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Pierre Moscovici : "Il n'y a pas d'austérité en France, il n'y en a jamais eu !"
©Commission européenne

Interview politique

Une semaine après le vote des Britanniques en faveur de leur sortie de l'Union européenne, Pierre Moscovici, actuel commissaire européen aux Affaires économiques et financières, revient sur cet événement historique pour l'Europe, tout en s'exprimant également sur le projet de loi El Khomri et la primaire à gauche.

Pierre Moscovici

Pierre Moscovici

Membre du Parti socialiste, Pierre Moscovici fut député européen entre 1994 et 1997 puis entre 2004 et 2007, période au cours de laquelle il exerca en tant que vice-président du Parlement européen. Ministre chargé des Affaires européennes entre 1997 et 2002 dans le gouvernement Lionel Jospin, il est, par la suite élu député du Doubs en 1997, en 2007 et en 2012. De 2008 à 2012, il préside la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard (PMA).

Directeur de campagne du candidat socialiste François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, il est nommé ministre de l'Économie, des Finances et du Commerce extérieur en  

 dans le gouvernement Jean-Marc Ayrault I, puis ministre de l'Économie et des Finances en 

 au sein du gouvernement Jean-Marc Ayrault II. Il est ensuite député de la quatrième circonscription du Doubs, parlementaire en mission auprès du Premier ministre, chargé d’évaluer la contribution des politiques européennes à la croissance et à l’emploi.

Depuis le 

, il est commissaire européen aux Affaires économiques et financièresà la Fiscalité et à l'Union douanière au sein de la commission Juncker.

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Atlantico : Quel a été votre sentiment lorsque la victoire du "non"anglais a été annoncée ?

Pierre Moscovici :  J'ai eu le sentiment d'un énorme gâchis mais je n'ai hélas absolument pas été surpris. Depuis le premier jour j'ai vu les dangers majeurs de ce référendum. Je me souviens d'avoir dit, en 2014, à George Osborne, le ministre des Fpiinances britannique : "Un référendum sur l'Europe: je ne connais pas la question mais je connais la réponse et ce sera non". Ce n'était pas qu'une boutade. J'avais l'expérience du référendum français de 2005 et je savais la très grande difficulté qu'il y a à installer une symétrie dans ce genre de campagne. Les partisans de tous les "non", de tous les refus, jouent sur les angoisses, les peurs, distillent des mensonges simples. Et de l'autre côté, les partisans du "oui" sont obligés de faire une pédagogie compliquée sur une réalité qui, elle-même, est forcément complexe. Le "non" a donc structurellement un avantage. De plus, le Royaume-Uni n'a pas été vraiment biberonné à l'Europe depuis son adhésion en 1973. La Grande- Bretagne a toujours eu une relation peu affective avec l'Union européenne. C'était donc un risque majeur. C’est pourquoi j’invite vraiment à réfléchir aux risques du référendum et j'alerte ceux qui se jettent  avec gourmandise sur cette idée comme si c'était la seule réponse ou la panacée: c'est en fait très dangereux, ça divise, ça blesse, ça déforme. 

Quelles sont les causes, à votre avis, de ce vote ?

Il y a un fond d'euroscepticisme en Grande-Bretagne, qui a été nourri par des années d'euro-bashing. De plus, la campagne s'est déroulée entre, d'un côté, des démagogues, parfois des menteurs qui ont beaucoup parlé d’immigration et qui, à l'issue du vote, se sont rétractés car ils savent que le Brexit ne résoudra rien, et de l'autre, des tièdes qui se sont le plus souvent contentés de dire aux Britanniques : c'est mieux d'être dedans que dehors. Personne n'a dit assez fort que l'Europe était bonne pour la Grande-Bretagne. Personne ne le dit d'ailleurs depuis Tony Blair, qui est le seul dirigeant britannique, avec Edward Heath, à avoir été vraiment pro-européen. Personne n'a porté suffisamment haut la parole d'une grande partie de la population, à commencer par la jeunesse, qui voyait son avenir dans l'Europe, et dont l'espoir est brisé. Et puis il y a un sentiment de déclassement plus général, qui existe dans toute l'Union européenne chez beaucoup de citoyens, qui craignent que l'Europe ne soit pas une puissance dans la mondialisation, qu'elle ne les protège pas. On voit un peu partout monter ces populismes, qui visent ceux qui se sentent des perdants de la mondialisation et dont l'Europe est la cible.

