La guerre contre les drogues, une guerre contre les Noirs ? Jay-Z lance un énorme pavé dans la mare de l'échec de la politique américaine contre les narco-trafics<!-- --> | Atlantico.fr
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Jay-Z explique que 45 ans plus tard, la consommation de stupéfiants est aussi élevée qu'elle ne l'était sous Reagan et qu'il est "temps de repenser nos politiques et les lois".
Jay-Z explique que 45 ans plus tard, la consommation de stupéfiants est aussi élevée qu'elle ne l'était sous Reagan et qu'il est "temps de repenser nos politiques et les lois".
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THE DAILY BEAST

Dans une vidéo très contestataire, le rappeur et ancien dealer fait un bilan sévère de "l'échec épique" de la guerre contre les drogues aux États-Unis, qui cible principalement les Noirs et les Latinos.

Amy Zimmerman

Amy Zimmerman

Amy Zimmerman est journaliste au Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Amy Zimmerman

Dans une vidéo visuellement très frappante mise en ligne par le New York Times jeudi 15 septembre, Jay Z décerne un ''epic fail'' (échec retentissant) à la "guerre contre la drogue" aux Etats-Unis. L'ancien dealer de cocaïne devenu monarque du hip-hop y lamine les politiques gouvernementales, depuis l'administration Nixon et les lois Rockefeller sur les stupéfiants jusqu'à l'actuel profilage ethnique.

Avec son célèbre phrasé sarcastique, le rappeur voit dans 45 ans de gouvernance inefficace un fil rouge de racisme et d'hypocrisie. Son script, mis en images par les illustrations incroyables de Molly Crabapple, commence en 1986, quand lui-même, qui s'appelait alors Shawn Carter, "arrivait à l'âge adulte". Il décrit une guerre contre la drogue concentrée sur les centres-villes défavorisés, où "les barons de la drogue étaient des monstres'' et "les types jeunes comme moi qui dealaient devenaient les uniques coupables".

Cette vision '"en tunnel'' a conduit à l'explosion des incarcérations aux Etats-Unis. Les juges sous pression distribuaient des condamnations à la détention à vie pour la seule possession de stupéfiants et le petit commerce de drogue. Jay-Z rappelle que la population carcérale aux Etats-Unis, dans son énorme majorité composée de Noirs et de Latinos, est plus importante que dans n'importe quel autre pays au monde, y compris les pays "que nous considérons autoritaires et oppresseurs". Il souligne, sarcastique : "Ouai. Plus qu'eux".

Ensuite, il s'attaque à la distinction faite entre la cocaïne en poudre et le crack-cocaïne. Le crack, qui est ''toujours mentionné comme un problème des Noirs"' a été plus pénalisé que la cocaïne en poudre. Cette politique raciste de sanctions fait des exceptions pour les puissants et met les vulnérables en prison : "La police de New York a lancé des raids sur nos quartiers de Brooklyn mais les banquiers de Manhattan consommaient ouvertement de la coke en toute impunité". "Nous avons commencé à considérer l'addiction aux stupéfiants comme un sérieux problème de santé", poursuit-il, "maisle discours sur les dealers n'est pas devenu plus clément".

L'ironie est d'autant plus profonde que nous considérons comme des délits ou des crimes la possession ou la vente de marijuana, qui sont par ailleurs rapidement en train de devenir des entreprises légales. Jay-Z raconte la transformation en juteux commerce de la vente de marijuana au Colorado depuis la libéralisation, alors que quelques Etats américains plus loin, la Louisiane réprime toujours par de lourdes peines ceux qui la vendent. Il souligne que la plus grande partie des Etats américains ciblent toujours et de façon disproportionnée les Noirs et les Latinos pour la vente de marijuana. Une fois leur peine effectuée, ces dealers sont marqués à vie en tant que délinquants, à qui il est interdit d'ouvrir un de ces "dispensaires de marijuana" (Ndlr : points de ventes légaux autorisés à vendre de la marijuana à des fins médicales ou récréatives).

Les adeptes de capital-risque se ruent sur ce marché pour engranger les bénéfices de la légalisation de la marijuana et sont salués comme des entrepreneurs, alors que les dealers sont exclus d'un des secteurs à la plus forte croissance. En d'autres mots, les Blancs riches peuvent s'enrichir en faisant la même chose que d'innombrables personnes de couleur envoyées en prison. Jay-Z poursuit en illustrant cette hypocrisie avec son New York natal. "Les mômes de Crown Heights sont constamment arrêtés et mis à l'amende. Les mômes dans les dortoirs de l'université de Columbia, où la consommation de marijuana est égale ou pire que celle des quartiers, ne sont jamais interpellés ou sanctionnés". A moins, bien sûr, qu'ils ne soient des étudiants noirs ou latinos.

Jay-Z conclut que 45 ans plus tard, la consommation de stupéfiants est aussi élevée qu'elle ne l'était sous Reagan et qu'il est "temps de repenser nos politiques et les lois". La vidéo, produite avec l'association Drug Policy Alliance and Revolve Impact, a pour but d'informer sur les conséquences très profondes de la guerre contre la drogue. L'initiative est aussi liée à une mesure politique spécifique, la proposition 64 de l'Etat de Californie, décrite comme "la mesure législative de légalisation de la marijuana la plus orientée vers la justice raciale". Shawn Carter, alias Jay-Z, a commencé sa carrière comme rappeur et transformé son passé de dealer par la musique : il est très logique qu'il soit celui qui transforme l'histoire de la guerre contre la drogue en une forme d'art. De plus, en condensant des décennies d'informations et de politiques en quatre minutes sans donner l'impression d'assister à un concours de lecture rapide ou à une leçon d'histoire est une prouesse digne du maître du "flow".

Les fans de hip-hop connaissent Jay-Z comme le génie derrière les albums The Blueprint et The Black Album, les fans de Beyoncé le connaissent comme son mari sur Instagram, mais il n'a jamais caché ses convictions politiques. Durant les manifestations ''Black Lives Matter'' de Baltimore et Ferguson, Jay-Z et Beyoncé ont rapidement donné des dizaines de milliers de dollars pour payer les libérations sous caution des activistes arrêtés. Jay-Z a donné plus d'un million de dollars à Black Lives Matter et produit une chanson de protestation contre la brutalité policière, Spiritual,  après les meurtres d'Alton Sterling et Philando Castile. Tenez-vous pour dit que ceci est le dernier épisode en date du complot secret des Illuminatis Beyoncé et Jay-Z pour "rendre le monde meilleur". 

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