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Ces quelques bonnes raisons pour lesquelles la primaire de la droite et du centre pourrait très mal tourner
©Reuters

C'est parti pour 2 mois

Le 21 septembre marque le début de la campagne pour la primaire de la droite. Si celle-ci devrait permettre de désigner un champion, le scénario d'un score trop proche au second tour, ou d'une participation importante qui diluerait la marque "à droite" du résultat, pourraient parasiter la droite.

Un score très serré au second tour qui rendrait difficile une réconciliation et une vraie clarification sur les idées

Maxime Tandonnet : Le danger d'un score très serré à l'image de l'élection du président de l'UMP en 2012 serait qu'il ouvre la voie à des discussions sur la sincérité du scrutin et une polémique à ce sujet. Il semble que toutes les précautions soient prises pour éviter ce scénario catastrophe, mais si le scrutin se joue à quelques centaines de voix près on ne peut exclure une telle hypothèse, des demandes de recompte. Une remise en cause de la légitimité du résultat des primaires serait désastreuse. Le climat dans les camps des deux principaux candidats n'est pas à la sérénité. Les choses sont très passionnées. Le débat d'idées compte assez peu en fait. C'est beaucoup plus le style, la posture qui comptent. Les bons mots, les petites phrases tendent à creuser ce clivage. On voit bien la différence de posture : la sagesse de M. Juppé et la transgression de M. Sarkozy. En quoi diffèrent leurs projets sur l'école, la croissance, l'emploi, la sécurité, l'Europe ? C'est difficile à dire aujourd'hui. On est donc dans une logique de clivage très forts, affectifs, passionnels, axés sur la personnalité. Les partisans de M. Sarkozy rejettent M. Juppé et réciproquement. Je pense que tous deux joueront le jeu à l'issue de la primaire : ils ne voudront pas passer pour les responsables de l'échec de leur camp. Mais au niveau des partisans, c'est moins évident. La mobilisation pour les présidentielle sera difficile. Oui, un score très serré peut compliquer le ralliement du camp battu au vainqueur. 

Le fractionnement du corps électoral, le suffrage censitaire

Selon le sondage, 28% des Français envisagent de participer à la primaire. 84% expliquent cette intention par le sentiment que la primaire va désigner le vainqueur du scrutin. Cette participation potentielle est considérable : presque un tiers de l'électorat ! Ces primaires sont peut-être inévitables dans le contexte ultra dégradé de la politique française : poussée lepéniste qui interdit de prendre le risque d'une présence de plusieurs candidats de droite au premier tour et guerre des ego à droite qui éloigne toute perspective d'un accord sur le candidat le mieux placé. Mais il faut quand même voir que ces primaires sont une étrangeté démocratique. Dans la mesure où elles ont toute chance de désigner le futur chef de l'État, elles tendent à se substituer aux présidentielles. Le prochain président serait donc désigné par une sorte de suffrage restreint, une fraction du corps électoral. On peut plaisanter sur le coût de deux euros. Mais cette somme, destinée à écarter des électeurs les moins motivés, n'a pas la même la même valeur pour un étudiant qui vit, une fois son loyer payé, avec 140 euros par mois, et un cadre supérieur qui touche 10 000 euros par mois. La rigueur du filtre jouera en fonction du revenu des personnes. Il y a un fond malsain dans ce mode de scrutin et ce filtre par les deux euros qui rappelle le souvenir de Thiers, optant pour le suffrage censitaire plutôt que le suffrage universel par méfiance envers la "vile multitude". Et puis la condition morale de "valeurs de la droite et du centre" semble assez douteuse du point de vue démocratique. Que sont les valeurs de la droite et du centre, par rapport aux valeurs des autres camps ? Le libéralisme économique ? L'autorité de l'État ? Personne ne le sait précisément aujourd'hui. En outre, la formule est terriblement sectaire : la possibilité de voter et de désigner le futur président dépendrait de "valeurs" et de l'appartenance à un camp idéologique opposé à un autre. On voit toute la dérive de ces primaires au regard des principes de la démocratie. Elles aboutissent, dans le contexte actuel, avec la quasi-certitude de la présence du candidat lepéniste au second tour, à faire désigner le chef de l'État par une fraction du corps électoral et non par la Nation dans son ensemble. Elles consacrent une logique de division du peuple français.

