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Nus face au terrorisme : comment l’Europe pourrait se réarmer moralement et idéologiquement : la réponse de Philippe d'Iribarne
©Reuters

SERIE

Atlantico a demandé à plusieurs personnalités quelles étaient les raisons du désarmement idéologique européen actuel. Ils nous ont expliqué le lien entre le pacifisme originel de l'après-guerre et le sentiment d'impuissance actuel. Sixième numéro de cette série avec Philippe d'Iribarne.

Philippe d'Iribarne

Philippe d'Iribarne

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d'Iribarne est l'auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Il a notamment écrit Islamophobie, intoxication idéologique (2019, Albin Michel) et Le grand déclassement (2022, Albin Michel).

D'autres ouvrages publiés : La logique de l'honneur et L'étrangeté française sont devenus des classiques. Philippe d'Iribarne a publié avec Bernard Bourdin La nation : Une ressource d'avenir chez Artège éditions (2022).

 

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Atlantico : Avec l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray qui a vu deux islamistes mettre à mort un prêtre, et la multiplication des attaques en Europe, n'est-il pas plus tentant de considérer notre époque comme celle d'un conflit de civilisation ?

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Philippe d'IribarneDeux grandes interprétations de la série d’actes terroristes qui a débuté avec les attentats perpétrés par Mohamed Merah coexistent. Pour l’une d’elles on a affaire à une opposition, transversale par rapport à la diversité des civilisations, entre deux visions politiques : d’un côté, l’idéal d’une société ouverte, tolérante, acquise aux idéaux démocratiques ; de l’autre, l’attachement à une société fermée, repliée sur elle-même, volontiers xénophobe. Dans cette interprétation, un camp du progrès où on trouve aussi bien les démocrates européens que les artisans du printemps arabe s’oppose à un camp de la réaction où on trouve aussi bien le Front national et les divers partis populistes européens que les tueurs de Daech. Dans une autre interprétation, on a affaire à un affrontement entre civilisations entre d’un côté le monde occidental, riche d’un héritage grec, romain et judéo-chrétien qui a inspiré les Lumières, et de l’autre un monde musulman qui n’a pas oublié que le Prophète entendait soumettre le monde à l’emprise de l’islam. Dans cette interprétation, les défenseurs de l’Occident, tous bords politiques confondus, s’opposent à ses adversaires musulmans. La réalité paraît beaucoup plus complexe que ces deux images d’Epinal. D’un côté, toutes les cultures ne sont pas, et de loin, inégalement propices à l’éclosion de sociétés démocratiques. Ainsi, la fascination de l’islam pour l’unité d’une communauté est difficilement compatible avec la liberté de pensée. De l’autre, bien des musulmans qui vivent en Occident, et même dans certains pays musulmans comme la Tunisie, ont part à la civilisation occidentale et sont prêts à la défendre. On a en fait un mélange étrange de guerre entre conceptions politiques et de guerre entre civilisations.  

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Pourquoi est-ce que l'Europe échoue aujourd'hui à garantir la paix qu'elle s'était jurée de faire advenir en 1945 ?

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La fin de la Seconde Guerre mondiale a été marquée par l’émergence d’un projet grandiose : l’avènement d’un monde pacifié sous la bannière conjointe de l’économie de marché et des droits de l’homme, associée à l’émergence d’une amorce de gouvernement mondial représenté par l’ONU et les grandes institutions internationales. Dans ce projet, les "identités meurtrières" associées aux nations, aux religions, aux cultures, devaient s’effacer devant le sentiment d’appartenance à une commune humanité. Le dialogue et les échanges commerciaux, facteurs de prospérité économique en même temps que de lien entre les peuples, devaient remplacer la guerre. Ce projet hérite d’une longue histoire européenne marquée par l’épreuve des guerres de religion et la volonté d’en sortir grâce à la constitution d’entités politiques dont l’unité transcenderait la diversité de leurs membres. On ne s’est pas préoccupé de savoir quel sens un tel projet pouvait prendre pour des non-Européens. Beaucoup d’entre eux y ont vu un simple avatar de l’impérialisme occidental visant à les empêcher de s’affirmer à leur tour en prenant leur revanche par rapport à une période de domination de l’Occident, revanche qu’ils étaient bien décidés à prendre. Nous en sommes là.

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Que faut-il faire aujourd'hui pour refonder une identité commune viable et protectrice en Europe ?

La passion qui a entouré en France la tentative de Nicolas Sarkozy d’ouvrir une réflexion sur l’identité française a montré combien le sujet est épineux. On retrouve l’opposition entre l’attachement à une identité politique (les droits de l’homme, l’héritage de la Révolution française) qui rassemblerait au-delà de la diversité des cultures et une identité liée à une civilisation ancrée dans une longue histoire. Cette opposition a été manifeste entre partisans et adversaires de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Elle anime la confrontation entre les pays de l’ancienne Europe de l’Est et les pays d’Europe occidentale à propos de l’accueil des réfugiés musulmans. Sans doute, bien saisir en quoi l’identité républicaine est en fait difficilement séparable de l’héritage d’une civilisation permettrait de s’ancrer dans une identité simultanément attachée à ces deux sources.

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