Pourquoi le modèle économique français est bien supérieur au modèle allemand<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Allemagne doit son succès économique des dix dernières années à une zone euro dont la politique monétaire est purement au service de l'Allemagne.
L'Allemagne doit son succès économique des dix dernières années à une zone euro dont la politique monétaire est purement au service de l'Allemagne.
©Reuters

Le nettoyeur

Rendez-vous Atlantico. Cette semaine, Pascal Emmanuel Gobry, le "nettoyeur" fait voler en éclat l'idée reçue selon laquelle l'Allemagne est le modèle économique à suivre.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Ces jours-ci, nos politiques français se font une certaine idée de l'Allemagne. A chaque proposition, on nous explique que l'Allemagne le fait et donc que c'est bien. L'admiration du modèle économique allemand date de plus longtemps encore dans les milieux économiques.

Qu'admire-t-on dans ce modèle ?

  • Principalement, la concentration sur l'exportation : exporter, c'est bien, importer, c'est mal ;
  • La concentration sur l'industrie, aussi : fabriquer des machins c'est bien, consommer rendre des services, c'est mal ;


Sur tous ces critères, la France présente un portrait inverse : déficit commercial, économie dominée par les services et la consommation. Comment défendre un tel modèle ?

Il faut remettre quelques idées en place :

  • Il n'y a aucun mal à avoir un déficit commercial et à importer. Le Luxembourg importe presque tout, et pourtant c'est le pays le plus riche d'Europe. Les États-Unis sont en déficit commercial chronique, et c'est le pays où l'économie de l'innovation est la plus florissante. Et, c'est une évidence qu'on oublie, pour que des pays soient des exportateurs nets, il faut bien que d'autres soient des importateurs nets. Tout le monde ne peut pas être exporter en même temps. Privilégier l'exportation en tant que telle, c'est privilégier une vision mercantiliste, à somme nulle, de l'économie.
  • Les services, c'est très bien. L'économie du XIXème siècle était industrielle et l'économie de l'avenir est une économie de services. La Grande-Bretagne est devenue le grand pays européen le plus riche grâce aux services financiers. Google est une entreprise de services qui a créé pas mal de valeur pour le monde entier, et notamment son pays. Tout le monde ne peut pas être trader ou ingénieur chez Google, mais tout le monde peut rendre des services à ses voisins. Plombier, coiffeur ou prof de yoga sont des empois aussi qualifiés qu'ouvrier spécialisé, mais indélocalisables donc moins précaires, plus flexibles et plus rémunérateurs. Malheureusement, ils font moins beau dans un discours politique.


Le modèle allemand est aussi et surtout fondé sur des mirages et une injustice sociale criante

Les mirages, d'abord. L'Allemagne doit son succès économique des dix dernières années à une zone euro dont la politique monétaire est purement au service de l'Allemagne. Mon collègue de Business Insider Joe Weisenthal a comparé les taux d'intérêts de la dette grecque depuis l'adoption de l'euro aux achats de nouvelles voitures dans ce pays : plus les taux baissaient, plus les Grecs achetaient de voitures. Autrement dit, l'euro a été une subvention massive aux pays de la périphérie européenne, via les taux d'intérêts réduits, pour leur permettre d'acheter des biens allemands. C'est sympa quand ça marche mais, on le voit aujourd'hui, gare à la gueule de bois quand le mirage s'évanouit.

L'injustice sociale, surtout. La compétitivité allemande à l'export a été obtenue grâce à une politique nationale concertée de pression sur les salaires. Salaire bas contre emploi : les patrons y gagnent évidemment, mais les syndicats aussi, puisqu'ils ont plus de membres et de pouvoir. Qui y perd ? La classe ouvrière et moyenne allemande, dont les revenus en termes réels n'ont pas augmenté depuis dix ans. Cette politique orientée autour de l'exportation et de l'industrie a donc eu pour effet d'appauvrir sévèrement l'immense majorité des allemands, une injustice sociale criante.

Au Luxembourg, pas d'industrie, peu d'exportation, et tout le monde est riche, y compris les femmes de ménage.

Est-ce que l'objectif d'une politique économique est de faire en sorte que les citoyens eux-mêmes soient aussi prospères que possible ? Si oui, alors la politique allemande est un grave échec. Et il est donc grave que nos décideurs prétendent vouloir l'imiter, étant donné qu'elle est fondée sur des mirages et a eu des conséquence sociales désastreuses.

Il y a un espoir, cependant : ça fait des décennies que nos politiques parlent de promouvoir l'industrie et l'exportation, et la France a encore, Dieu merci, une économie de consommation et de services. L'incapacité des politiques à accomplir leurs projets est peut être ce qui nous sauvera de leurs erreurs.

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