Hillary Clinton - Donald Trump, le match des programmes économiques<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Hillary Clinton - Donald Trump, le match des programmes économiques
©REUTERS/Scott Audette (à g.)

Sur le ring

Le match des programmes économiques a eu lieu dans cette campagne américaine. Mais si les deux candidats comptent sur l'économie pour remporter la Maison Blanche, c'est bien une guerre politique de récupération des électeurs de son adversaire qui est menée aujourd'hui.

Michel Goussot

Michel Goussot

Professeur Agrégé de Géographie
Maître de Conférence à Sciences Po Paris. CERI. A écrit Espaces et territoires aux Etats-Unis (2004).

 

Voir la bio »

Atlantico : Les deux candidats à la présidence des Etats-Unis d'Amérique ont présentés tout deux leurs programmes économiques. Qu'est-ce que ces présentations disent d'eux, et comment ont-ils été entendus et compris ?

Michel GoussotHillary Clinton et Donald Trump ont présenté chacun un programme économique, qui pour la première reflète en gros la philosophie Démocrate alors que le deuxième a plutôt choisi de prendre le contre-pied de son adversaire et d’utiliser des slogans qui ne révèlent pas forcément la pensée du GOP ; l’une reste assez conforme aux idées de son parti, l’autre s’en démarque en critiquant à la fois ce qui a été fait au cours des deux mandats de Barack Obama et les propositions de la candidate Démocrate. Jeudi 11 août, elle a déclaré qu’elle « voulait que notre économie marche pour tout le monde, pas seulement pour l’élite ». En fait, à la différence de Trump, Hillary Clinton a suivi une démarche cohérente, exprimée dès l’été 2015 bien avant le début des primaires, envisageant depuis différentes propositions sur les impôts, la création de nouveaux emplois et la question des plus hauts revenus ; par rapport au candidat des Républicains, le programme de Hillary Clinton est beaucoup plus détaillé que celui de Trump qui reste au niveau d’annonces et d’effets de manche, comme s’il attendait la campagne nationale comme l’affirme son équipe de campagne que ce soit sur l’économie ou d’autres sujets. La différence entre les deux visions de l’économie tient certainement aux priorités définies par Hillary Clinton à propos de la création d’emplois grâce à des investissements publics conséquents dans les routes, les ponts, la rénovation des écoles, le logement, les systèmes d’approvisionnement en eau potable, le réseau électrique ou encore les énergies renouvelables et l’amélioration des réseaux Internet. Certes, Donald Trump a également évoqué la nécessité de repenser totalement les infrastructures de la nation, mais Trump se démarque nettement en souhaitant d’énormes réductions d’impôts au profit des entreprises ce qui vient en contre-pied de tout investissement public. Hillary Clinton a chiffré son programme, initialement évalué par elle à 275 milliards de dollars sur 5 ans et contrairement à Trump elle propose d’augmenter les impôts pour les hauts revenus, incluant la « Buffet Rule » correspondant à un impôt d’au moins 30% pour les Américains gagnant plus de 1 million de dollars par an. Quant à la proposition de Trump de supprimer la taxe immobilière, Hillary Clinton a montré que cela n’aiderait en rien une majorité d’Américains et même priverait le Trésor de centaines de milliards de revenus.
L’autre priorité de Hillary Clinton est de créer un système économique plus égalitaire (« fairness ») –conformément à la philosophie des Démocrates de longue date – en transformant durablement la politique fiscale. À cette fin, Hillary Clinton veut lutter contre les profits engrangés par les grandes entreprises Américaines face à une chute des revenus et elle se prononce pour un nouveau plan fiscal pour les entreprises. Donald Trump a dit très peu de choses sur les inégalités et en fait n’a rien proposé. Pour aider les travailleurs à bas revenus, Hillary Clinton souhaite augmenter le salaire minimum à 12 dollars/heure trandis que Donald Trump se limite à 10 dollars/heure, une position qu’il n’a avancée que très récemment, ajoutant même que pour lui « on paie déjà trop » ! Quant aux jeunes et aux travailleurs qui souhaitent davantage de qualifications, Hillary Clinton souhaite subventionner le coût de la scolarité au Collge et permettre un refinancement des remboursements des prêts-étudiants, tout en proposant un nouveau plan de formation professionnelle. Donald Trump n’a à aucun moment envisagé de telles propositions étant donné qu’il mise avant tout sur des baisses d’impôts.

L’autre différence entre les deux candidats porte sur la proposition de Hillary Clinton de mettre en place des crédits d’impôts pour élever les enfants et de subventionner les soins des enfants en plafonnant ceux-ci à 10% des revenus de la famille, garantissant que ces avantages iraient avant tout aux familles à bas revenus. Donald Trump propose que les soins des enfants soient déductibles des impôts, ce qui signifie que cela favoriserait en priorité les familles aux hauts revenus, ne proposant strictement rien pour les familles à bas revenus.

