Démantèlement de la jungle à Calais : pourquoi la "pitié administrative" qui l’inspire ne produira pas de véritable solution<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette solution ne pourra qu’être partielle puisqu’il y a un certain nombre de réfugiés sur Calais –près de la moitié – qui souhaitent passer en Angleterre sans demander l’asile en France.
Cette solution ne pourra qu’être partielle puisqu’il y a un certain nombre de réfugiés sur Calais –près de la moitié – qui souhaitent passer en Angleterre sans demander l’asile en France.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

La fausse bonne action du jour

Ce lundi 24 octobre débute le démantèlement de la jungle de Calais. Souhaitant initialement mettre un terme aux dures conditions de vie des migrants sur place, la décision prise par l'administration relève davantage d'une pitié inadaptée à la situation, sans constituer une solution viable pour tous.

Thierry Kuhn

Thierry Kuhn

Thierry Kuhn est président d'Emmaüs France depuis mai 2014. 

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Atlantico : Plusieurs associations ont déposé un référé contre le démantèlement de la jungle de Calais, parmi lesquelles Emmaüs. Ce démantèlement, s'il peut être motivé par de bonnes raisons comme les dures conditions de vie des migrants sur place, peut-il vraiment constituer une solution viable, surtout quand on sait que les migrants vont vraisemblablement essayer de revenir à Calais dans l'espoir de passer la Manche ?

Thierry Kuhn : Pour un certain nombre de migrants, essayer de leur trouver une place sur l’ensemble du territoire français, dans le sens d’une solidarité nationale sur la question de l’accueil des migrants, nous paraît plutôt intéressant. Ceci dit, cette solution ne pourra qu’être partielle puisqu’il y a un certain nombre de réfugiés sur Calais –près de la moitié – qui souhaitent passer en Angleterre sans demander l’asile en France. C’est notamment le cas des mineurs isolés qui ont de la famille en Angleterre, mais cela concerne aussi un certain nombre de familles et d’adultes qui ont des liens avec l’Angleterre et qui souhaitent s’y rendre pour des raisons de langue ou d’opportunités.

Emmaüs a déposé ce référé contre le démantèlement de la jungle de Calais parce que l’approche de Bernard Cazeneuve, comme elle sera mise en œuvre à partir de 8h ce lundi matin, n’est absolument pas satisfaisante. Il aurait fallu prendre plus de temps et procéder à un diagnostic de chaque situation sur Calais. Ensuite, il conviendrait d’ouvrir une voie légale pour permettre aux migrants souhaitant se rendre en Angleterre de le faire. Nous avons toujours été choqués, et je pense que la majorité des Français le sont également, par le fait que l’Etat français soit le garde-frontières de l’Angleterre.

Pour ceux qui souhaitent ou qui seraient susceptibles de demander l’asile en France, il convient de leur trouver une place dans des centres d’accueil et d’orientation répartis sur l’ensemble du territoire français. Mais pour cela, un diagnostic préalable doit être établi et c’est pour cela que nous avons souhaité que le démantèlement soit reporté. 

Dans quelle mesure la création de centres d'accueil éparpillés partout en France revient à poser un cataplasme sur une jambe de bois ? Cette solution qui ne convient ni aux migrants - qui souhaitent gagner l'Angleterre - ni aux populations locales - qui se disent majoritairement opposées - peut-elle être revue pour trouver un terrain d'entente plus en phase avec les attentes de chacun ? 

Pour les personnes souhaitant passer en Angleterre, ce dispositif n’est absolument pas adapté. Pour les autres en revanche, cela nous paraît intéressant de créer des places d’accueil sur tout le territoire national pour pouvoir accueillir dignement dans des centres à taille humaine, faits pour quelques dizaines de migrants. Mais cela n’est intéressant qu’à condition qu’il y ait un véritable accompagnement et un vrai travail de pédagogie et de partenariat au niveau du territoire. Nous pensons bien évidemment aux populations locales sur ces territoires. Mais nous voyons aussi, avec le recul dont dispose Emmaüs, que lorsque ce genre d’initiative est réalisé en partenariat avec la population, cela se passe bien car la population est rassurée. Cela témoigne, par ailleurs, d’une de nos valeurs républicaines, qui est notre capacité à s’engager ; on voit d’ailleurs à Paris qu’il y a plus d’une centaine de bénévoles prêts à cela.

Ceci dit, vu les images renvoyées par les médias, si l’on réalise un sondage à l’échelle nationale pour demander aux Français qui a envie de voir un centre s’installer près de chez eux, très peu répondront positivement. Néanmoins, et j’insiste : chaque fois que les populations locales sont informées et associées, cela se passe bien. Nous aimerions montrer aussi cette autre image de la France, trop peu souvent montrée : celle qui s’engage, qui accueille, et qui aide concrètement dans les centres pour aider les migrants dans l’accompagnement et avoir une vie digne. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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