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Hommes et femmes politiques, 
ces narcisses comme les autres...
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De l'importance Dukan dira-t-on

"Le problème d'image d'Eva Joly ne vient pas que de son accent, c'est aussi physique" : la petite phrase de Nadine Morano n'est pas passée inaperçue. Désormais, la communication politique passe aussi par le physique des aspirants aux plus hautes fonctions.

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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Atlantico : Dans son interview au Parisien daté de mercredi, Nadine Morano interrogée sur la communication des différents candidats évoquait le physique de la candidate Eva Joly. Quelle est l'importance des critères esthétiques dans la détermination des choix politiques des électeurs français ? Jusqu'où les hommes et femmes politiques en jouent-ils? 

Arnaud Mercier : La société médiatique dans laquelle nous vivons aujourd’hui impose de faire attention à certains éléments de son physique. On le voit de la même manière au sein des journalistes. Les logiques esthétiques entrent en compte dans le choix des présentateurs de journaux. Dans tous les domaines où l’image est exposée, et c’est le cas de la politique, on ne peut pas faire abstraction de ces questions.

Ça ne veut pas dire pour autant que les électeurs déterminent leurs choix politiques sur la base de l’esthétique. Les relations politiques sont aussi des relations de séduction : prêter attention à son physique permet de faciliter et d’encourager l’adhésion du public. Il ne s’agit pas d’élégance, il s’agit d’un gommage des éventuels défauts.

Nous sommes pourtant loin de certaines dérives constatées en Italie ou au Japon. En Italie, Silvio Berlusconi a encouragé la candidature de femmes qui étaient d’anciennes starlettes ou d’anciennes pin-up. Au Japon, Junichiro Koizumi a fait tomber certains vieux barons du Parti libéral démocrate (PLD) en mettant en première ligne des jeunes femmes. Pas forcément des top-models mais des personnages dont le physique contrastait avec celui de figures dépassées.

Le jeu de la séduction peut donc aller jusque-là. En France, nous ne sommes pas encore touchés à ce point. Nous en sommes encore à un stade où les politiques corrigent et évitent les grosses erreurs de physique. François Hollande est un exemple : il a fait des efforts pour soigner son look et maigrir. Au-delà de son apparence, c’est aussi un moyen d’adresser un message. Le changement est incarné dans son image physique. 

Nadine Morano précise ses propos en disant que la gente féminine est encore plus touchée : « en tant que femmes, nous sommes scrutées du matin au soir, il faut faire attention à son brushing et à ses chaussures ». Est-ce le cas ?

Il m'est difficile de répondre précisément à cette question : je suis un homme ! J’ai tendance à penser qu’il faut faire confiance aux femmes qui nous le disent. Elles doivent bel et bien essuyer des remarques...

Des dérives machistes qui persistent. Ce n’est pas qu’une légende. Des électeurs peuvent très bien formuler des commentaires péjoratifs sur l’apparence physique de femmes politiques. Cela a été dit et répété pendant la campagne de Ségolène Royal. Dans la presse, de nombreux commentaires y faisaient allusion : « C’est une belle femme ».

Mais je pense que l’impact sur l’électorat reste marginal. Aucune étude sérieuse n’a jamais pu montrer que l’image des femmes politiques avait un effet sur les intentions de vote. 


Cet intérêt pour l’apparence physique des personnalités politiques est-il vraiment un phénomène nouveau ?

Pas du tout ! C’est vieux comme le marketing politique ! Aux Etats-Unis, en 1952, Eisenhower était déjà conseillé là-dessus. On lui faisait faire ses discours sans ses lunettes avec de grandes pancartes en guise de prompteur pour qu’il puisse les lire. On le mettait sur un petit tabouret, derrière son pupitre, pour que l’on ne puisse pas voir sa calvitie lorsqu’il baissait la tête.

En France, Jean Lecanuet en 1965, était présenté comme le Kennedy à la Française. François Mitterrand s’est aussi fait limer les dents pour éviter les caricatures le représentant en vampire. Georges Tron s’est fait faire des implants pour garder une belle chevelure et entretenir une image le plus jeune possible.

Nous sommes dans une époque où la tendance générale tend vers un narcissisme orienté vers le corps. Les hommes et les femmes politiques sont aussi des hommes et des femmes comme les autres. Ils ont, comme tout le monde, un besoin de séduire et de plaire dans une société qui valorise une certaine forme d’esthétique.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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