Vous venez de dire que durant la campagne britannique, personne n'a vraiment défendu l'Europe. Y-a-t-il en France des personnalités qui la défendent ? 

Pas assez. Je suis préoccupé et parfois en colère quand je regarde le débat politique français sur l'Europe, parce que je le trouve trop dominé par les thèses populistes. Au fond, Marine Le Pen a une thèse simple, elle dit : beaucoup de Français sont des perdants de la mondialisation, l'Europe en est responsable, donc il faut récupérer notre souveraineté et sortir de l'Europe. Il faudrait contre-attaquer avec des arguments fortement européens. Mais certains ont tendance à s'approprier le diagnostic, quitte à donner des réponses différentes. Or, même le diagnostic est faux! Voilà pourquoi je dis : attention, car le populisme light finit par être l'antichambre du populisme hard. Au final, si s’installe la fausse évidence que l'Europe est un problème et pas une solution, c'est le populisme nationaliste pur et dur qui va l'emporter. Je voudrais donc qu'il y ait une voix européenne plus déterminée, plus décidée, plus positive.

Est-ce appel que vous lancez à François Hollande notamment ?

En tant que président de la République, il a bien sûr une responsabilité particulière, et je sais qu'il en est conscient.  Je refuse que l'on se retrouve en France, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, réduits à choisir entre ceux qui pensent que tout va mal et ceux qui pensent que rien ne va bien.

Ce Brexit, conjugué à une montée sans précédent récente des populismes en Europe, n'ouvre-t-il pas la porte à l'explosion de l'Union européenne ?

Il ne faut pas sous-estimer l’événement qui vient de se produire. Il est considérable. C'est la première fois dans l'histoire de l'Union européenne que celle-ci se construit par soustraction et non par addition. Nous étions 6, nous sommes devenus 9, 10, 12, 15, 24, 27, 28...maintenant, pour la première fois un pays s'en va. Et pas n'importe lequel, puisque c’est la deuxième économie de l’Europe avec la France, un  membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, un pays qui possède l'arme nucléaire. C'est un choc majeur, et il faut y répondre. 

Pour autant,  je ne crois pas au risque de contagion, car le rapport des Britanniques à l'Europe est extrêmement spécifique. Surtout, j'espère que les gouvernements et les peuples sauront en tirer des leçons, d'autant que l'on voit déjà que le "Leave" a été un jeu de dupes. On l'a vu dès le lendemain du vote. Ses promoteurs ont déjà retiré leurs promesses ou ont, comme Boris Johnson, jeté l'éponge, et les conséquences économiques et politiques sont énormes. Mais il ne faut pas se contenter d'une approche conservatrice, il faut avant tout montrer que l'Europe à 27 est capable de répondre aux défis qui sont les siens, de produire des résultats, de convaincre à nouveau et d'incarner d'espoir. Ça n’est pas par le statu quo qu'on évitera le détricotage, c'est par une nouvelle offensive européenne. Ce qui ne suppose pas  un saut de fédéralisme - je ne crois pas que quiconque en ait aujourd'hui l'envie. Par contre, cela devrait passer par un sursaut fédérateur.

Quelle forme pourrait prendre ce sursaut ?

D'abord, il y a une dimension formelle : il faut que l'on réapprenne à débattre sur l'Europe. C'est tout à fait fondamental.  On parle peu et mal de l'Europe, on n'en parle que lorsqu'il y a un problème, une crise grave, une protestation et, de ce point de vue, les politiques et les médias ont leur responsabilité. Il nous faut donc un vrai, un grand débat, qui ne soit pas référendaire. Le vrai référendum sur l'Europe, c'est l'élection présidentielle! Je souhaiterais que celles et ceux qui veulent présider la France résistent à cette tentation, plutôt que de se lancer, tête baissée, dans l'aventure en criant : "référendum, référendum, référendum", au risque d'emboîter le pas à Marine Le Pen, comme Jean-Luc Mélenchon, Bruno Lemaire, Nicolas Sarkozy ou même Emmanuel Macron l'ont fait - avec une toute autre logique que celle de la présidente du FN, certes. Il faut que le débat ait lieu au Parlement européen, dans les parlements nationaux. Il faut un débat avec les citoyens,  qui associe toutes les forces économiques, sociales, intellectuelles  et culturelles. 

