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Les dix risques majeurs qui plongent l’économie mondiale dans la plus profonde des incertitudes
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Entre le Brexit, les endettements, les taux zéro, les reprises qui s’essoufflent et les banques centrales qui s'agitent dans tous les sens, les économies mondiales n'ont jamais été aussi incertaines.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’économie a horreur de l’incertitude. Les chefs d’entreprise ont besoin de stabilité et d’un horizon qui soit clair. Les investisseurs ont besoin de savoir où ils investissent, pendant, et combien de temps. Les acteurs de la sphère financière profitent parfois de l’instabilité pour spéculer, mais ça ne dure jamais très longtemps.

Aujourd’hui et de l'avis des plus grands responsables internationaux, la planète économique n’a jamais été aussi incertaine. Beaucoup plus qu’en septembre 2008 au début de la crise financière provoquée par l'excès de subprimes et la faillite de Lehman Brothers.

L'incertitude est telle sur la solidité d’une reprise annoncée, que contrairement à ce qu’on pensait, les banques centrales vont recommencer à détendre à nouveau leur politique monétaire, quitte à noyer des économies sous des excès de liquidités qui ne sont pas utilisées à autre chose qu’à permettre aux Etats de s’endetter encore davantage. On évite les incendies mais pas les dégâts des eaux.

Les facteurs d’incertitude n’ont jamais été aussi nombreux et aussi lourds.

1) Le Brexit a plongé les marchés monétaires et financiers dans la plus grande incertitude. Au lendemain du référendum tout s'effondre, trois jours plus tard les valeurs se redressent. Pourquoi ? Comment ? Personne n’est capable de donner une explication cohérente. Les uns expliquent que le Brexit ne va pas entraîner la fin du monde et qu'il faudra bien trouver des arrangements. Sans doute. Maintenant (c’est nouveau ça vient de sortir), les mêmes ou presque viennent nous expliquer que le Brexit ne se fera pas. Le Parlement britannique n’a toujours pas ratifié le référendum et l'article 50 ne sera pas activé tant que le nouveau Premier ministre ne sera pas nommé. Or, on ne l'a pas trouvé. Devant les risques, disent-ils, les Anglais trouveront le moyen de revenir en arrière en négociant. Dans une telle confusion, comment faire des plans de développement à moyen terme ? Les chefs d'entreprise vont se hâter, mais très lentement, et attendre que l'horizon s’éclaircisse.

2) L’avenir de l'Union européenne est bouché. Normalement, le Brexit devait provoquer une réaction salutaire des autres pays européens, sauf qu’il n’y a pas de consensus sur l’avenir de l’Europe. Faut-il plus d'Europe, faut-il moins d'Europe ? Alors que la gouvernance raisonnable impliquerait un peu plus de coordination des fiscalités, des budgets et des systèmes sociaux, personne n’a encore proposé une réforme acceptable et surtout une méthode pour la faire accepter. Chacun des grands pays fondateurs joue sa carte et protège son jeu.

3) La relation entre les Etats-Unis et l'Europe est dégradée. L'accord d’échange entre les deux continents tourne au sac de nœuds indéchiffrable. Les Européens ont compris, faute de transparence sur la négociation, que l’objectif des Américains était de disposer d’une vaste zone de libre-échange. Le Brexit d’un côté et la non-coordination des pays européens de l’autre facilitent les ambitions hégémoniques de l'économie américaine. Là encore, on aurait besoin d’un peu plus d'Europe pour se défendre.

4) Le risque de dumping fiscal et social n’a jamais été aussi important. Au niveau européen, alors que les Etats membres souffrent déjà d'une absence d’harmonisation fiscale, une des réactions les plus probables de la Grande-Bretagne une fois sortie de l'Union européenne, si elle en sort, sera de baisser ses taux de fiscalité pour conserver ses banques et ses entreprises industrielles. A Londres, on parle déjà d’un taux d’imposition sur les sociétés de 15%, ce qui ferait de Londres la place la plus attractive de l’Occident. Mais ce dumping peut toucher aussi demain les conditions de salaires et de travail en général. Les travailleurs détachés entraînent déjà de grandes inégalités entre les pays de l'Europe de l'Est et les pays de l'Europe de l’Ouest. Là encore, c’est le déficit d’Europe qui facilite les dysfonctionnements.

5) L’optimisation fiscale pratiquée par les entreprises digitales. Toutes les grandes entreprises américaines, Google, Amazon, Uber, Apple, Facebook, savent à merveille utiliser toutes les ficelles fiscales pour minimiser leurs ardoises. Le résultat de cette "modernité" est que les pays européens, qui ont en commun un modèle social assez généreux, n'ont plus les moyens de le financer. D’où les risques de déstabilisation socio-politique.

6) Le ralentissement des pays émergents, et notamment de la Chine. La Chine, locomotive de la planète, est en panne d'oxygène, d'où l'essoufflement de sa croissance. Elle a beaucoup de mal à transformer son modèle économique, compte tenu des risques politiques que ses gouvernants ne veulent pas prendre.

7) Le rôle des banques centrales. Depuis la crise financière, les banques centrales ont copieusement délivré des liquidités pour éviter que les systèmes ne se bloquent. Normalement, ces politiques monétaires auraient dû donner aux différentes économies le temps et les moyens de procéder à des adaptations structurelles. En réalité, on s’aperçoit que la générosité des banques centrales a surtout permis aux vieilles sociétés occidentales de ne pas se réformer. Or, personne ne sait comment une économie peut durablement évoluer avec des taux d’intérêt à zéro. Des taux zéro, c’est aussi zéro risque, et sans risques pas d'innovation.

8) La robotisation va sans doute être la dernière étape de la révolution digitale. Cette robotisation, déjà très avancée, va mettre au chômage des armées de travailleurs souvent qualifiés. La loi de Schumpeter selon laquelle l'innovation détruit des activités et des emplois pour permettre la création de nouveaux secteurs beaucoup plus nombreux, cette fameuse loi de la destruction créatrice, pourrait ne plus se vérifier compte tenu des formidables gains de productivité générés par les robots. Les robots seraient alors des esclaves modernes. Se poserait alors la question de redistribuer la productivité. A qui et sous quelle forme ?

9) Les risques écologiques. Le réchauffement de la planète, la raréfaction des énergies et des matières premières obligent les acteurs de l'économie à considérablement investir en recherche et en développement. L'absence de régulation mondiale rend cette coordination de la recherche très compliquée.

10) Le risque démocratique. On se rend compte aujourd'hui que le système d’administration fondée sur la démocratie fonctionne de plus en plus mal. Les décisions ne sont pas rationnelles ou acceptées, le fonctionnement du marché politique étant décalé dans le temps et dans l’espace avec le fonctionnement des marchés économiques et financiers. Une entreprise travaille pour le monde entier et prend des décisions de moyen et long terme. Une gouvernance politique s’exerce sur un espace très réduit et poreux (les frontières n’existent plus). Par ailleurs, un homme politique travaille sur la durée de son mandat en général pour être élu. En d’autres termes, les qualités qu’il faut pour être élu ne sont toujours celles qu’il faut pour exercer le pouvoir. C’est ce qui explique que la majorité des élites de grande qualité ne travaillent plus en politique mais préfèrent la grande entreprise.

C’est ce qui explique aussi que des hommes politiques de grande qualité et habités par des convictions fortes n’aient jamais réussi à accéder au pouvoir. Compte tenu des hommages nombreux qui lui ont été rendus, Michel Rocard est sans doute de cette catégorie d’hommes d’Etat qui ont manqué la grille d’entrée au sommet de l’Etat.

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