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Rien vu, rien entendu : Alstom ou le dossier que Macron avait mis sous le tapis, François Hollande et Manuel Valls n’ont qu’une solution, faire payer le contribuable
©Reuters

Atlantico Business

Alstom annonce la fermeture de son site de production belfortin. Une fois de plus, l’Etat actionnaire est mis au pilori de n’avoir pas su intervenir dans une entreprise où il détient 20%des droits de vote. Une fois de plus, l'Etat apporte la preuve qu'il est un piètre gestionnaire, ou pire un actionnaire inutile.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour Emmanuel Macron, les ennuis commencent. Pour François Hollande, c'est une nouvelle casserole, un cadeau empoissonné qui rappelle étrangement l'affaire Florange du début de son quinquennat. François Hollande et Manuel Valls ne peuvent pas faire grand chose alors qu'ils ont une forte participation au capital. Ils peuvent tout au plus booster les commandes publiques, au mépris des règles de la concurrence et à condition de faire payer la SNCF, c'est-à-dire les voyageurs ou les contribuables. 

Dans cette affaire Alstom, l'ex-ministre de l’Economie et futur candidat à l'élection présidentielle est évidemment vu comme le coupable idéal, fustigé par une unanimité politique. Il faut dire qu'il avait lancé la promesse, lorsqu'il s'était déplacé il y a un an sur les chantiers du géant ferroviaire, de tout faire pour sauver les emplois et l'usine.

Pourtant, affirme-t-il, il n'a rien vu venir. Et ses anciens collègues du gouvernement de se précipiter aux micros des journalistes pour dénoncer l'attitude désinvolte de l'ancien ministre envers ce dossier, en l'accusant de l'avoir laissé de côté.

Car en tant que ministre de l’Economie, il était le garant du gigantesque portefeuille des participations de l’Etat, dont Alstom faisait partie.

L’Etat était ainsi devenu le deuxième actionnaire principal du constructeur en février 2015, se faisant "prêter", avec option d’achat, 20% des actions de l’entreprise par Bouygues, qui détenait 28,3% du capital, et ce, pour une durée de vingt mois. A cette époque, on avait surtout coupé Alstom en deux pour éviter un naufrage annoncé, pour se recentrer sur l’activité historique. Et rapporter du cash à l’entreprise, la désendetter.

A 20%, l’Etat a certes un poids important, de parole, de négociation, mais non de blocage. Il est donc censé agir avec l’entreprise dans le sens de cette dernière et des affaires. 

Alors, la nationalisation partielle est-elle une bonne solution ? Qu'ont fait les deux représentants de l’Etat au conseil d’administration du fleuron ferroviaire ?

Montebourg, qui avait géré la prise de participation, leur avait bien dit qu' "ils n'étaient pas là pour faire des cocottes en papier", qu'ils devaient rendre des comptes, renforcer l'outil industriel français.

Macron a-t-il usé d’une vraie stratégie du "laisser-faire l'entreprise" ou de la paresse du je-m'en-foutiste d'un futur démissionnaire du gouvernement qu'il était ? En fait, dans cette affaire, Macron, qui ne veut être ni de droite ni de gauche, a été absent.

Brutale, inattendue et inacceptable, voilà comment l’ancien ministre de l’Economie juge la décision des dirigeants d’Alstom.

Rationnellement, l’entreprise peut justifier sa décision. Le cahier de commandes est plein, mais elles sont principalement internationales. Et dans le deal des négociations, il y a la clause d’une production au plus près des acheteurs, sur leur territoire, à l’exemple du contrat record auprès d’un acheteur américain le mois dernier.

En France, la situation est plus compliquée. Emmanuel Macron l’avait ainsi reconnu : Alstom se trouve "dans un contexte de surcapacité productive en France dans le ferroviaire". Il n’a donc pas découvert le dossier ces derniers jours.

Trop d’usines pour une demande dont on ne voit pas comment elle pourrait décoller pour l’Hexagone. Belfort est le site le plus petit, le plus fragile aussi.

Le paradoxe, c’est quand même qu’Alstom est une entreprise qui va globalement bien. Demandée à l’international, elle bénéficie d’une reconnaissance de qualité et de savoir-faire. N’en déplaise à Nathalie Kosciusko-Morizet ou Philippe Martinez - le coupable idéal -, les autocars de Macron n’ont qu’une responsabilité infime sur le résultat financier d’Alstom.

Les résultats d’Alstom en 2015 étaient très bons, mais dopés par la cession de la branche énergie à General Electric. Si l’on regarde plus en détail les chiffres de la rentabilité, Alstom affiche une marge à 5,3%, en deçà de celle de ses concurrents, pas assez pour avoir des budgets d’innovation, ni pour être compétitif dans un secteur où les concurrents se font plus agressifs, plus spécialisés et tirent les prix vers le bas.

Comment sauver le site historique de Belfort, celui de la 1ère locomotive, des TGV, bref d’un savoir-faire dont on aime qu’il soit français ? 

1. Lui procurer des commandes. En France. Car comme toute entreprise rationnelle, Alstom produit au plus près de ses clients. Et elle a énormément de clients à l’étranger, en Italie, en Afrique du Sud, etc.

Les douze sites de production français alimentent les demandes françaises.

Sauf qu’en France, on se heurte à un autre obstacle de taille : la SNCF. Elle est déjà en difficulté, a des TGV plein ses tiroirs. De plus, elle perd de l’argent sur ce segment de son activité. Et puis on ne résout pas un problème en le déplaçant car là encore, c’est l’Etat qui est derrière. On ne va pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce serait juste déplacer le problème. 

2. Lui trouver un partenaire stratégique, dans un secteur où s’effectue une consolidation et pour faire face aux nouveaux concurrents, notamment le géant chinois CRRC. Peut-être Bombardier, acteur canadien mais qui a lui aussi de nombreuses usines sur notre territoire.

Alstom révèle le malaise français. Formidable entreprise à l’exportation, elle se heurte à un marché français morose, peu engageant, peu preneur de risques.

Elle possède une formidable ingénierie, une très belle technologie. Ça se vend bien quand la conception est faite en France, moins quand la production l'est. Et ça, ça a du mal à passer auprès de l'opinion publique.

Du côté de la présidence, cela fait aussi dire à François Hollande qu’il ne passera pas une fin de quinquennat tranquille comme il l’espérait. Pour lui, c’est crucial, il faut sauver les 400 emplois de Belfort. Il joue peut-être son honneur, son dernier cheval de bataille. Quelle pagaille !

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