Oups... le Pentagone espère ne pas avoir déclenché une nouvelle guerre sans le vouloir <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Pentagone reconnait que la région autour du Yémen est fragilisée par un cycle d’attaques et de contre-attaques. En effet, les Saoudiens conduisent des frappes au nom du gouvernement yéménite qu’ils soutiennent, avec souvent des conséquences tragiques
Le Pentagone reconnait que la région autour du Yémen est fragilisée par un cycle d’attaques et de contre-attaques. En effet, les Saoudiens conduisent des frappes au nom du gouvernement yéménite qu’ils soutiennent, avec souvent des conséquences tragiques
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THE DAILY BEAST

Les troupes de l’armée américaine se battent déjà en Irak, en Afghanistan et en Syrie. Et voilà maintenant que les navires américains attaquent des cibles au Yémen. Est-on parti pour une nouvelle guerre qui ne dit pas son nom ?

David Axe

David Axe

David Axe est journaliste pour The Daily Beast.

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Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef

Nancy A. Youssef est une journaliste égypto-américaine. Elle est correspondante pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - David Axe et Nancy A. Youssef

La marine américaine a détruit trois installations radar au sud du Yémen, dans un territoire contrôlé par les Houthis : c’est la première intervention américaine directe dans le conflit en cours dans cette région. L’armée espère que cela ne débouchera pas sur une nouvelle guerre pour les forces américaines.

Mais "l’espoir n’est pas un plan", comme le dit le vieux dicton militaire.

Jusqu’ici, les responsables du Pentagone étaient soucieux de ne pas se laisser entrainer dans un conflit plus large. Ils ont préféré qualifier l’attaque de mercredi de manoeuvre de légitime défense. Mais, dans le même temps, les représentants du département américain de la Défense affirment qu’ils sont prêts à frapper de nouveau, si les Houthis menacent les navires américains – ou même commerciaux – dans les eaux de la région.

"Cela dépend d’eux", a affirmé au Daily Beast un responsable de la Défense, en référence à la tactique des Houthis, ces rebelles à majorité chiite, qui pourraient tenter à nouveau de frapper les navires américains. "Mais il serait mal avisé de leur part de continuer comme cela".

Soutenus par l’Iran, les Houthis se sont associés à l’ancien président du Yémen Ali Abdallah Saleh, un allié des Etats-Unis forcé à abandonner le pouvoir en 2012. Les Etats-Unis ont fourni une aide logistique à la coalition menée par l’Arabie saoudite qui soutient le successeur de Saleh, Abd Rabbo Mansour Hadi, dont la légitimité est remise en cause dans le pays. Le Pentagone reconnait que la région autour du Yémen est fragilisée par un cycle d’attaques et de contre-attaques. En effet, les Saoudiens conduisent des frappes au nom du gouvernement yéménite qu’ils soutiennent, avec souvent des conséquences tragiques pour les civiles alentours. Les Houthis, qui considèrent qu’un autre gouvernement est légitime, répondent aux frappes de l’Arabie Saoudite et de ses alliés américains. Et les vagues d’attaques reprennent.

Le Yémen est sans gouvernement depuis 2014, lorsqu’une offensive des Houthis a forcé le président d’alors, Abd Rabbo Mansour Hadi, à la démission.

Les tentatives de bombardement de la part des Houthis, qui ont visé par deux fois la semaine dernière un destroyer américain, le USS Mason, semblaient être une riposte à l’attaque d’une cérémonie funéraire à Sanaa, qui a tué au moins 140 personnes et blessé 500 autres dimanche dernier. Les Houthis ont tenu pour responsable la coalition saoudienne soutenue par les Etats-Unis. Mercredi, après la deuxième tentative de bombardement du USS Mason, les forces américaines ont répliqué, lançant trois missiles de croisière Tomahawk.

Les Houthis, qui ont démenti avoir lancé des missiles visant le Mason, menacent déjà de répliquer aux frappes de mercredi.

"L’attaque américaine directe ciblant le territoire yéménite ce matin n’est pas acceptable", a déclaré le général de brigade Sharaf Luqman, un porte-parole des forces yéménites combattant au côté des Houthis, selon l’agence de presse Saba, contrôlée par les Houthis. "Le Yémen a le droit de se défendre et nous ferons face à tout développement éventuel avec les mesures appropriées".

Dans les heures suivant l’attaque, l’Iran a annoncé avoir envoyé deux navires de guerre dans le Golfe d’Aden, selon Tasmin, une agence de presse d’Etat semi-officielle. Dans un communiqué, les responsables iraniens ont suggéré que le déploiement des navires de guerre avait été planifié bien avant les frappes de mercredi.

"Les navires de guerre iraniens Alvand et Bushehr ont été envoyés dans le Golfe d’Aden pour protéger les vaisseaux de commerce contre la piraterie", selon Tasnim.

