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La France fracturée : l'Ile-de-France, les Midi-Pyrénées, et la Corse sont sortis de la crise. La Normandie, le Nord et la Franche-Comté sont encore sinistrés
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Atlantico Business

Depuis le début de la crise en 2008, l'ensemble de la France a été touché de plein fouet, presque plus que beaucoup de pays européens. Ceci dit, certaines régions françaises ne s'en sont pas remises. Elles meurent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En Grande Bretagne le vote pour le Brexit a révélé une fracture territoriale entre les régions riches et les régions les plus pauvres. L'Angleterre profonde, agricole a voté comme le pays de Galles ou comme l'Irlande pour le Brexit parce que ce sont les régions qui ont le plus souffert de la crise.

En France aussi, il existe une fracture territoriale entre la France qui s'en est sortie et la France qui continue de s'enfoncer dans les difficultés.

Le bureau d'études et d'analyse de marchés, Xerfi, vient de lister les régions qui ont retrouvé de la croissance et de l'activité et celles qui ne se redressent pas.

La fracture est très marquée. Les régions qui ont retrouvé un dynamisme équivalent à celui qu'elles avaient avant 2008 sont la Corse, le Languedoc-Roussillon, Midi Pyrénées et l'Ile de France. Ces régions ont des modèles économiques très particuliers.

L'Ile de France abrite les centres de pouvoir des grandes entreprises internationales, et les activités de services (banques assurances, conseil, média). Ces grandes entreprises n'ont pas trop souffert puisqu'elles sont internationales. L'Ile de France abrite aussi le cœur du système éducatif, les grandes écoles, et les centres de recherche. Quant au Midi-Pyrénées, il y a des pôles industriels importants (Toulouse), il y a aussi la concurrence espagnole qui a obligé le tissu local à affronter ces conditions pour ne pas sombrer. Le Midi-Pyrénées est sans doute la région en France où le tissu industriel a le mieux amélioré son offre comme disent les économistes. Cette région a été envahie par les entreprises de bâtiment espagnoles en 2009-2010. Elles gagnaient tous les appels d'offre, mais depuis un an, les entreprises françaises qui se sont réveillées les ont dépassées et proposent une offre originale avec des prix grosso-modo équivalents.

La Corse est restée la Corse, avec son économie de la consommation, ses revenus de transfert et son tourisme. Rien n'a bougé.

Toutes ces régions possèdent aussi un socle d'industrie touristique qui ne s'est pas fissuré compte tenu de la qualité des prestations, mais aussi parce que beaucoup de concurrents se sont effondrés. Le Maroc, la Grèce, l'Espagne, l'Egypte, la Jordanie, la Turquie.

Toutes ces régions ont retrouvé un niveau d'emploi supérieur à ce qu'il était avant la crise de 2008. Le chômage est lourd mais il ne dépasse pas les 5-7%.

Du côté des régions françaises en grande difficulté, on ne voit toujours pas quel pourrait être le modèle pour gérer le redressement de ces régions qui ont perdu leurs ressorts industriels. Elles s'enfoncent dans la récession avec un taux de chômage entre 15 et 20%.

Ces régions qui semblent condamnées à une mort lente sont très connues : La Franche Comté, avec le territoire de Belfort ou de Montbéliard. Le Grand-Est, la Bourgogne, la Basse Normandie, le Centre-Val de Loire et le Nord-Pas-de-Calais (les hauts de France).

Toutes ces régions étaient autrefois des régions très industrialisées, dans le textile, la mécanique, le petit électroménager, et la sous-traitance automobile.

Ces régions ont été dévitalisées par les délocalisations qui se sont accélérées en 10 ans.

Alors que les emplois marchands (non fonctionnaires) dans l'industrie, ne représentent plus que 14% de l'emploi total en France, dans ces régions, l'emploi industriel représente encore jusqu'à 17 % du total. Comme l'industrie est le secteur le plus touché par la concurrence internationale, ces régions ont dépéri faute d'avoir proposé des modèles alternatifs.

Ce qui est paradoxal, c'est que ces régions où sont les nouveaux pauvres, sont traversées par les routes de vacances.

Ce qui est désespérant c'est que l'appauvrissement de ces régions aurait dû alerter depuis longtemps les élus locaux.

Ce qui est décourageant c'est que tous ces élus locaux, maires de villes moyennes, présidents de conseils généraux n'ont pas su inventer des modèles de développement qui auraient permis d'organiser des politiques de redressement.

Dans ces régions, la plupart des villes moyennes, disons 30 000 habitants maxi, ont vidé leur centre-ville pour construire des centres commerciaux (quelle erreur !!!) au point où beaucoup de régions sont suréquipées au regard du pouvoir d'achat. Le résultat est que les périphéries ont construit des logements neufs aides, mais ces logements sont souvent vides et le prix de l'immobilier s'est effondré.

Le deuxième dossier sur lequel les élus locaux ont été particulièrement nuls, c'est le dossier du développement économique. Ils ne se sont jamais comportés en chef d'entreprise qui aurait essayé de trouver une offre compétitive. Plus grave, la plupart ont essayé de courtiser l'Etat central, pour obtenir de Paris des centres d'activité. Des hôpitaux, des grands travaux, des autoroutes ou des lignes TGV, sans parler des prisons. Bref de l'argent public, toujours de l'argent public. En dix ans, les villes moyennes qui respirent encore sont devenues des immenses parkings à fonctionnaires qui en plus n'aiment guère leur cadre de vie. Quelle ambiance !

Caresser les emplois publics ça donne du chiffre d'affaire donc c'est bon pour le commerce qu'on a dopé à la périphérie, mais c'est très néfaste pour les entreprises privées.

Pourquoi venir dans des régions où les standards de salaires sont collés principalement à la grille des fonctionnaires. La rémunération des fonctionnaires tire les salaires vers le haut. Les chefs d'entreprise sont formels, ne jamais s'installer dans des lieux où il y a une majorité de fonctionnaires. Par ailleurs on sait très bien qu'un euro investi dans la fonction publique est dépensé en consommation et à 60% des produits fabriqués ailleurs c'est-à-dire en Chine.

La crise a accéléré la paupérisation des régions qui sont aujourd'hui sinistrées pour cause de délocalisations. Mais cette paupérisation de régions entières a commencé bien avant la crise. La crise a bon dos, mais n'explique pas tout. Ce qui explique la ruine de régions entières dans l'Ouest de la France par exemple, c'est la stupidité, le cynisme, et la bêtise des élus locaux.

Bref, les élus de droite et de gauche sont gravement responsables de ne pas avoir su initier des modèles économiques capables de générer de l'activité et de créer des emplois…

Les seuls modèles qu'ils ont pour la plupart, développés, n'ont jamais attiré un investisseur créateur d'emplois. Ils n'ont servi à rien qu'à permettre aux élus en place de préserver leurs jobs.

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