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Quand le Maroc économique se lance à l'assaut de l'Afrique
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Paris-Casablanca-Dakar

La société civile prend la main au Maroc. De nombreux entrepreneurs cherchent à développer une coopération entre leur pays, l’Europe et l’Afrique, grâce à leur position stratégique.

Nabil Bayahya

Nabil Bayahya

Nabil Bayahya est diplômé de Sciences Po Paris. Il est actuellement Executive Partner en charge de la practice Consulting au sein d’un cabinet international d’Audit et de Conseil. Il intervient  régulièrement dans les colonnes du premier quotidien économique du Maroc, L'Economiste (www.leconomiste.com)   notamment sur des thématiques culturelles ou politiques 

 

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L’Afrique est souvent présentée en laissée pour compte de la mondialisation, comme si ce continent était incapable de s’insérer dans une dynamique planétaire. Pourtant, les grandes puissances s’y intéressent depuis longtemps, tant pour ses ressources que pour sa position stratégique. Plusieurs pays se voient donc aujourd’hui comme les moteurs d’une intégration africaine, et misant sur une stratégie régionale.

Cette dynamique conduit aujourd’hui le Maroc à se tourner vers le sud, avec pour ambition d’être la plaque tournante de la coopération interafricaine. C’est d'ailleurs ce constat qui a réuni fin janvier près de 200 participants, décideurs institutionnels et dirigeants d’entreprises, au Forum de Rabat consacré aux enjeux et aux perspectives de l’intégration africaine.

L’Afrique entre mondialisation, et fragmentation

L’Afrique est paradoxalement le continent qui a connu la mondialisation de façon aussi précoce qu’injuste, par le biais des empires coloniaux qui en ont fait le prolongement politique, économique, et stratégique de l’Europe des XIXe et XXe siècles. Cet héritage douloureux a non seulement marqué durablement la mémoire et les cultures africaines, mais il a également modelé à son image la géographie du continent.

C’est donc une série d’Etats centralisés, héritiers d’administrations coloniales organisées autour d’un point d’entrée reliant de vastes territoires à leurs métropoles respectives qui ont accédé à l’indépendance. Leur première difficulté fut alors de construire l’unité nationale à l’intérieur de frontières tracées à la règle et au compas, et dépourvues de cohérence entre les espaces, les peuples, et les ressources.

Cette instabilité originelle d’un continent façonné par des puissances extérieures rendait les conflits ethniques, religieux ou territoriaux aussi inévitables, qu’elle révélait très tôt la nécessité de politiques communes. Ce paradoxe aboutit à un enchevêtrement d’organisations aux compétences variées, aux pouvoirs limités, et à la crédibilité parfois mise en doute.

Une économie panafricaine

Toutes les tentatives d’intégration politique ont ainsi échoué, à l’image de l’Union Africaine qui reste paralysée par ses contradictions. Il en est tout autrement pour les communautés économiques régionales, qui sont aujourd’hui les piliers de l’intégration africaine, et que le traité d’Abuja de 1991 -instaurant la Communauté Economique Africaine- entend fusionner dans un marché commun à l’horizon 2028.

Les obstacles politiques à cette intégration économique restent cependant nombreux. Mais plus nombreuses encore restent les barrières physiques, administratives, ou culturelles, entre des pays dont les infrastructures ont été conçues à l’époque coloniale dans une direction exclusivement centrifuge. S’y ajoutent les difficultés de communication sur des territoires immenses et sous équipés, ainsi que le poids de la corruption qui paralyse les maigres services publics.

Mais malgré les obstacles, les atouts sont nombreux : la croissance se maintient à un niveau relativement élevé de 5 à 6 %, les ressources du sous-sol sont considérables, l’agriculture est sous-exploitée, et une population jeune présente de nombreux bassins d’emplois. Surtout, des Nations Unies à la Banque Mondiale, tous les experts s’accordent sur le développement des échanges interafricains comme la clé du développement.

Le Maroc comme porte d’entrée vers l’Afrique ?

Ces perspectives poussent aujourd’hui les industriels et les investisseurs marocains à nouer des partenariats sur le continent. Les industriels y trouvent un marché potentiel de plus d’un milliard d’habitants. Le secteur financier très développé favorise les investissements. Quant aux infrastructures très développées dans les transports et les communications, elles trouvent un prolongement naturel à l’échelle régionale.

Davantage qu’une recherche de nouveaux débouchés face à la crise européenne, les entrepreneurs marocains cherchent au contraire à développer une coopération triangulaire, entre l’Europe et l’Afrique, grâce à leur position stratégique à la croisée des espaces méditerranéen, atlantique, et subsaharien. Ils s’appuient non seulement sur la géographie, mais aussi sur les relations privilégiées qui unissent le Royaume à l’Union Européenne, aux Etats-Unis, ou encore aux pays du Golfe Persique.

L’intégration est ainsi présentée comme une réponse à la mondialisation, par l’organisation plus ou moins formelle de vastes espaces, qui transcendent la dimension étatique rendue trop étroite. Les Africains dans leur ensemble sont demandeurs de cette coopération, même si des craintes se sont exprimées quant à une nouvelle forme de colonisation. Le succès de la démarche marocaine repose cependant sur son caractère essentiellement privé. L’intégration africaine se fera ainsi par la société civile, ou ne se fera pas.

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