Jeudi, Peter Cook, le porte-parole du Pentagone, n’a livré aucun détail, ni sur le type de renseignements qui ont poussé les Etats-Unis à conclure que les Houthis étaient derrière les tirs de missiles, ni au sujet des soutiens qui auraient fourni leurs armes aux Houthis. Mais, en réalité, l’armée américaine a bien son idée sur les raisons qui l’ont conduite à attaquer une autre nation. Deux responsables de la Défense pensent que les Houthis auraient utilisé des armes iraniennes pour leur attaque du Mason. Et les radars ciblés par les Etats-Unis en guise de réplique étaient probablement là bien avant la chute du gouvernement yéménite en 2012, comme l’a précisé un autre responsable de la défense au Daily Beast.

Ces deux contre-attaques de la Navy pourraient bien avoir bénéficié d’une aide venue d’en haut.

En théorie, deux destroyers peuvent déterminer la localisation d’un radar en triangulant le signal du capteur, selon les explications données au Daily Beast par Bryan McGrath, analyste à l’Hudson Institute et ancien capitaine de destroyer. Mais il est plus vraisemblable qu’un satellite, un drone ou un avion de surveillance américain – ou des forces d’opérations spéciales au sol – ait recueilli les renseignements qui ont rendu possibles les ripostes, a indiqué Bryan McGrath au Daily Beast.

Il est "très difficile pour un navire de faire quelque chose comme cela sans ciblage externe", a ajouté Bryan McGrath.

Les mêmes forces qui ont recueilli les renseignements sont probablement restées postées aux alentours afin d’évaluer les dommages infligés par les missiles de croisière, a avancé McGrath.

Tom Cooper, analyste militaire indépendant et auteur, a expliqué au Daily Beast que les missiles des Houthis étaient probablement des missiles de croisière C-801 fabriqués en Chine, dont le modèle est calqué sur les très meurtriers missiles Exocet fabriqués en France.

Les Houthis ont probablement reçu des armes et du matériel d’Iran, mais il est possible que les C-801 proviennent des anciens stocks militaires yéménites. En 1995, la marine de guerre yéménite a acquis trois navires d’attaque armés avec ces armes chinoises. Les navires et leurs missiles pourraient être tombés entre les mains des Houthis, puisque de plus en plus de militaires yéménites ont fait défection ces dernières années pour rejoindre le camp houthi.

Les Houthis pourraient avoir monté les C-801 sur des camions et les avoir associés avec des radars de détection maritime pour former une sorte de dispositif d’attaque de navires ad hoc. "Mon intuition éclairée, si vous voulez, c’est qu’il y a une unité constituée d’anciens officiers et de marins de la marine yéménite qui se sont rangés du côté des Houthis… et qui exploitent maintenant ces missiles", avance Tom Cooper.

L’attaque du Mason n’était pas la première tentative de frappe à l’encontre d’un navire américain. Le 9 octobre, après la frappe aérienne qui a touché les obsèques de Sanaa, les forces houthies ont lancé deux missiles sur le USS Ponce, un navire d’assaut amphibie qui sert de base à des hélicoptères démineurs. Le Mason, qui escortait le Ponce, a lancé ses propres missiles sol-air, abattant possiblement un des missiles houthis. L’autre missile houthi s’est abîmé en mer sans faire aucun dégât.

Les troupes houthies ont attaqué pour la deuxième fois le 12 octobre, lançant au moins un missile sur le Mason. Le destroyer a répliqué. Et, comme auparavant, le missile houthi s’est perdu en mer avant d’atteindre sa cible. Des heures plus tard, le destroyer USS Nitze, navire jumeau du Mason, a lancé des missiles de croisière Tomahawk sur trois installations radar suspectées par le Pentagone d’aider à orienter les attaques des Houthis.

Si la marine américaine n’est parvenue à détruire que les radars des unités houthies, les camions et leurs missiles pourraient encore représenter une menace – en partant du principe que les Houthis peuvent acquérir des capteurs de remplacement. "Les Etats-Unis répondront de façon appropriée à toute menace ultérieure envers nos navires et notre trafic commercial", a prévenu Peter Cook.

Les critiques craignent que chaque attaque et contre-attaque n’entraine les Etats-Unis de plus en plus loin dans un conflit qu’ils préfèreraient éviter – au moins directement. Les forces américaines mènent déjà des frappes aériennes en Syrie, en Irak, en Afghanistan, et parfois en Somalie.

"Les rebelles arguent depuis longtemps que le soutien militaire, logistique et le renseignement de l’armée américaine apportés à la coalition saoudienne font de Washington un cobelligérant. Les tirs de missiles de croisière [mercredi] contre les sites de radars rebelles – nécessaires pour protéger nos navires dans les eaux stratégiques – ne vont faire qu’alimenter le discours anti-américain", a expliqué Bruce Riedel, un ancien analyste du CIA actuellement chercheur à la Brookings Institution, dans un email adressé au Daily Beast.

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