter ce genre de contraintes et stimulera moins ses capacités de création.

Le bonheur, un obstacle à la créativité

La dernière étude en date, publiée dans la revue scientifique Plos One le 5 octobre 2016 va dans ce sens. La spécialiste en cognition et analyse de données Anna Jordanous de l'Université de Kent (Canterbury, Angleterre) et le linguiste Bill Keller de l'Université de Sussex (Brighton, Angleterre) ont établi un rapport qui recense les 14 composants de la créativité, c’est-à-dire les capacités qui encouragerait le processus de création. Et, surprise : être heureux n'en fait pas partie. On retrouve entre autres l'implication et la persistance, la capacité à douter, l'originalité, la spontanéité et le processus de recherche inconscient ou encore la capacité d'évaluation, mais pas de niveau de bonheur requis.

Être heureux ne rend pas plus créatif, au contraire : cet état d'esprit nous handicaperait dans notre processus de création. Comme en a conclu Mark Davis, psychologue à l'Université américaine de North Texas (Denton, Texas), dans une étude publiée en 2009, une personne de bonne humeur est très performante dans les premières étapes du processus de création, quand il s'agit de formuler un maximum d'idées qui seront ensuite à retravailler, comme dans le cadre d'une réunion entre collègues de travail. Mais c'est à la suite de cette étape, lorsqu'il est temps de nuancer, de faire des choix, d'échouer et de savoir se relever, de devoir adapter ces idées aux obstacles potentiels – c’est-à-dire les étapes les plus difficiles, voire les moins plaisantes de cette démarche de création – que cette personne-là devrait rencontrer des difficultés. Selon Mark Davis, le stress qui survient quand les problèmes se multiplient peut être déplaisant, mais il est également utile pour nous motiver à aller au bout de notre travail. Chose que les personnes de trop bonne humeur ont tendance à éviter afin de préserver leur confort psychologique.

Dysfonctionnement cérébral

Et d'autres études encore pointent du doigt cet aspect négatif. Dans le cadre d'une étude menée en 2007, les psychologues de l'Université Rice (Texas, États-Unis) Jennifer George et Jing Zhou ont observé la créativité de 160 employés durant une semaine. Si les employés qui se disaient "ni heureux, ni malheureux" sous tutelle d'un manager motivant étaient tous plutôt créatifs, les travailleurs qui se disaient "heureux" étaient significativement moins impliqués et créatifs dans leurs tâches. Enfin, les employés les moins créatifs étaient ceux qui avaient affaire à un manager jugé peu stimulant. "Les fortes émotions positives peuvent parfois être aussi coûteuses que les fortes émotions négatives. Nous sommes peu créatifs lorsque nous sommes stressés ou vivons de puissantes émotions", confirme Emma Seppalia, directrice Centre pour la compassion et l'altruisme de l'Université de Stanford (Californie, États-Unis) et auteur du livre The Happiness Track.

Scientifique, cela s'explique par le fait que le cortex préfrontal, partie du cerveau responsable de nos capacités créatrices, dysfonctionne lorsque nous sommes soumis à une charge émotionnelle trop forte, explique dans ses travaux la neuroscientifique Amy Arnsten de l'Université de médecine de Yale (Connecticut, États-Unis). En effet, un surplus de dopamine (la fameuse hormone du plaisir) finit par perturber cette région du cerveau, entraver les capacités de jugement et de créativité.

Somme toute, la créativité semble être une capacité à utiliser dans un cadre calme, dans un état d'esprit zen et neutre. Toutefois, nous pouvons nous interroger sur le sort des plus grands artistes comme Salvador Dali ou Charles Baudelaire qui, malgré leur côté "génie fou" et leurs accès émotionnels, ont produit des œuvres uniques témoignant d'une grande créativité. 

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