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Les chiffres du baccalauréat 2016, symboles du déclin impérial français
©Reuters

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Il paraît que 80% des candidats ont eu le baccalauréat du premier coup. Certains l'ont même remporté avec la brillante moyenne de 21,22 (record battu!) sur 20. La France se rassure! ça va mieux! les traditions sont respectées et les objectifs du plan éducatif quinquennal sont dépassés! L'espèce de communisme éducatif français est au bord de l'effondrement type Union Soviétique des années 80, mais le Parti produit des statistiques qui promettent une longue vie au système.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les quelques mensonges de la propagande officielle

L'intérêt d'un bon taux de réussite au baccalauréat est de faire plaisir aux familles dont un membre passe l'examen. Ce faisant, c'est l'arbre qui cache la forêt. Il permet d'oublier d'un seul coup la terrible baisse de niveau qui frappe le système dans sa globalité, avec des pans entiers de l'orthographe et de la conjugaison qui s'effondrent comme des icebergs frappés par le changement climatique.

Foin des contre-performances françaises au classement PISA! Foin de la scandaleuse sélection sociale qui transforme chaque année un peu plus l'Education Nationale en ascenseur descendant pour les pauvres et leurs enfants.

Et bien sûr, personne ne prend soin de rappeler que les progressions d'une classe d'âge au baccalauréat tiennent d'abord à la filière professionnelle, qui a porté l'essentiel de l'effort de massification scolaire depuis vingt ans. Les mauvaises langues se souviendront que si le pourcentage de bacheliers dans une classe d'âge a quasiment quadruplé depuis 1970, il a simplement doublé pour le baccalauréat général.

Les tares profondes du baccalauréat

Au-delà de ces problèmes franco-français, le système éducatif n'ose pas dire la vérité aux Français.

Premier point: le baccalauréat de 2016 ressemble furieusement à celui des années 1800, au moment de son invention sous le Premier Empire. Toujours du papier et de la plume d'oie. Toujours des dissertations, des compositions, des exercices individuels. D'une certaine façon, le baccalauréat n'a pas pris une ride.

Le problème est qu'autour de lui, tout a changé. L'introduction d'Internet a définitivement ringardisé le stylo et le papier. L'accès permanent à une bibliothèque de Babel sur Internet a profondément changé le savoir et ses formes. Mais... l'Education Nationale française est toujours incapable de proposer à ses élèves de composer leurs examens sur Internet.

Deuxième point: le baccalauréat reste une affaire d'artisanat et d'inégalités de traitement. Une même copie sera notée très différemment selon le correcteur, sans aucune possibilité de recours pour les élèves. Pourquoi un tel sera-t-il évalué à 7/20 par un jury, et 14/20 par un autre? Mystère, et la machine entend bien le préserver. Personne ne semble décider à briser la solitude et l'arbitraire de l'enseignant devant sa copie.

Troisième point: la forme même de l'examen relève de l'amateurisme. Non seulement les sujets sont majoritairement choisis sans aucune règle carrée ni professionnalisée, mais la forme même de la dissertation, du commentaire, de la composition, sont considérées comme des données brutes dont nos pédantesques pédagogues seraient bien incapables de prouver le bien-fondé.

Le triomphe si prévisible des Anglo-Saxons

Face à cette légèreté, cette espèce d'arrogance teintée d'un profond amateurisme, le système anglo-saxon aligne les performances.

L'utilisation quasi-généralisée du questionnaire à choix multiples flatte probablement moins la fatuité française en donnant à chaque bachelier le sentiment (assez réaliste au demeurant) qu'il peut concurrencer Bernard-Henri Lévy sur le terrain de la pensée. Mais cette forme d'examen, utilisée dans les enquêtes PISA, permet de tester efficacement les capacités de lecture, de compréhension, d'analyse, des candidats.

Le QCM a d'autres avantages. Sa correction est normée, égalitaire, objective. Sa formulation est professionnalisée, grâce à des études docimologiques poussées qui manquent cruellement à la France.

Bref, l'examen anglo-saxon brille par son professionnalisme là où le baccalauréat brille par son amateurisme et son triomphe de la bidouille.

L'examen et la compétition internationale

Ce que n'ont pas compris les pédagogues français si imbus de leurs certitudes et de leur supériorité, c'est le poids de l'examen dans la compétition internationale. L'examen pilote la pédagogie. Qui maîtrise l'examen maîtrise es enseignements. Qu'on le veuille ou non, les enseignants préparent en effet leurs élèves à un examen. Changer l'examen, c'est changer l'enseignement.

En démontrant année après année les avantages et la supériorité de leur système d'examen, les Anglo-Saxons installent peu à peu leur modèle. Là où, comme en Afrique Noire, la forme française de l'examen arrimait le système éducatif à la domination de notre empire, progressivement, c'est le Commonwealth qui s'impose. Les Britanniques ont industrialisé leurs procédures d'examination et de certification des niveaux, quand le système éducatif français est juste capable d'envoyer des inspecteurs sur le retour faire des missions ronronnantes dont les pays demandeurs de coopération ne retirent aucun bienfait durable.

Il ne faudra pas dix ans au baccalauréat pour ne plus servir de référence qu'aux établissements belges. Tous les autres pays (et peut-être même la Belgique) adopteront le système britannique.

Le baccalauréat et la diplomatie éducative

Bonaparte l'avait bien compris au fond. En créant le baccalauréat, il a durablement posé l'influence française en matière éducative, et formalisé une certaine idée du brio et de l'excellence. En ne réinventant pas le modèle, en l'appauvrissant année après année, les successeurs contemporains de Bonaparte, tue la poule aux oeufs d'or.

Pour infléchir la tendance, il faudrait un système éducatif capable de théoriser ses examens, de les préciser scientifiquement, et d'en garantir la performance en industrialisant son organisation et surtout sa correction. La révolution numérique le permet. Simplement, par paresse, par facilité, par démagogie, les ministres préfèrent flatter le conservatisme des enseignants en leur demandant d'harmoniser les notes par une baisse générale du niveau d'exigences attendues.

Là encore, nous le paierons cher.

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