Nous devons aussi et d'abord élaborer des réponses de fond - et j'en vois trois, plus une. La première, c'est qu'il faut satisfaire l’aspiration à une Europe qui protège. Nous devons donc progresser en matière de politique de défense, de sécurité, garantir nos frontières, résoudre structurellement la question des réfugiés. Sinon la tentation mortifère du recours aux frontières nationales reviendra. Ensuite, il faut créer plus de croissance et d'emploi: le problème majeur de l'Union européenne, c’est le déficit d'investissement. La troisième piste, c'est le renforcement de la zone euro. Elle a fait ses preuves dans la tempête financière, elle a une politique monétaire puissante, conduite par Mario Draghi, mais elle a besoin d'une politique économique plus efficace, donc d'une capacité budgétaire et d'une gouvernance plus démocratique. Enfin, nous avons le devoir d'améliorer le fonctionnement de nos institutions. Je ne suis pas favorable à un nouveau traité global, qui fasse table rase de l'existant. Et ceux qui tirent sur la Commission, demandent sa suppression comme Laurent Wauquiez, ou veulent en faire un simple secrétariat du Conseil des ministres, à l'image d'Arnaud Montebourg, sont des provocateurs - ou des irresponsables. La Commission doit rester à l'initiative et continuer à porter l'intérêt général européen. Mais nous pouvons et devons sans doute recentrer l'Europe sur ses priorités, agir plus vite, communiquer mieux et être plus transparents.

François Hollande a fait beaucoup de sacrifice pour réduire la dette de la France. Ces politiques d'austérité, ou du moins ces politiques extrêmement rigoureuses, menées au nom de l'Europe n'ont-elles pas abîmé son image?

Il n'y a pas d'austérité en France, il n'y en a jamais eu!  La moyenne des déficits publics dans la zone euro est à 2% ,en France, en 2015 elle était à 3,5%. La France est en train de réduire ses déficits, mais a réussi à maintenir l’essentiel des priorités publiques du pays : l’Éducation, la Culture, la Défense... D'austérité, il n'y en a point. Le vrai critère économique est que la contribution des finances publiques à la croissance soit positive en zone euro: c’est à nouveau le cas aujourd’hui. Il faut aussi prioriser les investissements dans la dépense publique. Je suis toujours socialiste, j'ai toujours été et  je suis radicalement opposé à l'austérité. L'austérité c’est ce qui appauvrit et affaiblit. Toutefois, je suis convaincu depuis longtemps qu'une politique budgétaire sérieuse est indispensable et que le désendettement est aussi une politique de gauche. Car un euro pour payer la dette c’est un euro en moins pour l'école ou l’hôpital,pour la sécurité ou l'emploi...

La commission a proposé de sanctionner l'Espagne et le Portugal qui ne respectent pas leurs engagements budgétaires. Est-ce judicieux de le faire en ce moment ?

Il y a des règles à respecter, celles du Pacte de stabilité et de croissance: le rôle de la Commission, et le mien, est d'y veiller. Mais nous pouvons et devons appliquer ces règles avec intelligence et non dans une logique punitive. C'est le sens du dialogue que je mène avec les autorités espagnoles et portugaises.

Lorsque vous étiez à Bercy, vous défendiez l'idée qu'au-delà de l’incontournable couple franco- allemand, la France devait nouer des partenariats avec les pays du Sud de l'Europe, comme l'Italie. Qu'en pensez-vous aujourd’hui ?

J'ai toujours été axé sur le franco-allemand: c'est le moteur fondamental  de l'Europe et sa force est une condition sine qua non pour faire avancer cette construction politique et économique vitale. C'est pourquoi je veille à ma relation avec le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, comme avec mes amis du SPD: elles me sont précieuses. Mais nous devons aussi tenir compte d'autres voix. Nous sommes une Union d'Etats égaux en droit. C'est pour ça qu'il est bon, pour le symbole comme pour l'efficacité, que la réunion de lundi dernier à Berlin, n'ai pas été uniquement franco-allemande, mais une rencontre à trois avec Mattéo Renzi, le chef du gouvernement italien.