Mais, il semble qu’une autre différence majeure est apparue ces derniers jours à propos de l’importance économique de la réforme de l’immigration : au lieu de stigmatiser les migrants sans papiers, Hillary Clinton reconnaît officiellement leur part dans l’économie Américaine parce qu’ils paient des impôts et elle se prononce fermement pour mettre fin à l’exploitation de cette catégorie de migrants qui ont les salaires les plus bas et aucune perspective d’ascension sociale. De même, à propos du commerce international, elle dénonce tout amalgame sur le coût du travail des employés Américains, affirmant même que « se retirer du monde ne servirait qu’à détruire des millions d’emplois aux États-Unis ».

Pourtant, certaines incohérences ont pu être notées ici et là à propos du programme de Hillary Clinton comme par exemple sur la réforme des impôts des sociétés quand elle propose des pénalités pour empêcher les grandes entreprises de délocaliser à l’étranger, mais il faut attendre la campagne nationale pour plus de précisions.

Au total, le programme de Hillary Clinton a le mérite d’être clair et cohérent, chiffré, conforme à un certain réalisme politique alors que celui de Donald Trump reste très vague et peu détaillé. 

La situation actuelle de Trump fait que Hillary Clinton tente de récupérer les votes des républicains déçus par leur candidat. Comment s'y prend elle ? Est-ce efficace ?

Michel Goussot : Depuis la fin de la Convention Républicaine et même à la veille de celle-ci, des leaders Républicains ou des personnalités liées au GOP ont très officiellement affirmé qu’ils voteront le 8 novembre prochain pour le camp Démocrate, du jamais vu aux États-Unis. C’est le cas de Brent Scowcroft, ancien conseiller de George H. Bush, Richard Armitage, ancien Secrétaire d’État de George W. Bush, ou encore de Hank Paulson, ancien Secrétaire d’État au Trésor de George W. Bush ; des élus Républicains du Congrès se sont joints à ces leaders dans le même sens. Du jamais vu également lorsque Michael Bloomberg ancien Républicain a pris la parole lors de la Convention Démocrate. La méthode de l’équipe de campagne de la candidate Démocrate est à présent de surfer sur les discours ambigus, voire haineux, du candidat Républicain et de miser sur une opinion publique Américaine très choquée par nombre de déclarations récentes de Donald Trump. Certes, par définition, l’opinion publique Américaine relayée par la presse très puissante est versatile, mais force est de constater qu’à chaque nouveau discours de Donald Trump, Hillary Clinton engrange des bénéfices comme si le candidat Républicain « se tirait une balle dans le pied » à chaque fois qu’il s’exprime. Aux États-Unis, les électeurs apprécient que le candidat de leur choix dispose d’une plate-forme politique conforme à la philosophie du parti, ce qui est le cas pour Hillary Clinton, et certainement pas pour Donald Trump. Autre point important : le soutien de Bernie Sanders qui n’avait pourtant pas ménagé ses critiques envers Hillary Clinton durant les primaires et même au début de la Convention Démocrate, un soutien qui renforce à l’évidence la position de Hillary Clinton, notamment à propos de ses discours en faveur de plus d’égalités ou encore la gratuité de la scolarité au College. Disons que Hillary Clinton sait –avec une certain opportunisme – jouer de cette corde sensible chère aux électeurs des Démocrates. Enfin, Hillary Clinton a très intelligemment su –dans son discours d’investiture à la Convention de Philadelphie – se présenter comme la candidate des « Démocrates, des Républicains et des Indépendants » ; on ne peut être plus clair et efficace. 

Les bourdes à répétition de Donald Trump ont-elles déclenché une réaction interne dans le GOP pour éviter la chute dans les sondages ? Quelle est leur stratégie aujourd'hui ? Comment comptent-t-ils contenir leur intenable candidat ?

Michel Goussot : Le parti Républicain qui en 2012, comme en 2008 et auparavant avait toujours su accompagner son candidat nominé lors de la Convention d’une plate-forme digne de ce nom, se présente aujourd’hui comme un parti « qui ne sait plus où aller » tant les discours de son candidat nominé sont surprenants, anti-système et peu conformes à la philosophie Républicaine ; dans le même temps, le parti Démocrate, accompagne sa candidate nominée d’une véritable plate-forme qu’elle sait porter devant l’opinion publique Américaine ; cela explique clairement que Donald Trump n’a peut-être plus –et c’est paradoxal – le soutien du parti qui l’a choisi, du jamais vu aux États-Unis ! De plus, le soutien inconditionnel du président sortant Barack Obama est un gage de poids pour Hillary Clinton. En fait, le parti Républicain est aujourd’hui victime des innombrables polémiques sans fin que son candidat a suscitées depuis des mois et encore plus récemment. Reste une question-clé : comment le GOP peut-il « gérer » Donald Trump d’ici la campagne nationale ? S’achemine-t-on vers une nouvelle étape à l’automne avec un candidat Républicain assagi et devenu plus conforme aux attentes du parti ? À l’heure actuelle, c’est bien Hillary Clinton et le parti Démocrate qui semblent mener la course en tête. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !