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Théorie du genre : Najat Vallaud-Belkacem réplique au Pape en oubliant "opportunément" le contenu réel des manuels scolaires français
©Filckr

Mémoire courte

Ce 2 octobre 2016, le Pape François a critiqué la présence de la "théorie du genre" dans les manuels scolaires français, ce qui a provoqué la réaction de Najat Vallaud-Belkacem, qui s'est empressée d'infirmer la déclaration du souverain pontife. Mais à y regarder de plus près, le pape n'avait pas entièrement tort.

Annie Genevard

Annie Genevard

Annie Genevard est députée Les Républicains du Doubs. 

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Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Le Pape François a dénoncé lors d'une conférence de presse "l'endoctrinement à la théorie du genre", théorie expliquant la construction de l’identité sexuelle à partir de facteurs non biologiques, qu'on retrouverait apparemment dans les manuels scolaires français. La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a aussitôt réagi en déclarant qu'il n'en était rien, et que "par ailleurs", cette théorie du genre "n'existe pas". Qui dit vrai dans cette histoire ? Si l'on regarde les manuels scolaires français comme le préconise Najat Vallaud-Belkacem, qu'est-il possible d'y lire ?

Pierre Duriot : La ministre se livre à un numéro d'équilibriste, non seulement parce que tournent des vidéos où elle explique la théorie du genre qui n'existe pas, mais aussi parce que cette même théorie a été abordée auprès des élus, à l'Assemblée nationale et au niveau du Parlement européen. En citation, un extrait du site du Parti socialiste remontant au début du mandat de François Hollande et relatif aux manuels des lycéens :"Non à la censure des manuels scolaires par les députés UMP. Plusieurs députés UMP, à l’initiative des membres de la droite populaire Richard Maillé et Christian Vanneste, ont adressé une lettre au ministre de l’Education nationale afin de demander le retrait des manuels scolaires de première abordant la théorie du genre". Comme quoi, elle existe bien, y compris dans des manuels. Elle a fait l'objet d'expérimentations et d'une abondante littérature que l'on trouve assez facilement. Si la théorie du genre n'apparaît pas en tant que telle au niveau des classes primaires qui me préoccupent, la politique du genre n'est jamais bien loin. L'école primaire a reçu des consignes écrites, enjoignant de faire de la lutte contre l'homophobie une "priorité". A cet effet, des associatifs militants interviennent auprès de publics scolaires. Cela se traduit également par des visionnages de films, genre Tom Boy, la lecture de livres, comme le célèbre "Papa porte une robe" ou "Boucle d'Ours", dans lesquels suintent les questions de genre. Il y eut les expérimentations liées à l'ABCD de l'égalité dans des écoles du Blanc-Mesnil.

Au final, pour une théorie qui n'existe pas et que l'on n'aborde pas, ça fait tout de même beaucoup d'allusions à une politique liée au genre, dont on se demande ce qu'elle vient faire dans les écoles maternelles et primaires, où les enfants n'ont pas encore de représentation claire de ce que peut être l'homosexualité. A ce niveau, la "lutte contre l'homophobie" ou le "sexisme", qui servent d'argument massue, relèvent non pas du sujet de travail et d'étude, mais d'un concept inaccessible pour de jeunes enfants et matraqué en guise de formatage des consciences. L'affaire est d'autant plus inutile que ce sont statistiquement les petites filles qui réussissent le mieux dans les premières années de scolarité, qu'elles sont plus sociables et que l'école primaire, maternelle et élémentaire, est encadrée très majoritairement par des femmes, jusqu'à 100 % en maternelle. Et donc, ce sont surtout les garçons qui y sont en difficulté : un comble. Le pape y est allé avec de gros sabots et sans doute peu de recherches et d'informations, mais la représentante du gouvernement fait comme nombre de ses collègues sur à peu près tous les sujets : travail, économie, emplois, sécurité sociale, délinquance, islam, immigration, etc. quand la réalité est totalement contraire aux discours, il ne reste que la pratique généralisée du déni.

En 2011, l'actuelle ministre de l'Education nationale avait déclaré que la théorie du genre a pour but "d'aborder la question des inadmissibles inégalités persistantes entre les hommes et les femmes ou encore de l'homosexualité, et de faire œuvre de pédagogie sur ces sujets". Pourtant, depuis, Mme Vallaud-Belkacem n'a eut de cesse de nier l'existence de la "théorie du genre". Pourquoi ce changement de cap ?

Annie Genevard : Ce changement s'explique selon moi pour des raisons politiques, car je ne crois pas du tout que la ministre ait évolué sur ce point. Elle reste profondément imprégnée par la théorie du genre, pour l'avoir souvent défendue et encore récemment en visitant des crèches neutres où l'on fait en sorte qu'il n'y ait pas de différenciation sexuée entre les petits garçons et les petites filles, et ce non pas à des fins de respect d'égalité comme l'assure la ministre, mais parce que la théorie du genre consiste à considérer que notre genre n'est pas la résultante de la nature mais de considérations socio-culturelles. Il n'y aurait donc pas d'identité sexuelle prédéfinie. C'est une véritable idéologie, qui va loin.

Je pense qu'elle reste profondément imprégnée de cette idée, qui était par ailleurs un engagement de campagne du président de la République. Ce dernier avait dit qu'il fallait faire en sorte qu'il y ait très tôt dans l'école des informations sur la sexualité et le genre. Elle obéit donc en cela à un engagement du président de la République. Si elle fait machine arrière aujourd'hui, c'est parce que l'affaire a fait grand bruit. Il y a eu en effet une polémique violente au moment des ABCD de l'égalité, avec d'ailleurs des informations infondées qui ont circulé. Sur le fond, elle a compris qu'il y avait là quelque chose qui allait heurter très profondément les familles et les parents. Elle a donc fait machine arrière d'une façon tout à fait mensongère et dissimulée, en disant en substance qu'ils luttaient non pas pour affirmer la théorie du genre mais contre les discriminations du genre, ce qui est autre chose. Je considère personnellement que la lutte contre les discriminations de genre est un habillage politiquement correct qui signifie en réalité pour la ministre d'imposer la théorie du genre dans les esprits.

Pierre Duriot : Il s'est passé une chose inattendue, un genre de télescopage entre idéologie et religion, apparu lors des défilés contre le mariage des homosexuels. Souvenez-vous, on vit, de manière imprévue, des musulmans se mêler aux catholiques, dans les cortèges, pour protester eux-aussi contre ces unions. La ministre issue de l'immigration a dû s'entendre rappeler que les musulmans sont assez sensibles aux questions liées au statut de la femme et à l'homosexualité. Dans nombre de pays musulmans, les femmes sont officiellement inférieures et les homosexuels sont des délinquants. Et les socialistes de pratiquer régulièrement le grand écart entre leurs combats historiques et leur allégeance à l'islam. On l'a vu en net relief lors du salon de la femme musulmane de Pontoise avec le sacrifice de l'élégante Céline Pina, virée du PS, plutôt qu'une critique logique mais hasardeuse du sexisme des intervenants à ce salon de la femme, sans femme, ou presque. Entre les droits de la femme et la susceptibilité des représentants de l'islam, le PS a choisi et à quelques mois de la présidentielle, il prend soin de son électorat le plus fiable.

Pourquoi faut-il ou ne faut-il pas que cette théorie soit présentée dans un manuel scolaire ? Qu'est-ce qui explique l'intervention du Pape François dans cette affaire ?

Annie Genevard : Le Pape François, dont j'ai relu l'intervention, est très respectueux à l'égard de l'homosexualité ou de la transsexualité. Il n'a pas stigmatisé quiconque. Il reconnaît que c'est un fait humain qui existe, mais il considère que nous n'avons pas à l'enseigner ou le promouvoir. L'Éducation nationale a bien d'autres choses à régler : lutte contre le décrochage scolaire, acquisition des savoirs fondamentaux, etc. Le principal reproche que je fais à la ministre, c'est de se préoccuper davantage de questions sociales et sociétales que de questions pédagogiques. Elle n'est pas dans son rôle et serait bien inspirée de se concentrer sur les priorités en matière éducative. Je considère que cette idéologie n'a pas à être promue et donne des orientations que personnellement je juge condamnables. Je ne dis pas cela pour les personnes qui opteraient pour un sexe différent, mais vouloir le généraliser et en imprégner l'ensemble des élèves scolarisés, je trouve que c'est une faute. C'est normal que cela suscite autant de polémiques et je pense que c'est sain. Encore une fois – et le Pape François l'a dit très clairement –, il ne s'agit pas de condamner telle ou telle situation humaine.

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