L'Europe semble parfois dirigée par l'Allemagne. Ne souffre-t-elle pas de cette image?

Le couple franco-allemand n'est pas une idéologie, il ne vient pas du ciel mais de l'Histoire. L'Europe a été faite pour réconcilier la France et l'Allemagne.

Certes, mais les Français ont aujourd'hui l'impression que la relation est déséquilibrée et qu'Angela Merkel a pris l'ascendant sur François Hollande. Est-ce vrai?

Ne caricaturons pas. A chaque président sa personnalité. Et chaque couple exécutif franco-allemand a ses forces et ses faiblesses. Nicolas Sarkozy avait pour lui son énergie et sa volonté, sa proximité politique avec la chancelière, mais il est de notoriété publique que sa relation avec elle a été aussi parfois compliquée par son style, sa fougue. François Hollande a, lui aussi,sa conviction pro-européenne, sa façon d'être, plus tempérée, son propre style, qui est peut-être plus proche du tempérament de Madame Merkel, qui n'appartient pas au même courant politique que lui.

Je les ai beaucoup vus ensemble . Ce sont deux personnes qui ont la tête froide, qui sont toutes deux politiquement très rationnelles. C'est devenu au fil du temps une relation très confiante, qui a pris encore une autre dimension depuis les attentats de 2015.

Alors pourquoi a-t-on le sentiment qu'Angela Merkel impose souvent ses positions?

Ce n'est pas sa volonté, et ce n'est pas exact. Il y a néanmoins une situation objective: l'Allemagne est aujourd'hui un pays très puissant au niveau économique, le plus puissant en Europe, le déséquilibre vient de là. Lorsque la France se portera mieux sur le plan économique - et elle a les atouts pour cela - elle pourra davantage s'imposer. L'Europe ne peut pas être allemande, comme elle ne peut pas être française ou italienne. Le problème que beaucoup ont avec l'Europe, c'est que chacun voit l'Europe comme la prolongation de soi-même en plus grand. Je voudrais que les Français se gardent de cette illusion. L'Europe, ça n'est pas l'Allemagne, ça ne sera pas plus la France en grand. Construire l'Europe, c'est trouver des compromis et il faut apprendre à en faire, à bien les négocier et à nous en satisfaire.

N'est-ce pas cette nécessité de compromis qui a bloqué la construction de l'Europe sociale ?

Nous avons vécu sous l'emprise d'une grande illusion, qui a généré une grande déception. La grande illusion, c'est que l'Europe ne pouvait être vraiment sociale alors que ses compétences, en la matière, sont limitées. La grande désillusion, c'est que l'on a projeté en elle ce que l'on ne voulait ou pouvait pas forcément faire au niveau national. Pour autant, il ne faut pas abandonner l'Europe sociale. Il faut en tirer le meilleur, et notamment une stratégie pour l'emploi, un socle de droits fondamentaux. Nous devons aussi reprendre la directive sur les travailleurs détachés, pour parvenir à un principe simple: à travail égal, salaire égal, à partir du pays de destination et non de celui d'origine.

Vous vous êtes opposé à ceux, qui pour sortir de la crise ouverte par le Brexit, se jettent sur le référendum comme des "morts de faim". Pourquoi ?

De la part des politiques, il y a souvent des aspirations nobles. Mais il y a aussi à l'occasion une démagogie à laquelle il faut savoir résister. Les populistes demandent un référendum, donc on leur offre un référendum avec l'idée d'être dans l'air du temps! En vérité, c'est une idée dangereuse, c'est une idée d'apprenti sorcier. Or les apprentis sorciers finissent toujours par être punis de leurs tours ratés. Celui qui prendra la responsabilité d'organiser un référendum pour dire aux électeurs qui sont tentés par Marine Le Pen "moi aussi je peux le faire" prendra un risque majeur. J'aime ce slogan: soyons populaires et pas populistes. Être populaire,  c'est répondre à des questions de fond, pas offrir des têtes et notamment celle de l'Europe ou de la Commission européenne.

Trouvez-vous aujourd’hui la France plus divisée qu'avant ?

