Laïcité ou pas, les religions pèsent encore sur la politique française <!-- --> | Atlantico.fr
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Nous ne sommes plus à l’époque à laquelle les curés et les pasteurs donnaient des consignes de vote.
Nous ne sommes plus à l’époque à laquelle les curés et les pasteurs donnaient des consignes de vote.
©Reuters

Alléluia

Aux Etats-Unis, un prêtre catholique vient d'appeler à voter contre Obama. La religion semble parfaitement intégrée dans le prisme politique. Pourtant, chez nous aussi, les convictions spirituelles influent sur les orientations politiques. Tour d'horizon des habitudes des croyants dans ces deux pays.

Claude Dargent

Claude Dargent

Claude Dargent est docteur en science politique, sociologue, chargé de cours à l'Institut d'Études Politiques de Paris et chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF/FNSP).

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Atlantico : Dimanche dernier aux Etats-Unis, les évêques catholiques ont fait lire dans toutes les Eglises du pays des lettres condamnant la décision de l'administration Obama d'imposer aux établissements religieux de proposer une couverture sociale incluant le remboursement de la contraception et de l'avortement à leurs employés. Cela pourrait-il nuire à la réélection de Barack Obama, quel est le poids des confessions religieuses dans l’électorat américain ?

Claude Dargent : Les enquêtes attestent toutes de la forte influence de ce que l’on appelle la dénomination aux Etats-Unis, c’est-à-dire la confession religieuse, sur le vote. C’est un phénomène qui a été établi très tôt et qui demeure aujourd’hui, même si le champ religieux s’est diversifié.

Nous ne sommes plus à l’époque à laquelle les curés et les pasteurs donnaient des consignes de vote. Aujourd’hui, cela chemine par d’autres voies comme des systèmes de valeurs partagés au sein de communautés au sein desquelles la socialisation se fait par des courants religieux et politiques.

Aux Etats-Unis, les catholiques sont historiquement démocrates alors que le protestantisme majoritaire est plutôt républicain. C’était en tous cas la situation initiale qui a été dressée dans l’après-guerre. Si cette vision demeure, la montée des évangéliques a redistribué une partie des cartes. Les équilibres sont modifiés. Les juifs continuent eux d’être proches du parti démocrate et à plutôt voté en ce sens.

Pour autant, une telle lettre, même aux Etats-Unis, reste un phénomène marginal.

La situation est-elle la même en France ?

L’Eglise a renoncé en France à donner des consignes explicites ou implicites de vote depuis la IIIème République. Quand bien même elle en donnerait, faudrait-il encore qu’elles soient suivies. Cela ne fonctionne pas du tout comme cela. Malgré tout, on constate en France que les catholiques sont nettement plus à droite que les autres religions qui restent plus orientées à gauche. Les enquêtes mesurent parfaitement ces réalités.

La grande différence dans ce domaine, entre la France et les Etats-Unis, c’est que ces derniers sont un pays de pluralisme religieux. Chez nous, au contraire, nous avons longtemps eu un fort monopole de la part des catholiques et des sans religions. Les autres confessions religieuses sont en réalité des minorités, voire des micro-minorités. Les protestants ne représentent pas plus de 2% de la population et les juifs sont moins de 1% aujourd’hui.

La nouveauté, en France, c’est l’émergence de l’Islam. Dans les enquêtes, cette religion dépasse à présent les 5%.

De quelle manière les candidats prennent-ils en compte les réalités de ce panorama religieux de l’électorat ?

Ils prennent en compte, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, la représentation institutionnelle des différents cultes, en effectuant des visites régulières auprès des différentes confessions, par exemple. Il ne faut pas oublier que le ministre de l’Intérieur est aussi ministre des cultes.

Sur un autre plan, les choix de politique publique prennent en compte les enjeux qui peuvent paraître centraux à telle ou telle confession. En France, par exemple, si l’on parle de mariage homosexuel, on sait que c’est sensible pour différentes religions.

Aux Etats-Unis, l’histoire des relations entre l’Etat et les Eglises est différente. Le passé de tensions n’existe pas. Là-bas, il est parfaitement normal de se dire croyant, de prier, de revendiquer sa croyance en Dieu et de le dire, même quand on est président. Surtout quand on est président d’ailleurs. En France, le principe de laïcité rend les choses plus indirectes, sans les faire disparaître pour autant.

Les convictions religieuses des populations peuvent-elles encore influer sur des décisions politiques ?

Bien sûr. L’usage très large qui est fait des sondages par les pouvoirs publics en France implique qu’au plus haut niveau de l’Etat, on se pose ces questions. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait illégitime. Il n’est pas anormal de se demander, lorsqu’il faut prendre une décision en matière de politique publique, si elle sera populaire ou impopulaire. La subordonner à ces questions, c’est beaucoup dire, mais s'interroger sur la réception d’une décision par une partie de la population est parfaitement normal.

Les questions qui impliquent les communautés religieuses n’impliquent en général pas uniquement les notions de religion. Que ce soit le mariage homosexuel, le voile ou l’avortement, ce sont des sujets de société qui vont chercher au-delà de la spiritualité confessionnelle.

Ces questions sont récurrentes. Elles ont toujours existé en matière de politique publique. Aujourd’hui, les questions de bioéthique, de voile et de mariage homosexuel sont regardées sous l’aspect religieux là où, auparavant, c’était la légalisation de l’avortement et de la pilule et, si l’on remonte encore plus loin, la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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