Comment la fin des petites écoles rurales souhaitée par le gouvernement va impacter le niveau scolaire des élèves (et leur village)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Comment la fin des petites écoles rurales souhaitée par le gouvernement va impacter le niveau scolaire des élèves (et leur village)
©

"A plus dans le bus"

Fermeture des petites écoles, regroupement... C'est la rentrée et l'éducation nationale encourage la signature de la "convention ruralité". Le principe : l'Etat garantit le maintien des postes d'enseignement pendant 3 ans, en échange de quoi les maires doivent réfléchir à une réorganisation de leur établissement. Déjà 22 conventions ont été signées, 30 sont en projet.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

Voir la bio »

Atlantico : quels sont les avantages et désavantages liés au regroupement scolaire pour les élèves de communes ou les écoles ferment ?

Pierre Duriot : En réalité, ces regroupements d'écoles sont intimement liés à la politique rurale globale et le paramètre scolaire suit un mouvement général lié au développement. L'école n'est pas un maillon isolé de la ruralité. Effectivement, la mutualisation des moyens s'opère pour de nombreuses thématiques, dont l'école, va parfois même jusqu'au regroupement pur et simple de plusieurs communes sous la bannière d'une seule mairie. Il est évident qu'une école est une charge non négligeable dans un budget de petite commune mais également un argument pour l'accueil et l'installation de nouveaux habitants. La présence d'une école de proximité est un critère de choix prépondérant pour une famille avec enfants. L'entretien et les charges regroupés sont le premier poste d'économie dans des communes souvent nanties de bâtiments mairie-école républicains, à plusieurs classes, datant d'avant ou d'après-guerre et souvent prévus pour quatre à cinq classes alors qu'il n'y a plus que quelques élèves. La gestion et la reconversion de ces patrimoines immobiliers est souvent un casse tête.

En contrepartie, la mise en place d'un ramassage solaire, sous-traité, donc payé à une entreprise privée ou alors organisé par les communes elles-mêmes avec achat de véhicule et embauche d'un chauffeur, n'est pas non plus une rente. S'entendre sur la localisation de l'école, le partage des frais, au prorata du nombre d'élèves, est également un sujet d'âpres discussions.

Pour les élèves et leurs parents bien sûr, ce peut-être une organisation plus complexe, des trajets en voiture, des journées plus longues, de la fatigue, mais souvent, pour eux-aussi, une mutualisation des moyens et du temps entre voisins.

Un regroupement d'école n'est certes pas neutre, mais on ne peut pas parler de manière globale de perte ou de bénéfice, tout cela est hautement lié au contexte et si chaque cas n'est pas unique, les forces d'initiatives et les bonnes volontés en présence ont toute leur importance.

La fermeture de ces écoles qui regroupent bien souvent des élèves de niveaux différents (CM1 et CM2 par exemple) dans des classes uniques peut-elle entraîner une baisse de niveaux chez ces derniers ?

Là encore, il n'y a pas de cas général. On peut avoir de ces vieux instituteurs très expérimentés, présents dans les villages depuis des décennies, ayant eu comme élèves les parents de leurs élèves actuels et dans ce cas, le niveau peut-être très élevé, le regroupement d'élèves un enrichissement général, pour une ambiance d'apprentissage très intéressante.

On peut aussi avoir de ces postes isolés, où de très jeunes enseignants échouent pour un an, par défaut, avec une incertitude permanente sur le devenir de la structure, moins de pratique et d'expérience pédagogiques, pour des contextes difficiles techniquement et peu à la portée d'un enseignant débutant. La stabilité géographique et dans le temps des enseignants et leur expérience sont des facteurs importants dans la réussite d'une école rurale.

Ceci dit, aujourd'hui, même dans une classe à un seul niveau, dans une grosse école de ville, les niveaux des enfants sont très hétéroclites. Cela se corse dans les collèges de campagne, où le maintien ou la fermeture obéissent, en arrière plan, à des considérations politiques locales. Il est vrai que dans les départements campagnards les tout petits collèges ont souvent de piètres résultats et le fantasme de ces petites structures où l'on apprendrait mieux a la vie dure : il n'est est rien. La présence d'élèves de classes sociales supérieures, qui sont statistiquement plus en réussite, l'émulation et le dynamisme liés au nombre d'élèves et de parents, sont de nature à tirer les résultats vers le haut.

Quels impacts ces fermetures d'écoles peuvent-elles avoir sur le quotidien et la santé des villages concernés  ? Quelles autres conséquences ces mesures pourraient-elles faire émerger ?

Comme expliqué à la première question, l'école est un maillon dans un processus global. La fin de l'école signifie aussi la fin de toute activité économique et entraîne la désertification. Les vies associative, économique, culturelle, sont étroitement liées et la disparition d'une école est le signe d'un échec des politiques locales et gouvernementales. A travers des initiatives, il est sans doute grand temps d'y remédier. Faute locale, dans la mesure où tout n'a pas été forcément mis en œuvre pour maintenir des activités économiques et des tissus administratifs, associatifs, touristiques. Par manque de volonté, de compétences, faute aussi de capacités à s'entendre entre élus, chacun défendant son pré carré et tout le monde coulant en même temps au final, pour n'avoir pas su se coordonner dans le temps et l'espace, sur du long terme. Faute gouvernementale, en raison d'un choix délibéré d'hyper-focalisation sur les quartiers, les banlieues, les considérations à haute teneur médiatique, dans les quartiers multiculturels, au détriment d'une France profonde, rurale, représentant la moitié des français, mais qui n'intéresse pas des élus nationaux et les gouvernements engoncés dans le parisianisme et l'idéologie. Cela se paye électoralement avec des scores importants du Front National dans les campagnes, lesquelles se sentent, à juste titre, oubliées. S'en suit un désintérêt du pouvoir pour des campagnes où il ne fait pas le plein d'électeurs entraînant un processus sans fin de désintérêt réciproque.

La désaffection pour les campagnes relève bel et bien d'une orientation politique : clochers, terroirs, traditions, ruralité, sont devenus, non pas des considérations économiques et des enjeux de développement du territoire, mais des considérations idéologiques, contenant un mépris de la part de certains responsables nationaux pour la "province" profonde, où ils vont peu et avec une certaine condescendance, en dehors des périodes électorales. Ils les laissent ainsi, ostensiblement, aux droites patriotes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !