A la découverte de la stratégie marketing de Jean-Luc Mélenchon<!-- --> | Atlantico.fr
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Le produit Mélenchon, en tout état de cause, est brut de décoffrage.
Le produit Mélenchon, en tout état de cause, est brut de décoffrage.
©Reuters

Le tireur d'élite

Si les responsables politiques sont des produits marketing comme les autres, lequel faudra-t-il choisir le 22 avril prochain ? Avec "Qui choisir", André Bercoff entend donner à chaque citoyen électeur les moyens d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Ici coup de projecteur sur Jean-Luc Mélenchon. Extraits (1/2).

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Produit intéressant parce que atypique : il a beau avoir changé de marque à plusieurs reprises dans son parcours, et avoir été longtemps abrité dans les magasins les mieux achalandés du système comme le Sénat, il est resté depuis ses débuts à gauche de la gauche. Mais un doute plane également depuis que l’on connaît l’existence du produit : est-il de gauche pour conquérir la tête de gondole du supermarché national ou par conviction profonde et inentamée ?

Le produit Mélenchon, en tout état de cause, est brut de décoffrage. On l’aime ou on le déteste, on le loue ou on le vilipende : il ne laisse personne indifférent, ne serait-ce qu’en raison de sa capacité à dégainer plus vite que son ombre et à lancer des slogans qui font mouche, même s’il procède parfois, voire souvent, de l’exagération ou de la simplification. En jouant le petit Mickey qui n’a pas peur des gros, en se positionnant sur la cause du peuple contre l’avidité des puissants, il s’est bâti une réputation de trublion et de mouche du coche qui le sert chez les uns autant qu’elle le dessert chez les autres. Avec lui, au moins, comme aux Galeries Lafayette, il se passe à tout instant quelque chose. Et cet ex-éléphant du Parti socialiste a compris l’utilité électorale de casser tout dans le magasin de porcelaine. Il rompt, mais ne plie pas.

Depuis François Mitterrand en 1974, il est le premier socialiste à être adoubé pour la présidentielle par le Parti communiste, qui est crédité d’un pourcentage de clients potentiels encore modeste, mais qui reste une marque fort appréciable avec ses 120 000 adhérents, 13 députés, 20 sénateurs, 2 députés européens, 2 conseils généraux, de nombreuses mairies et plus de 10 000 élus locaux. Avec cette infrastructure solide, le produit peut être démonstratif et fort en gueule. Sa publicité est bruyante et agressive, ce qui n’est pas négligeable en période de crise où repères et certitudes sont partis sans laisser d’adresse. Le produit veut être dans les rayonnages de gauche ce que la marchandise Le Pen est dans les étalages de droite : une offre anti-système par rapport à la grande distribution UMPS.

Positionnement

La marque a tout de suite compris qu’il fallait un positionnement original dans un champ commercial déjà très encombré. Elle a donc choisi deux axes principaux : l’affrontement direct des médias et de leurs représentants, et un populisme de gauche qui attaque non moins frontalement les puissants et les nantis. Mélenchon l’explique très bien dans son blog : « Il y a quelques mois, nous nous sommes demandé comment mettre en cause l’idéologie dominante, quels canaux attaquer pour la frapper à mort… il est très important pour nous que les gens soient profondément offensés par le comportement des médias… Il est vital que leur confiance dans les médias de référence soit réduite à néant dès maintenant, car c’est à cette condition que notre parole avance dans les esprits et dans les cœurs. Quand cette barrière saute, tout le reste saute avec. Le roi est nu et l’appareil dominant avec lui. »

De même, la marque et les produits qui la servent attaqueront sans relâche les puissants qui saccagent le pays, les mœurs arrogantes des amis de l’argent, l’oligarchie des patrons hors de prix, des sorciers du fric, des financiers qui vampirisent les entreprises : « Qu’ils s’en aillent tous ! » titre le manifeste du produit Mélenchon. Celui-ci se réfère notamment à des produits sud-américains comme Evo Moralès et Hugo Chávez, mais sa référence stratégique, même s’il n’y pense pas, reste le général Boulanger et sa dénonciation du « tous pourris ».

Côté médias, le produit traite Pujadas de salaud et de larbin, Ferrari de perruche et autres qualificatifs amènes. Côté citoyen, il répète à l’intention des princes qui nous gouvernent : du balai. Cette stratégie n’a rien de passionnel et d’improvisé : elle a été froidement calculée. Benoît Schneckenburger, son garde du corps agrégé de philosophie et ceinture noire de karaté, auteur d’un ouvrage sur Épicure, défend le populisme du produit : « On veut bien convoquer le peuple, comme dit Schumpeter, pour choisir parmi les élites compétitives, mais on ne veut pas qu’il se mêle de politique. Eh bien, nous ne sommes pas d’accord. On pense que le peuple doit se mêler de politique, il doit commencer à réfléchir, à participer, il ne peut pas y avoir de discours politique sans éducation populaire. L’accusation de populisme cache un déni de démocratie. »

Parts de marché

À l’heure où nous écrivons, le produit Mélenchon est crédité de 5 à 8% de clientèle potentielle. La question lancinante qui se pose à lui est celle du vote utile. L’important réservoir des consommateurs de gauche va-t-il se porter massivement sur le produit Hollande, dans son obsession d’en finir avec la tête de gondole Sarkozy ? Ou – et c’est l’espérance de la marque – les acheteurs du premier tour marqueront-ils leur préférence pour un produit qui transformera profondément l’ordre des choses en changeant radicalement le système libéral ?

La marque table sur les 17% des voix obtenues, lors de la primaire socialiste, par Arnaud Montebourg. « Ceux qui ont aimé Montebourg dans la primaire vont adorer Mélenchon dans la présidentielle », s’est exclamé le produit. À voir… Pour arriver sur le marché présidentiel, le produit a réussi à réunir le Parti communiste français, le Parti de gauche, Convergences et Alternatives, la Gauche unitaire et la Fédération pour une alternative sociale et écologique : le modèle ultra-réduit du Programme commun, qui unit, il y a plus de trente ans, socialistes, communistes et radicaux de gauche. Que la République était belle sous l’Empire… Restent les socialistes et les écologistes déçus par le réformisme de François Hollande. Combien de bataillons ?

LES « + »

• Don d’éloquence et de la formule réussie
• Positionnement bien étudié sur un créneau porteur
• Rappel utile d’inégalités criantes qu’il faudra de toute façon corriger

LES « - »

• Trop d’insultes tuent l’insulte
• Se positionner comme rebelle anti-système, alors que l’on a baigné dedans durant plus de trente ans, requiert des actes de rupture et pas seulement des paroles
• Le contentement de soi est une bonne chose, encore ne faut-il point en abuser

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Extraits deQui choisir, FIRST EDITIONS (26 janvier 2012)

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