La dilution de l'ancrage à droite du candidat vainqueur / Plus c'est ouvert, moins c'est légitime pour la droite ?

Il y a une immense incertitude de ces primaires qui tient à l'étendue de la participation. 11% des Français sont sûrs de voter, et 17% se déclarent votant potentiels. Qu'il y a-t-il derrière ce potentiel ? On peut tout imaginer. En principe des sympathisants Républicains. Mais qu'est-ce qui empêche des électeurs socialistes de participer ou des sympathisants lepénistes ? En fonction de la mobilisation, on voit que le résultat de ces primaires peut être soumis à toutes les manipulations et les manœuvres, par exemple un vote significatif des électeurs socialistes pour faire désigner le candidat le moins bien placé face à François Hollande au premier tour des présidentielles.... Ou bien le même type de comportement des sympathisants lepénistes pour favoriser leur candidat. L'incertitude est réelle. Rien ne permet de dire avec certitude comment est composée la fraction du corps électoral qui désignera le prochain candidat à la présidentielle, probable futur chef de l'État. Sommet de l'absurde : son nom dépendra peut-être, non pas du choix des électeurs de la droite et du centre, mais du niveau respectif de participation à ces primaires des adversaires socialistes ou lepénistes...  

En cas de victoire, comment gouverner s'il y a des divisions au Parlement ?

Tout dépend du déroulement des primaires, de leur issue et du comportement du vainqueur ! Il me semble que celui qui remportera les primaires aura tout intérêt à prendre dans son entourage des proches du perdant et à jouer à fond la carte du consensus. En outre, son adversaire renoncera sans doute à la vie politique et appellera à soutenir le vainqueur. On peut imaginer aussi que malgré les rancunes et les passions, les grands élus nationaux se rallieront au nouveau candidat officiel. Ils y auront tout intérêt en tout cas, pour jouer un rôle par la suite et le cas échéant, participer au gouvernement. Mais je suis d'accord : comment gouverner après les présidentielles est la grande question aujourd'hui. Dans la tradition de la Ve République, l'électorat donne une majorité parlementaire au chef de l'État pour gouverner. Or le climat actuel est très particulier, totalement inédit et nul ne sait sur quoi il débouchera : poussée lepéniste, discrédit de la classe politique, forte abstention, dévalorisation de la fonction présidentielle. Le chef de l'État sera sans doute élu par dépit bien plus que par adhésion. Il ne bénéficiera d'aucun "état de grâce". Trouvera-t-il une majorité confortable pour gouverner : rien n'est moins sûr. Si le candidat lepéniste effectue un score élevé au second tour, celui-ci peut se traduire par un nombre de députés significatif. Dès lors, dans l'hypothèse ou par réaction contre l'élection présidentielle, les socialistes parviennent à limiter les dégâts aux législatives, ce qui est tout à fait possible au vu du score des dernières régionales, la France peut devenir encore plus ingouvernable qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Quels autres risques voyez-vous inhérents à cette primaire ?

Les primaires de la droite et du centre ont plongé la France dans un climat électoral avec trois mois d'avance. Il me semble que cette extension du temps électoral est nocive pour la France. Notre pays a besoin de travailler et d'être en paix avec lui-même. L'ouverture des hostilités commence beaucoup trop tôt. Les primaires aggravent le climat de division et de sectarisme. En outre, elles donnent lieu à des polémiques personnelles, des procès d'intention, des batailles d'individus qui ne ne contribuent sans doute pas à réconcilier les Français avec la politique.  J'y vois le risque, surtout si les primaires se déroulent dans un mauvais climat, qu'elles poussent certains français à la tentation de l'abstention et à l'aggravation de la défiance envers la politique. Il ne faut pas écarter enfin le risque pour la droite de montée en puissance d'un candidat ou plusieurs candidats n'ayant pas participé aux primaires, M. Bayrou par exemple. Et alors, nous retombons dans le scénario catastrophe : plusieurs candidats de droite et du centre ouvrant la voie à la qualification du candidat socialiste, au second tour, face au candidat lepéniste. Une zone d'inconnue absolue s'ouvrirait alors pour le pays.

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