15 ans de mondialisation plus tard, même "La Vérité si je mens" se délocalise à Shanghaï !<!-- --> | Atlantico.fr
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Sorti ce mercredi, le troisième volet de "La Vérité si je mens" se place au 4e rang des meilleures sorties de l'histoire du box-office français.
Sorti ce mercredi, le troisième volet de "La Vérité si je mens" se place au 4e rang des meilleures sorties de l'histoire du box-office français.
©DR

Rire jaune

Sorti ce mercredi, le troisième volet de "La Vérité si je mens" se place au 4e rang des meilleures sorties de l'histoire du box-office français. Derrière les rires de la comédie, les symptômes d'une grande glissade française ?

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Le premier opus de la trilogie "La Vérité si je mens", sorti en 1997, avait fait l’effet d’une véritable bombe idéologique. Il s’agissait bien sûr, avant tout, d’une peinture parodique et amusante de la communauté juive du Sentier. En cela d’ailleurs le film était nouveau, sachant que le cinéma français, très centré sur la bourgeoisie parisienne, ne s’attache guère à présenter la diversité régionale ou culturelle du pays.

En cela, il a permis de renouer avec une tradition ancienne mais minoritaire de ce cinéma, des films de Marcel Pagnol à certaines œuvres de Louis Malle (le Quercynois collabo de Lacombe Lucien en 1974). Et sans doute a-t-il ouvert les portes à l’immense succès de Bienvenue chez les ch'tis (20 millions d’entrées en 2008) ou d’Intouchables (2011, 18 millions d’entrées).

Mais sous le masque de l’humour sépharade, le film offrait une sorte d’apologie de la réussite individuelle dans les affaires. Sorti en pleine victoire de la gauche plurielle de Lionel Jospin, il tranchait avec le discours habituel du cinéma français sur le capitalisme, généralement décrit sous l’angle principal de l’exploitation et de l’injustice sociale. La Vérité si je mens présentait au contraire sous un jour favorable l’ascension sociale d’Eddy Vuibert, parti de la rue pour devenir un prospère chef d’entreprise. La forte religiosité ambiante, à laquelle adhèrent spontanément les personnages du film (Eddy qui est un pathos veut épouser une juive, ce qui pose problème), achevait de donner à ce film de « champion du monde » un tour très américain, qui ne l’empêcha pas d’atteindre 5 millions d’entrées en France.

Le second opus, sorti en 2001, au terme de la cohabitation Lionel Jospin / Jacques Chirac, participe de la même philosophie et remporta un succès identique (7 millions d’entrées). Eddy et ses amis continuent de développer leurs affaires, désormais situées en banlieue parisienne. L’industrie textile s’est modernisée et Eddy est fier de montrer son usine automatisée, qui lui avait permis de triompher de son futur beau-père dans le premier épisode de la trilogie. Toutefois, il est confronté aux menées de la grande distribution, qui le pousse à la faillite. Si on peut voir dans ce film une dénonciation du manque de concurrence dans ce secteur en France, patent depuis la réglementation des grandes surfaces instaurée par la loi Royer (1973), c’est plutôt une lecture assez conventionnelle qui s’impose : celle de la lutte éternelle des petits contre les gros.

Le troisième épisode, actuellement sur les écrans, est sans doute promis à un triomphe au box office. Pourtant, son message politique est inquiétant. Les héros ont vieilli et sont concurrencés par des Chinois dynamiques et, somme toute, probes. La mondialisation, déjà présente dans le 2 avec la Tunisie, prend cette fois la forme de Shanghaï où la joyeuse équipe part acheter des chaussures, ensuite revendues sur internet. On a du mal à percevoir la valeur ajoutée de la France dans ce processus. Il est vrai que l’administration, des douanes au fisc, fait ce qu’elle peut pour empêcher la création de valeur. Et nos héros dans tout ça ? Patrick Abitbol, l’audacieux financier de l’équipe, tombé amoureux de son inspectrice des impôts, ne rêve que de les payer ! Ay’Hima, il vaut mieux que la série s’arrête là…

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