Sauvez nos livres ! La plus vieille bibliothèque du monde rouvre ses portes à Fès au Maroc<!-- --> | Atlantico.fr
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Située au beau milieu de la médina de Fès, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, celle-ci était, lors de sa fondation en 859 – l'algèbre venait tout juste d'être inventé – par Fatima el Fihriya, le plus haut lieu de culture qu'il existe sur Terre.
Située au beau milieu de la médina de Fès, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, celle-ci était, lors de sa fondation en 859 – l'algèbre venait tout juste d'être inventé – par Fatima el Fihriya, le plus haut lieu de culture qu'il existe sur Terre.
©wikipédia

Héritage culturel

La bibliothèque Al Quaraouiyine, située en plein cœur de la médina de Fès, au Maroc, va rouvrir après trois ans de travaux de rénovation. Un coup de neuf nécessaire pour cet édifice construit au IXème siècle, autrefois plus haut lieu culturel au monde.

Ce n'est pas parce qu'internet a rendu la connaissance accessible en un clic qu'il ne faut pas prendre soin de nos vieilles bibliothèques. L'architecte maroco-canadienne Aziza Chaouni l'a bien compris, et s'est attelée en 2012 à rénover l'illustre bibliothèque Al Quaraouiyine, le plus vieil établissement de ce type encore debout, en plein cœur de la médina de Fès, au Maroc, rapporte le site Quartz.

Plus de mille ans d'existence

Alors que l'État islamique menace le Maghreb et fait du Maroc une cible prioritaire, le ministère de la Culture local a décidé de protéger ses lieux de culture les plus emblématiques afin qu'ils ne se finissent pas victimes de la fureur destructrice dont font preuve les combattants de Daech lorsqu'il s'agit de réduire en poussière les vestiges de cultures et de civilisations antiques. La bibliothèque de Mossoul (Irak), saccagée, et les cités assyriennes de Palmyre (Syrie), Nimroud (Irak) et Hatra (Irak), mutilées, peuvent en témoigner. Ainsi, le royaume ne pouvait pas laisser l'un de ses joyaux, la bibliothèque Al Quaraouiyine, sombrer dans la vétusté. "Les personnes qui travaillent ici gardent jalousement les livres entreposés. Vous pouvez nous faire du mal, mais vous ne pouvez pas faire de mal aux livres", confie l'un des conservateurs de la bibliothèque, interrogé par The Guardian.

Située au beau milieu de la médina de Fès, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, celle-ci était, lors de sa fondation en 859 – l'algèbre venait tout juste d'être inventé – par Fatima el Fihriya, le plus haut lieu de culture qu'il existe sur Terre. Pour cause, le complexe construit par cette femme, fille d'un riche marchand originaire de Kairouan, en Tunisie, abritait une mosquée et une université éponymes. Aujourd'hui, la bibliothèque et la mosquée sont toujours actives, tandis que les universitaires ont migré vers de nouveaux locaux. L'université a vu passer de très grands noms tels que le philosophe juif Moïse Maïmonide, l'historien et homme politique Ibn Khaldoum ou encore le diplomate et explorateur Hassan al-Wazzan, dit Léon l'Africain.

Restauration

Et qui d'autre qu'une femme pour restaurer ce que cette grande dame respectée qu'est Fatima el Fihriya avait commencé ? Alors que dans ce secteur d'artisanat, les gros chantiers sont le plus souvent confiés à des hommes, l'architecte Aziza Chaouni a remporté les faveurs du ministère en charge du complexe. Sa mission : préserver les livres, les quelque 4 000 ouvrages anciens que contient cette bibliothèque, précise NPR dans un podcast. Ainsi, ce lieu de savoir et notamment d'étude du soufisme s'est doté d'installations à la pointe de la technologie, sans toutefois dénoter avec l'architecture et la décoration traditionnelle de l'ensemble.

Afin de conserver au mieux ces livres qui menacent d'être rongés par la moisissure ou desséchés par le temps, la bibliothèque s'est équipée d'un nouveau système de ventilation, d'un laboratoire chargé de préserver et numériser les textes les plus anciens et de machines de régulation d'humidité afin que les ouvrages ne se désagrègent pas une fois en main. Les livres les plus rares sont gardés dans une chambre à verrou digital, et enfin, des panneaux solaires ont été installés sur les toits. "Au fil des années la bibliothèque a connu de nombreuses rénovations mais souffrait encore de problèmes de structure ou d'isolation. On comptait plusieurs déficiences des infrastructures, notamment un dysfonctionnement du système de ventilation, le craquellement des mosaïques et des poutres en bois, ou encore l'exposition de câbles électriques", détaillait l'architecte lors d'une conférence TED. Parmi les écrits les plus précieux entreposés dans cette bibliothèque, on compte une copie authentique du Coran datant du IXème siècle, rédigée en  écriture coufique sur de la peau de chameau, préciseAssociated Press, mais également la célèbre Muqaddima, les Prolégomènes d'Ibn al Khaldoum, considéré comme le premier ouvrage traitant de la philosophie de l'histoire, ou encore l'un des nombreux écrits du philosophe Averroès sur la jurisprudence islamique.

Préservation d'un héritage

Pour Aziza Chaouni, ce chantier de trois ans était l'occasion de préserver un patrimoine qui lui tenait à cœur, alors que son arrière-grand-père venait étudier dans cette université au XIXème siècle, et qu'elle-même se rendait régulièrement dans l'atelier de son grand-oncle artisan, situé non loin du complexe. "C'était comme guérir des blessures, confie-t-elle. Cet endroit doit continuer de vivre, il a une aura magique. J'espère que ça rouvrira bientôt et que le public pourra venir admirer ces manuscrits pour la première fois. Mais j'espère également que les habitants de Fès pourront utiliser cet espace comme une seconde maison. La valeur de cette bibliothèque n'est pas réservée qu'aux touristes".

Si la réouverture du complexe a été repoussée à plusieurs reprises, elle devrait avoir lieu avant 2017. Le roi du Maroc, Mohammed VI lui-même, est venu visiter ces nouvelles installations et devrait présider l'inauguration. Et la transformation de Fès ne s'arrête pas là. Le gouvernement marocain espère redonner vie à la médina tout en préservant son authenticité et éviter sa gentrification. Des festivals de soufismes et de musique y sont notamment prévus, tout comme la remise en valeur de l'oued Boukhrareb, la rivière qui traverse la vieille ville de part en part, autrefois appelée "rivière aux joyaux". Celle-ci s'est progressivement transformée en décharge pour les artisans et les industriels en contrebas, et a été partiellement recouverte de béton. Aziza Chaouni a, d'ailleurs, formulé un projet de rénovation, à retrouver dans la conférence TED citée plus haut. Une manière de perpétuer l'héritage de cette capitale spirituelle du Maroc qu'est Fès.

Une initiative qui s'inscrit en tout cas dans la volonté des politiques de préserver le patrimoine culturel mondial, alors que celui-ci fait l'objet d'attaques. François Hollande a d'ailleurs annoncé le 21 septembre 2016 la création d'un fonds mondial de sauvegarde du patrimoine.

Vous pouvez admirer les photos de la bibliothèque Al Quaraouiyine en cliquant ici et .

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