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Sondage exclusif : et la personnalité perçue comme la plus capable d'assurer l'équilibre entre lutte contre le terrorisme et maintien de l'Etat de droit est... (pas celle qui s'y voyait)
©CGPME

Sélection brutale

Selon un sondage Ifop pour Atlantico, parmi la myriade de candidats putatifs à l'élection présidentielle, seuls trois apparaissent aux yeux des Français comme capables de concilier la lutte contre le terrorisme et le respect de l'Etat de droit.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Dans quel contexte ce sondage a-t-il été réalisé ?

Jérôme Fourquet : Ce sondage s'inscrit dans un contexte très marqué par la menace terroriste. Comme le montre un récent sondage réalisé pour Atlantico, la menace terroriste devient non seulement omniprésente mais elle apparait également comme la principale préoccupation, et de loin, des Français.

A lire également sur notre site : "Nus face au terrorisme : comment l’Europe pourrait se réarmer moralement et idéologiquement : la réponse de Pierre Manent"

Dans ce cadre-là, il est intéressant de voir, pour aller dans le sens d'une polémique qui est montée en puissance récemment, entre nécessité d'adapter l'arsenal juridique à la menace et volonté de maintenir intact l'Etat de droit tel que nous le connaissons aujourd'hui, quelles sont les personnalités politiques qui apparaissent comme les plus à même de concilier ces deux impératifs.

Quel est le principal enseignement de ce sondage ?

Tout se passe comme si cette nouvelle problématique (la question du terrorisme et la question de l'arbitrage entre efficacité dans la lutte et garantie de l'Etat de droit) agissait comme un tamis, un filtre extrêmement puissant sur l'offre politique : d'une part, des personnalités qui apparaissent comme crédibles et au profil adapté à ce nouvel environnement (et elles sont très peu nombreuses) et d'autre part, des personnalités ayant un profil ne répondant pas à ces préoccupations, à ces exigences. De ce point de vue-là, les chiffres sont très éloquents.

Si on considère le critère "première citation", trois personnalités se distinguent : Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. François Hollande est un peu derrière. Tous les autres candidats ou personnalités politiques, de droite comme de gauche, apparaissent comme nettement distancés.

Le climat du pays est en train de changer : comme l'a montré un précédent sondage Ifop-Atlantico, une majorité de Français pensent que le pays est en guerre, 3/4 des Français sont favorables à l'internement des fichés S et 2/3 des Français pensent que la menace terroriste est très élevée. Ce climat s'est encore matérialisé vendredi dernier par la décision de Martine Aubry, la Maire de Lille, d'annuler la grande braderie. La préoccupation sécuritaire prend donc le pas sur tout le reste : politiquement et électoralement, cela se traduit par le fait que parmi la myriade de candidats putatifs à la présidentielle, seuls quelques-uns apparaissent crédibles aux yeux des Français. Ainsi, il y une redistribution des cartes et une sélection brutale qui s'opèrent à l'aune de cette nouvelle période.

Deuxièmement, non seulement un tri s'est opéré mais ce trie favorise clairement les candidats de droite et d'extrême droite. Le fait que Marine Le Pen soit cité en premier s'explique de deux façons : l'antériorité de son positionnement sur le sujet et l'absence de concurrents dans son camp. En effet, elle est la seule à avoir été testée dans le sondage, ce qui explique que tout l'électorat frontiste se soit mécaniquement reporté sur elle alors que pour le PS et les républicains, le choix était multiple.

En ce qui concerne la droite, en dépit d'une pluralité de candidats testés (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire), deux candidats sont quand même dans le tiercé de tête (Alain Juppé et Nicolas Sarkozy). 

Que nous apprennent les résultats de ce sondage en fonction de la proximité politique des personnes interrogées ?

Dans la mesure où l'électorat frontiste est rassemblé derrière Marine Le Pen, il n'y a pas vraiment besoin d'aller plus loin dans l'analyse. En revanche, il me semble intéressant d'analyser deux électorats spécifiques : l'électorat républicain et l'électorat socialiste.

