Macron, Le Pen, Mélenchon et cie : mais quel est vraiment ce "système" qu'ils dénoncent tous ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La plupart des candidats, déclarés ou putatifs, à la présidentielle de 2017 sont pleinement insérés dans ce "système". Madame Le Pen a tout de même un père du même nom, dont la longue carrière l’a amenée là où elle est.
La plupart des candidats, déclarés ou putatifs, à la présidentielle de 2017 sont pleinement insérés dans ce "système". Madame Le Pen a tout de même un père du même nom, dont la longue carrière l’a amenée là où elle est.
©Reuters

Anti-système

Ce mardi 11 octobre, Emmanuel Macron fustigeait le système, annonçant sans détour son avis sur la question. Il n'est pas le seul à s'y attaquer, puisque de nombreux leaders politiques en font régulièrement la critique. Un phénomène qui pose la question de savoir ce qu'est réellement le... système.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Alors qu'aujourd'hui, une grande partie des politiques plus ou moins déclarés candidats à la présidentielle de 2017 disent critiquer le système (Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Bayrou, Nicolas Sarkozy…), quelle signification peut-on accorder à cette attitude et à ce terme de "système" ?

Christophe Bouillaud : Il s’agit tout d’abord à travers l’usage de ce terme très indéterminé de "système" de désigner le rejet du statu quo politique, économique et social de la part de celui qui en use. Tous les candidats à la présidentielle de 2017, déclarés ou putatifs, refusent l’état présent de la situation de la France, parce qu’ils savent bien grâce aux sondages et aux précédentes élections (municipales, régionales) que les Français sont très mécontents de la situation du pays. De plus, ils attribuent cette situation déplorable à un vaste ensemble de fonctionnements ou d’acteurs, le "système", dont, par définition même, puisqu’ils le critiquent, ils ne font pas partie. User ce terme de "système", c’est donc aussi souligner qu’on est soi-même nullement responsable de l’état présent que l’on critique, alors que bien sûr tous les autres compétiteurs le sont. 

N'y a-t-il pas également chez certains une forme d'hypocrisie à critiquer ce système, eux qui en sont pour certains issus et qui le défendent encore dans certains aspects ?

Bien sûr, si l’on analyse pour le coup le "système politique français" au sens que peuvent lui donner les politistes, à savoir d’une part l’ensemble des règles institutionnelles, formelles et informelles, qui président à la formation des décisions qui déterminent les politiques publiques de toute nature, et d’autre part, l’ensemble des acteurs, individuels et collectifs, qui concurrent selon ces mêmes règles à l’exercice du pouvoir, force est de constater que la plupart des candidats, déclarés ou putatifs, à la présidentielle de 2017 y sont pleinement insérés, parfois depuis fort longtemps. Dit banalement, toutes ces personnalités ont derrière eux une carrière politique faite dans les règles habituelles : aucun n’est en réalité un "simple citoyen", un Mr. Smith comme dans le célèbre film américain (Monsieur Smith au Sénat), qui, tout d’un coup, découvrirait les arcanes de la vie politique française, et pourrait par la seule grâce de sa candeur tout changer. Madame Le Pen a tout de même un père du même nom, dont la longue carrière l’a amenée là où elle est. Même un Emmanuel Macron, s’il n’a effectivement jamais été élu à quoi que ce soit, témoigne d’une manière typique de faire carrière sous la Vème République en conseillant le "monarque" républicain du moment. Un Raymond Barre fut ainsi Premier ministre, avant d’être député et de tenter quelques années plus tard de briguer - sans succès d’ailleurs - la présidence de la République. Le "grand commis de l’Etat" qui entre directement dans l’arène électorale représente aussi un grand classique de notre histoire récente.

Par ailleurs, aucun de ces candidats ne peut être considéré comme un candidat révolutionnaire qui voudrait en finir avec les formes habituelles de notre vie politique. Cela correspond d’ailleurs au fait que l’option révolutionnaire, qu’elle soit d’extrême-gauche ou d’extrême-droite,  est de toute façon très minoritaire en France. Le "Comité invisible" est sans troupes ! Marine Le Pen elle-même l’a bien compris, comme le montre le choix de son slogan lénifiant, La France Apaisée, pour sa présente campagne électorale – qui n’est d’ailleurs pas si loin sémantiquement de "l’identité heureuse" promue par Alain Juppé.

Parmi les principales figures politiques françaises qui critiquent le système aujourd'hui, lesquelles sont les plus susceptibles selon vous de se voir renvoyer l'argument en pleine figure ?

En effet, le statu quo que déplorent les Français est dénoncé par ceux-là même qui ont été comme on dit "en responsabilité" des affaires du pays – comme un Nicolas Sarkozy plusieurs fois ministre et finalement président de la République – ou bien qui ont participé depuis des décennies à animer la vie politique du pays – comme un François Bayrou ou dans une moindre mesure un Jean-Luc Mélenchon. Même un Emmanuel Macron a beau jeu de se présenter comme responsable en rien de ce qui arrive au pays, alors qu’il fut rapporteur de la Commission Attali en 2007, et surtout conseiller de François Hollande depuis 2012, avant d’être son ministre de l'Economie.

Comme Nicolas Sarkozy a eu la carrière politique la plus brillante, puisqu’il a fini par devenir président de la République entre 2007 et 2012, c’est sans doute pour lui que l’argument de la responsabilité peut lui être renvoyé avec le plus de facilité. Inversement, malgré leur aussi longue carrière politique, François Bayrou ou Jean-Luc Mélenchon n’ont été que ministres ou chefs de partis mineurs. Quant à Marine Le Pen, elle a effectivement beau jeu de faire remarquer qu’elle n’est responsable de rien, étant à la tête d’un parti ayant été toujours dans l’opposition depuis sa création en 1972. De fait, ce ralliement de tous ces prétendants à la charge présidentielle à l’idée qu’il faut être "contre le système" finira sans doute par avantager la candidate du Front national, qui est la seule avec les candidats d’extrême-gauche (LO, NPA) à pouvoir mettre en avant sans pouvoir être démentie son éloignement permanent de tout pouvoir national. Le défaut stratégique du "tous contre le système" est aussi sans doute d’empêcher une défense raisonnée des aspects positifs du statu quo, qui pourtant reste aussi nécessaire par ailleurs. S’affirmer "contre le système", surtout quand on fait objectivement partie de ce dernier, tend surtout à montrer que l’on craint de ne pas réussir à attirer l’attention des électeurs avec des propositions concrètes et novatrices. 

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