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Le microcrédit, la vraie solution pour aider les agriculteurs
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Agroécologie

Qualité des aliments, fixation des populations paysannes, respect de l'environnement : le bio n'est pas un caprice de bobo ! C'est plus que jamais la voie de l'avenir. Pour la première fois, Marc Dufumier dresse un panorama complet des désordres agricoles dans "Famine au sud, malbouffe au nord : Comment le bio peut nous sauver". Extraits (2/2).

Marc Dufumier

Marc Dufumier

Marc Dufumier, ingénieur agronome, est l'un des spécialistes mondiaux de l'agriculture. Directeur de la chaire d'agriculture comparée à AgroParistech, il est régulièrement sollicité par les gouvernements étrangers pour les aider à réformer leurs systèmes agricoles.

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C’est à l’échelle des villages et des terroirs qu’il est possible de concevoir et de réaliser les investissements les plus efficaces. L’idéal est donc que les agriculteurs aient eux-mêmes les moyens de financer leurs équipements. Mais comment un paysan pauvre qui n’a aucun bien à donner en gage pour garantir son emprunt peut-il parvenir à s’endetter ?

À l’exception des commerçants usuriers qui connaissent bien leurs clients et peuvent donc faire pression pour obtenir des remboursements, aucune banque privée n’a intérêt à octroyer des prêts. L’agriculture est une activité bien trop aléatoire et risquée. Les États ont donc été obligés de mettre en place leurs propres systèmes de crédit agricole. Avec souvent des résultats désastreux puisque de nombreuses caisses publiques ont rapidement fait faillite (…)

Le crédit aux agriculteurs est et restera une activité risquée et difficile, parce que les petits paysans du Sud n’ont pas de biens à mettre en gage, et parce qu’ils sont dans l’incapacité de dissocier clairement les comptes de leurs unités de production et ceux de leurs familles. Le même fonds de roulement peut être mobilisé successivement pour acheter des semences, se procurer des outils, acquérir des biens de consommation pour le ménage ou payer l’école des enfants. En ne voulant prêter de l’argent que pour les activités productives, les organismes de crédit poursuivent une chimère car les familles paysannes souffrent de déficits de trésorerie récurrents – notamment pendant les périodes de soudure [1] –, tandis que la vie de la famille doit suivre son cours et que ses dépenses continuent. Les paysans n’ont donc pas d’autre choix que d’aller puiser dans les caisses de leurs unités de production pour des dépenses de consommation courante.

Les banques rechignent à accorder des prêts à la consommation aux paysans pauvres alors que ces prêts pourraient être très rentables. Sans subvention ni prêt destiné à satisfaire ses besoins de consommation en situation d’urgence, le paysan peut être, par exemple, obligé de vendre prématurément ses jeunes animaux. Alors qu’avec un peu d’argent disponible, il peut attendre de les avoir engraissés pour les mettre sur le marché et donc les vendre à un bien meilleur prix.

C’est dans ce contexte que sont nés les systèmes de microfinance, plus ou moins inspirés de ceux mis en place par la Grameen Bank de Muhammad Yunus, dont l’ambition est d’offrir aux paysans pauvres des petits prêts à taux moindres que ceux pratiqués par les prêteurs usuriers en situation de monopole. Le système de microcrédit profite aujourd’hui à près de trois cents millions de petits agriculteurs dans le monde. Mais l’expérience montre que pour réussir, le microcrédit exige des règles draconiennes librement consenties par les bénéficiaires : par exemple que les emprunteurs appartiennent à des groupes de caution solidaire, avec interdiction d’accorder des prêts à plus de la moitié de leurs membres, de façon à ce que les agriculteurs qui envisagent de solliciter un prêt fassent pression sur ceux du groupe qui tardent à rembourser afin qu’eux-mêmes puissent à leur tour emprunter.

Le microcrédit aux paysans pauvres peut donc fonctionner, pourvu que les bénéficiaires en fassent leur propre affaire, sans trop d’ingérences extérieures. Mais ces systèmes très subtils traitent imparfaitement les symptômes (la pauvreté et les déficits de trésorerie), sans toucher aux causes du problème : la politique de prix agricoles. Plutôt que de vouloir colmater un système injuste et inefficace, il faut que les pays du Sud mènent une politique de prix rémunérateurs qui permette à leurs petits paysans de dégager des revenus suffisants, afin de pouvoir constituer une épargne qu’ils réinvestiront ensuite pour s’équiper et améliorer leurs systèmes de culture et d’élevage. Impossible ? C’est pourtant ce qu’a fait le Nord avec ses agriculteurs au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi le Sud ne pourrait-il pas aujourd’hui en faire autant ?

[1] La soudure désigne la période entre deux récoltes où la nourriture et l'eau peuvent manquer.

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Extraits deFamine au sud, malbouffe au nord : Comment le bio peut nous sauver, Editions Nil (2 février 2012)

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