Dans l'électorat républicain, si on regarde la réponse première citation, on constate un écart extrêmement marqué en faveur de Sarkozy (49% pour Sarkozy contre 24% pour Juppé). On peut penser que cet été terroriste a redistribué en partie les cartes à droite et grandement favorisé Nicolas Sarkozy au détriment de Juppé. On pourrait objecter que d'autres sondages avaient déjà montré que sur ces sujets-là, il était plus crédible que Juppé, ce qui était vrai. Mais ce qui est nouveau, c'est que ce sujet est aujourd'hui la principale et quasiment unique préoccupation des Français. Cet écart important sur un sujet prioritaire montre qu'une dynamique peut s'enclencher en faveur de Sarkozy.

On voit qu'au sein de l'électorat républicain, quasiment 1 électeur sur 2 est pour Sarkozy, 24% pour Juppé, 8% pour Marine Le Pen (ce qui montre qu'une frange de l'électorat républicain se radicalise). Ainsi, Fillon et Le Maire se partagent les "miettes" : ils sont hors-jeu et hors des écrans radar de l'électorat de droite.

Au sein de l'électorat socialiste, on constate l'effet majeur de cette nouvelle période où la préoccupation terroriste devient obsessionnelle dans la tête des Français : la gauche n'est pas sur son terrain de prédilection. Circonstance aggravante, le parti socialiste au pouvoir est incarné par François Hollande dont la crédibilité apparait affaiblie sur le sujet parce qu'il y a eu 3 attentats majeurs mais aussi parce que la société française a le sentiment qu'Hollande n'a pas forcément la bonne stratégie ni la bonne grille de lecture (cf le contre-pied du 14 juillet où à quelques heures d'intervalle, il y a eu un revirement complet du discours). Sur l'ensemble des Français, François Hollande n'arrive qu'en 4e position alors qu'il est président en exercice, il n'y a donc pas de réflexe légitimiste. Les réponses des sympathisants socialistes nous permettent de comprendre ce phénomène. En effet, seul un gros tiers des sympathisants socialistes fait confiance à Hollande pour tenir les deux bouts (garantir l'état de droit et lutter efficacement contre le terrorisme). Dans son propre électorat, il n'y a qu'un tiers qui opte pour le président en exercice alors que ce dernier se veut le père de la nation, le commandant en chef mais aussi le garant de l'état de droit (cf ses déclarations récentes). Cela est extrêmement préoccupant.

Sarkozy, concurrencé par d'autres comme Hollande l'est, séduit quasiment un électeur sur deux dans son camp, Hollande, lui, ne fait que 36%, ce qui est très faible.

Autre signe alarmant mais intéressant : 18% des électeurs PS (soit un rapport de 1 à 2 par rapport à ceux qui choisissent Hollande) se positionneraient sur Alain Juppé. Non seulement Hollande ne convainc plus son propre électorat sur ce sujet central (central car première préoccupation des Français mais aussi parce que Hollande s'est positionné dessus et a dit qu'il lutterait efficacement tout en respectant les principes d'état de droit) mais il n'y a pas de leader de rechange identifié à gauche aujourd'hui. En effet, ce ne sont pas Valls, Macron ou Montebourg qui arrivent en deuxième position mais Juppé. Une partie de l'électorat socialiste a fait son deuil de Hollande sur ce sujet et préfère s'en remettre à Alain Juppé, candidat du camp adverse.

Par ailleurs, si Nicolas Sarkozy conforte sa position dans l'électorat de droite et distance assez nettement Juppé sur ce créneau-là, Juppé pourrait éventuellement bénéficier du soutien d'un électorat autre qui viendrait en partie de la gauche, parce que cet électorat se déclarerait orphelin. Juppé peut paradoxalement bénéficier d'un soutien extérieur, encore faut-il que ces électeurs socialistes orphelins soient suffisamment motivés pour aller voter dans le cadre d'une primaire organisée par la droite, ce qui est loin d'être évident.

En résumé : on voit tous les jours des signes selon lesquels la menace terroriste s'installe dans les esprits et modifie par petites touches notre paysage (arrestation d'un réfugié afghan à Paris vendredi dernier, annulation de la braderie de Lille, François Bayrou qui annonce qu'il va armer la police municipale de Pau). Ce sondage nous permet de voir les premiers effets politiques de ce changement de climat : prime à Sarkozy dans l'électorat de droite, Marine Le Pen qui profiterait éventuellement d'une radicalisation d'une petite frange de l'électorat de droite, profond désarroi à gauche, logique de sélection tout à fait manichéenne où ne surnageraient que 3-4 figures, toutes les autres étant reléguées très loin derrière face à une menace qui exige du point de vue de l'opinion des qualités très peu répandues au sein du monde politique.

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