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Baisses d’impôts : Valls et Hollande ne sont d’accord ni sur le montant, ni sur le nombre de bénéficiaires. Quel casse-tête !
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Atlantico Business

François Hollande doit annoncer jeudi le montant exact de la baisse d’impôts qui sera appliquée l’an prochain, à moins que Valls ne lui grille la priorité. Vu qu'ils ne sont pas d’accord sur les heureux bénéficiaires qui vont en profiter.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La gouvernance Hollande a ceci de bien qu'elle nous fait vivre en direct la gestation d’une décision politique. Le spectacle des discussions et des hésitations est intéressant, si l'on peut dire, parce qu’au bout du compte on ne comprend plus à qui s'appliquera la décision et pour quel effet direct.

Le débat sur la baisse des impôts en offre aujourd’hui un magnifique exemple. Et pour comprendre dans quel casse-tête politico-fiscal est tombé le gouvernement, il faut repasser le film. Rien n’est gratuit dans cette affaire.

Acte 1. Bien avant l’été, alors que François Hollande cherche à mettre en place les conditions pour que sa candidature à un deuxième mandat soit évidente, ses services lui suggèrent d’annoncer une baisse des impôts. Vu que le bilan de l’action économique et social n’est pas florissant (chômage, croissance...), la baisse d’impôt paraît politiquement plus appréciable.

D’autant que tous les experts s’accordent à penser que c’est le matraquage fiscal au début du quinquennat qui a plombé la conjoncture française. L’annonce d’une baisse des impôts paraît donc être la solution politique la plus profitable.

Acte 2. Les services qui commencent à plancher sur le projet se disent que l’idéal serait de noyer cette mesure dans une réforme fiscale de plus grande ampleur, englobant l’impôt à la source, la fusion CSG et IR, et peut-être un coup de rabot sur l’ISF, histoire de couper l’herbe sous les pieds de la droite.

Acte 3. Face au risque d’ouvrir un débat qui provoquerait plus de dégâts politiques à gauche que de satisfactions à droite, on a abandonné l’idée de la grande réforme, d’autant que les blessures de la loi El Khomri ne sont pas cicatrisées. On revient donc sur une baisse de l’impôt et pour qu’elle soit significative, on parle à l'Elysée comme à Matignon d’une baisse de 2 milliards pour les ménages. Avec 2 milliards, on doit pouvoir faire quelques heureux.

Acte 4. C’est sans compter avec la vigilance de Bercy qui, début septembre, refroidit tout le monde en démontrant que la croissance sera plus faible que prévue et qu’il faut donc essayer d’être sérieux. Ça n’est pas 2 milliards qu’il faudra redistribuer mais 1 milliard, sinon les engagements budgétaires exploseront.

Acte 5. On se retrouve donc à Matignon et à l’Elysée à essayer de fabriquer des paquets-cadeaux. Grosso modo, François Hollande et Manuel Valls sont d’accord sur l'idée d’affecter cette baisse d’impôts aux ménages. Ils sont aussi tombés d’accord sous la pression de Manuel Valls pour dire que cette baisse interviendra techniquement comme une ristourne. Un chèque de remboursement en quelque sorte, ce qui veut dire qu’on ne remet pas en cause les tranches et les taux. Notre système d’imposition a déjà sorti du barème plus de la moitié des contribuables (si on exclut la CSG, qui est le seul impôt payé par tout le monde). Donc on ne le dit pas parce que ça n’est pas poli. Pas question de réduire encore la population exonérée d’impôts. Reste à savoir comment on va répartir l’enveloppe entre les contribuables.

Normalement, c’est François Hollande qui doit, demain jeudi, jouer au Père Noël. Sauf qu’apparemment, l’exécutif est, là encore, en désaccord.

Du côté de l'Elysée, on souhaiterait que la ristourne aille de préférence aux bas revenus. Ce qui revient à sortir de l’impôt ceux qui en paient déjà très peu.

Du côté de Matignon, on a peut-être une approche un peu plus économique qui consiste à dire que si on baisse les impôts, mieux vaut baisser l’impôt des contribuables qui en paient, avec le risque d’être accusé de faire un cadeau aux riches. Comme d’habitude. La répartition de l’impôt est très bancale. 80% de l'impôt est payé par 20% des contribuables.

Ce qui veut dire que peu de contribuables paient l’impôt, ce qu’on savait. Mais aussi que ceux qui en paient en paient beaucoup (plus de 50% de leur revenu).

Si on veut organiser une baisse d’impôt qui ait un sens économique, il faut l’appliquer sur les hauts revenus qui consomment et qui investissent. Politiquement, Manuel Valls, qui courtise comme Emmanuel Macron cette catégorie sociale, y trouverait son compte. Mais François Hollande, pas forcément.

Le travail des chiffres ne permet pas d’y voir plus clair. En 2014, Michel Sapin avait déjà géré une baisse d’impôts de 5 milliards d’euros au total. Les impôts ont donc baissé en 2014, 2015 et 2016 pour 16 millions de ménages à revenu très modeste.

En 2014, le gouvernement a donc organisé une baisse d’impôt forfaitaire pour 4 millions de foyers dont les revenus ne dépassaient pas 1,1 Smic. La réduction d’impôts a représenté 350 euros pour une personne seule et 700 euros maxi pour un couple.

Cette redistribution a été reproduite en 2015, année où l'on a, en plus, supprimé la tranche à 5,5%, ce qui fait que l’impôt s’est appliqué à compter de 9600 euros de revenus contre 6000 euros auparavant.

En 2015, Michel Sapin a annoncé de nouveaux allègements d’impôts pour 2016 et pour 2 milliards d’euros au bénéfice de 8 millions de foyers, soit une baisse d'impôt de 200 à 300 euros, 500 pour les couples.

Aujourd'hui, si Bercy ramène les ambitions de baisse à 1 milliard, ça change tout.

Le choix du gouvernement est donc simple. Hélas. Ou bien il diminue la baisse par deux pour les contribuables, ou alors il divise par deux le nombre de bénéficiaires.

Sur 8 millions de foyers bénéficiaires l’année dernière, il divise par deux la baisse de l’année dernière, soit de 100 à 150 euros par foyer.

Soit, il divise par deux le nombre de bénéficiaires passant de 8 à 4 millions de bénéficiaires.

D’un côté, l’Elysée qui semblerait préférer donner quelques miettes au plus grand nombre. De l’autre, Matignon qui semble estimer qu’il vaudrait mieux cibler les classes moyennes et leur donner une plus grosse enveloppe.

Economiquement, ça revient dans le circuit. Politiquement, ils peuvent voter social-démocrate.

Les hommes politiques sont ainsi faits qu’ils passent des heures à cogiter une mesure en faisant croire qu’elle aura un impact sur les structures économiques alors qu'ils n’espèrent qu’une chose : que l’impact soit, avant tout, politique.

Dans le contexte actuel, la baisse de l'impôt sur le revenu profitera à ceux qui en bénéficieront (ce sera toujours cela de pris), mais n’aura aucun effet sur le vote des uns et des autres. Plus grave, aucun effet sur la macroéconomie de ce pays. Quel casse-tête !!!

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