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Quand le gouvernement utilise des techniques de communication pour faire passer la réforme de l'école et notamment celle concernant l'histoire en invoquant "l’égalité sociale"
©Reuters

Bonnes feuilles

Le gouvernement a souhaité réaliser une "refondation de l'école" et une réforme du collège. Pour cela, il devait relire et revoir à sa manière l'enseignement de l'histoire et de l'éducation civique. Choisir ce que l'histoire veut garder de nos mémoires. En France, un tel choix ne peut que déchaîner les passions. Vincent Badré a voulu revenir sur la question de l'enseignement de l'histoire, en tenant compte des évolutions actuelles, des nouveaux programmes de 2016 et en élargissant le regard. Extrait de "L'Histoire politisée ? Réformes et conséquences", de Vincent Badré, aux éditions du Rocher 1/2

Vincent Badré

Vincent Badré

Vincent Badré, professeur d'histoire-géographie en banlieue parisienne est l'auteur de L'Histoire fabriquée? ce qu'on ne vous dit pas à l'école et L'histoire politisée ? Réformes et conséquences (Éditions du Rocher).

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«Mais non pas du tout !»: le gouvernement répond à l’accusation de supprimer la chronologie

Face à la fronde, le gouvernement a utilisé des tactiques habituelles en communication politique. Najat Vallaud-Belkacem utilise par exemple une vérité partielle pour prendre à contre-pied ses opposants quand elle déclare: «D’abord, et c’est prévu, il faut revenir à la chronologie pour permettre aux élèves d’acquérir des repères temporels solides.» Elle peut prétendre que ses opposants profèrent des «mensonges éhontés» en disant que les nouveaux programmes suppriment complètement la chronologie. En effet, les chapitres du nouveau programme sont rangés dans l’ordre chronologique.

Il faut voir aussi l’autre partie de la vérité, et la plus déterminante dans la réalité vécue des élèves: les repères de programmation prévus ne parlent que de thèmes à traiter. L’intérieur de ces thèmes est lui aussi thématique. On prévoyait de demander par exemple aux élèves de quatrième d’étudier «L’industrialisation: économie, société, culture au xixe siècle». Dans la version définitive du programme cela devient «L’Europe de la Révolution industrielle: nouvelle organisation de la production, nouveaux lieux de production, nouveaux moyens d’échanges.»

On peut alors comprendre que ceux qui constataient une telle différence entre le discours ministériel et la tendance dominante des programmes aient pu ressentir un certain agacement. D’autre part, l’histoire thématique est plus difficile à retenir pour de jeunes adolescents et pour des élèves en difficulté. La mettre en place assez systématiquement dès le collège n’est pas forcément la bonne solution. Surtout si les grands repères de base ne sont pas posés.

Se défendre au nom de l’égalité sociale

Najat Vallaud-Belkacem accuse donc «la droite» de Bruno Le Maire de vouloir «renoncer à l’ambition de mener chaque petit Français au Brevet». Le rappel d’une aspiration à l’égalité sociale peut être à la fois un mouvement sincère, un moyen de se marquer à gauche et de faire plaisir aux groupes favorables à la réforme du collège. L’influent think thank proche des socialistes Terra Nova disant par exemple qu’il fallait lutter contre les «filières cachées» associées aux langues anciennes. On les trouvait dans le syndicat CFDT de l’enseignement, le SGEN, chez les Parents d’élèves de l’enseignement public, où personne n’a sifflé la ministre quand elle est venue et chez les dirigeants des Associations de parents d’élèves de l’enseignement catholique, parfois contestés dans certains établissements.

Comment faire machine arrière sans en avoir l’air

Toutes ces bonnes paroles étaient aussi faites pour masquer un recul tactique. Les pions les plus avancés ont été sacrifiés pour faire passer l’essentiel de la réforme envisagée. Michel Lussault a eu beau inviter François Hollande et Najat Vallaud-Belkacem à «ne pas forcer le trait» sur le roman national, le groupe Aggiornamento a bien dû constater que le ministère et la présidence ont repris la main et imposé une commission composée d’autres experts pour modifier les programmes, au risque selon eux, que le «nom de France» devienne «une névrose» selon la formule de l’écrivain anticolonialiste radical Franz Fanon.

Réalité et variations des programmes

Comme très souvent, les groupes qui essayent de tirer le «mammouth» d’un côté ou de l’autre ont surtout expérimenté sa force d’inertie: trois pas en « avant», deux pas en « arrière» et recommencer. L’esclavage était évoqué depuis longtemps dans les cours sur le xviiie siècle, il est dans les titres de chapitres en 2008, y compris dans les «regards sur l’Afrique» du Moyen Âge, cette partie étant pratiquement abandonnée en 2016, à moins d’y faire une brève allusion en parlant du commerce méditerranéen de l’époque. Dans la pratique, les évolutions sont lentes et progressives, avec des avancées et des retours. Les civilisations, et en particulier la Chine et l’Inde étaient déjà au programme de 6e entre 1972 et 1985.

Il faut donc mesurer l’évolution réelle des programmes en cette rentrée 2016.

Continuité globale des sujets abordés

Pour le moment, presque rien de grave, pratiquement pas de changements. Le Moyen Âge était déjà étudié en 5e dans les programmes de 1902, 1945 et depuis 1972. L’étude commençant par la naissance de l’islam en 1977 et 1981 et depuis 2008. Ces répartitions proches de celles actuelles dépendent surtout du choix de faire parcourir deux fois l’ensemble des périodes historiques entre le collège et le lycée.

Les programmes sont donc globalement très stables, le partage du gâteau n’est pas toujours le même, mais les ingrédients sont similaires. On retrouve toujours dans les programmes français des guerres mondiales, des rois, des cathédrales et des révolutions en proportions variables, mais globalement constantes.

Cette stabilité s’explique en grande partie par la faible évolution des sujets considérés comme importants et aussi par la nécessité de ne pas avoir à demander trop de cours nouveaux en même temps à des professeurs. Les cours de 6e de mon enfance évoquaient déjà les dieux égyptiens. On les retrouve en classe de 6e en 2008 avec l’examen d’un monument des «Premiers États, premières écritures» de l’Orient ancien et en 2016 quand il faut étudier les «mythes polythéistes» en lien avec des cours de français qui demandent de comparer la Genèse dans la Bible avec d’autres récits de création.

Tous les débats furieux qui entourent chaque nouveau programme portent donc sur des accents, des tendances, des insistances plus ou moins fortes.

Extrait de "L'Histoire politisée ? Réformes et conséquences", de Vincent Badré, aux éditions du Rocher, septembre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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