Faut-il vraiment clouer Claude Guéant au pilori pour avoir enfoncé des portes ouvertes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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M. Guéant a déclaré que « toutes les civilisations ne se valent pas ».
M. Guéant a déclaré que « toutes les civilisations ne se valent pas ».
©Reuters

Beaucoup de bruit pour rien

Au pays des droits de l’homme, attendrait-on vraiment d'un ministre qu'il soutienne que "les civilisations qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité ne sont pas supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique" ?

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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«Sur quatre lignes de l’écriture d’un homme on peut lui faire un procès criminel », disait le cardinal de Richelieu. S’il fallait produire à l’usage de ceux qui en doutent une preuve tangible du progrès humain, la dernière affaire Guéant la fournirait puisque il suffit aujourd’hui d’une seule ligne pour clouer un homme au pilori. Une ligne, il est vrai, délibérément et soigneusement détachée de son contexte. En l’occurrence, il n’y a pas détournement de mineur mais détournement de ministre. Quel crime aurait donc commis le locataire de la place Beauvau qui déchaîne la réprobation, sincère ou feinte, en tout cas l’indignation tonitruante de tout ce qui porte sa belle âme en bandoulière et prend la parole au nom de la gauche ?

M. Guéant a déclaré que « toutes les civilisations ne se valent pas ». Un tel jugement est de nature à susciter la discussion et appelle un approfondissement : on peut estimer en effet que, même si elles sont toutes égales en dignité et en légitimité, les différentes civilisations sont diverses et qu’en particulier, elles ne sont pas porteuses des mêmes valeurs politiques ou morales, avec les conséquences que cela implique.

Au demeurant, la question n’est pas exactement là, car la suite des propos de M. Guéant (en effet l’allocution prononcée par le ministre ne se réduisait pas à la seule phrase que ses adversaires politiques ont choisi de retenir) montre très clairement qu’en fait de « civilisations » l’orateur avait plutôt en tête des cultures, des régimes politiques, des systèmes socio-religieux, ou tout simplement des idéologies. En affirmant que « celles qui défendent l’humanité » lui paraissaient « plus avancées que celles qui la nient », que « celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité » lui paraissaient « supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique », M. Guéant, qu’on nous permette de le lui dire gentiment, ne faisait qu’enfoncer des portes ouvertes chez nous depuis un peu plus de deux siècles, qu’égrener un chapelet de banalités que l’on veut croire à peu près unanimement reconnues au pays des droits de l’homme.

Mais nous sommes en période électorale et le bois dont se chauffent les partis politiques est celui dont on fait les flèches. En cherchant à tirer un profit maximal d’une erreur vénielle de vocabulaire, ceux qui font à M. Guéant un « procès criminel » et l’accusent naturellement de s’aligner sur le Front national qui, comme chacun sait, n’est qu’un avatar à peine déguisé du national-socialisme, font d’abord éclater leur sectarisme et leur mauvaise foi. En d’autres temps, ou parlerait de « querelle d’Allemands », mais ce serait verser dans la pire des xénophobies et faire le premier pas sur la route qui mène à Auschwitz. On s’en gardera bien.

La prochaine fois qu’il abordera un sujet aussi scabreux, conseillera-t-on donc à M. Guéant de déclarer que « toutes les civilisations se valent », que « celles qui défendent l’humanité ne sont pas plus avancées que celles qui la nient » et que « celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité ne sont pas supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique » ? Les choses étant ce qu’elles sont, il n’est pas certain que des propos aussi mesurés suffiraient à décourager la polémique.

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