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"Ce que je pense, c'est que les choix que j'ai faits pour l'économie française étaient les bons" : l'affirmation de François Hollande passée au crible de la réalité
©Reuters

Pas crédible

Lors de son intervention de ce 14 juillet, François Hollande est revenu sur ses choix économiques, et malgré les faibles résultats obtenus, le chef de l’Etat est resté droit dans ses bottes en affirmant "Ce que je pense, c'est que les choix que j'ai faits étaient les bons". Un point de vue bien éloigné de toute réalité économique.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Lors de son intervention de ce 14 juillet, François Hollande a pu revenir sur les choix économiques de son quinquennat en déclarant "Ce que je pense c'est que les choix que j'ai faits étaient les bons. Ce que je pense, c'est que la stratégie que j'ai donnée au pays, améliorer la situation des entreprises, ne rien faire qui puisse altérer le modèle social, ne pas prendre sur les droits des salariés tout en permettant aux entreprises d'investir, oui c'était le bon cap, et je pense qu'il faut le suivre". Au regard des résultats obtenus par le chef de l’Etat sur le terrain économique, faut-il en comprendre que la France n’aurait pas pu mieux faire depuis 2012 ?

Nicolas Goetzmann : Les mois et les années passent et le fait est qu’il est devenu évident qu’il faut cesser de considérer François Hollande comme un émetteur crédible. Cela est pénible à indiquer, par pur respect des institutions, mais il faut aussi pouvoir acter cette réalité. Le pire ici est qu’en indiquant "les choix étaient les bons", François Hollande suggère aux Français que  la faiblesse des résultats obtenus serait en réalité ce que la France pouvait espérer de mieux.

Selon François Hollande, le bon cap était d’améliorer la situation des entreprises, c’est-à-dire de permettre un retour de la croissance par la compétitivité. Il est d’ailleurs probable que le chef de l’Etat soit convaincu des résultats de son action. Ce qui est un peu pathétique puisque le retour de la croissance en zone euro, dont la France bénéficie depuis 18 mois, n’est rien d’autre que le produit de l’action menée par la Banque centrale européenne. Ce qui est confirmé par le fait que l’ensemble de la zone euro bénéficie de cette nouvelle tendance, à laquelle la France participe. A moins de penser que les réformes de François Hollande seraient d’une ampleur telle qu’elles entraineraient l’ensemble de la zone euro dans leur sillage. Chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais il existe quand même quelques faits. Désormais, le consensus des économistes permet de dresser un diagnostic de cette crise qui frappe le continent européen depuis 2008 ; il s’agit d’une crise de la demande. C’est ce qu’indique le FMI ou l’OCDE, et même la Banque centrale européenne s’y est mise au début de ce mois de juillet. Or, la politique menée par François Hollande, celle de la compétitivité repose sur un diagnostic inverse, et n’a aucun autre objectif que de faire baisser les salaires afin de rendre le pays plus attrayant à l’export. Or, et simplement en regardant les données relatives aux emplois créés lors de ces derniers mois, on peut s’apercevoir que ce sont les emplois de services, qui dépendent largement de la demande intérieure qui ont été créés. A l’inverse, les emplois manufacturiers continuent d’être détruits, ceux-là même que la politique de compétitivité devait soutenir.

Quels sont les éléments qui permettent vraiment de contester le diagnostic présidentiel ?

En janvier 2014, lors de sa conférence de presse semestrielle, François Hollande indiquait "le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Oui, je dis bien sa production. Il nous faut produire plus, il nous faut produire mieux. C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. Sur l’offre ! Ce n’est pas contradictoire avec la demande. L’offre crée même la demande." De cette phrase est née le pacte de responsabilité, la loi Macron, la loi El Khomri, ou le fameux "j’aime l’entreprise" de Manuel Valls. C’est une politique de l’offre qui est mise en place en France. Passons sur le ridicule "c’est l’offre qui crée la demande" qui ne mérite même plus d’être commenté depuis qu’il existe des banques centrales.

Comment est-il possible de déterminer si une économie est confrontée à une crise de l’offre ? Il s’agirait d’un pays en prise avec une croissance faible voire inexistante qui se combinerait à un excès d’inflation, c’est ce qui se passe aujourd’hui au Brésil. Par contre, lorsque la croissance ET l’inflation sont faibles, comme cela est le cas aujourd’hui en France, on peut commencer à se poser des questions. Pour y répondre, il suffit d’observer l’évolution de la demande en France depuis 15 ans, pour voir si, par un curieux hasard, il pourrait y avoir un problème :

Evolution de la Demande (PIB nominal trimestriel) par rapport à sa tendance pré-crise (1997-2007)

Ainsi, en prenant simplement comme référence l’évolution de la demande pré-crise, et en l’appliquant à la tendance depuis 2008, il est possible de se rendre compte que le "déficit" de demande en France atteint un chiffre supérieur à 20% du PIB, soit près de 500 milliards d’euros, soit la plus grande crise de la demande depuis les années 1930. En appliquant une politique de l’offre à une telle situation, François Hollande donne une aspirine à un homme en train de se vider de son sang.

Dans le monde occidental, les pays qui ont pratiqué une politique de la demande pour répondre à la crise sont les Etats Unis, le Royaume Uni, et le Japon, qui affichent tous les 3 un taux de chômage inférieur à 5%. Les pays qui ont pratiqué une politique de l’offre conjuguée à une austérité fiscale, pour les plus emblématiques d’entre eux, sont l’Espagne, l’Italie, ou la Grèce. Quand François Hollande dit avoir fait les bons choix, il convient de ne plus l’écouter.

A l’inverse, si le diagnostic de François Hollande est erroné, comment expliquer le retour de la croissance et la baisse du chômage ?

Parce que l’ironie du sort est que la reprise stimulée par le Banque centrale européenne se matérialise MALGRE François Hollande. Mario Draghi alimente l’économie européenne avec un plan d’assouplissement quantitatif correspondant à plus de 10% du PIB de la zone euro, les méfaits de François Hollande ne sont donc pas suffisants pour contrer un tel choc, ce qui explique largement la baisse du chômage constatée depuis ces derniers mois et la reprise de la croissance. La politique menée par François Hollande correspond bien plus à une tentative d’ajuster l’économie française à une faible demande permanente qu’à une politique de restauration de la demande permettant de voir le pays retrouver pleinement son potentiel de développement. C’est une politique de renoncement, de boutiquier. 

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