Elle est plus divisée, oui, plus tendue aussi. Je crois qu'en France le sentiment de déclassement est plus fort qu'ailleurs et qu'il s'est davantage qu'ailleurs tourné contre l'Europe. Au fil des élargissements, beaucoup ont eu la sensation que la France n'était plus le cœur de l'Europe, que le cœur de l'Europe s'était déporté vers l'Est et notamment vers Berlin. Pour certains en France, c'était bien commode avant la fin de la Guerre froide d'avoir une République fédérale divisée, dont la capitale était Bonn. Nous nous sentions, du coup, le centre politique de l'Europe. La chute du mur de Berlin a tout changé, et permis de réunifier l'Europe. Cette époque est révolue! Je ne m'en plains pas. Car elle ne nous affaiblit pas, si nous sommes capables de jouer toutes nos cartes dans la nouvelle Europe qui va naître, à 27.

Vous qui avez été le directeur de campagne de François Hollande, comprenez-vous ceux qui ont le sentiment que la campagne qu'il a mené ne correspond pas à la politique mise en œuvre depuis ?

Franchement, à un ou deux éléments de slogan près - la finance est mon adversaire et la taxe à 75% - on ne peut pas dire que ça ait été une campagne de promesses exagérées. Ce fut une campagne réaliste, consciente des difficultés du pays, de ce qu'il fallait faire pour le sortir de la crise et qui prônait une politique économique sérieuse pour le rendre plus compétitif. Non, il n'y a pas eu trahison, je pense que ça n'est pas là que le bat a blessé.

Où a-t-il blessé selon vous ?

Ça n'est pas à moi de raconter cette histoire, ce sera à François Hollande de s'expliquer devant les Français. Mon sentiment personnel c'est, bien sûr, qu'une désaffection de cette ampleur a des causes objectives et qu'il faut y répondre. Mais je la crois très exagérée et, à bien des égards, injuste au regard des terribles épreuves auxquelles ce président a été confronté dans l'exercice de ses fonctions et la manière très honorable dont il les a gérées. François Hollande a beaucoup travaillé pour son pays, il aime la France et les Français.

La loi El Khomri n'a-t-elle pas inutilement jeté de l'huile sur le feu ?

Je n'ai pas à me prononcer sur cette loi, ses modalités et ses formes.  Mais légiférer sur le marché du travail était un besoin. On voit bien que les pays européens qui ont su réformer leur code du travail savent créer de l'emploi, et pas les autres. Donc il fallait une loi. Etait-ce cette loi qu'il fallait? Ça n'est pas à moi de le dire. Le débat politique et social a-t-il été bien mené? Ca n'est pas à moi de juger. Mais il est très excessif de laisser penser que cette loi est révolutionnaire, qu'elle est une atteinte profonde aux droits sociaux en France. J'ajoute que la Commission a toujours défendu une approche équilibrée, en mettant en avant deux facteurs de cohésion sociale: le premier, c'est que l'embauche en contrat à durée indéterminée doit toujours être privilégiée; le second, c'est que l'on mette l'accent sur l'éducation et sur la sécurité pour les travailleurs.

Pensez-vous que la primaire permette d'apaiser les choses, de rallier des déçus de Hollande ?

Ça n'est pas la formule dont j'aurais rêvé, car cela ne correspond pas à l'idée que je me fais de la fonction du président de la République et du fonctionnement de nos institutions. Force est néanmoins de constater que c'est une réalité qui est en train de s'imposer dans le paysage politique, à droite comme à gauche. Le président ne pouvait donc s'y dérober - même s'il n'est pas à ce stade candidat. De plus, elle est devenue une condition sine qua non de l'unité à gauche, sans laquelle il n'y a pas de victoire possible en 2017. Ma position personnelle, c'est que les gauches ne sont pas irréconciliables. Je comprends Manuel Valls quand il affirme le contraire, je sais comme lui que le fossé s'est agrandi entre la gauche de gouvernement et une gauche qui refuse le réel. Mais je pense que l'on doit pouvoir se retrouver, d'autant que les électeurs de gauche ont toujours cette aspiration unitaire. Il faut donc conserver la capacité de rassemblement.

Pour que ces primaires soient une réussite - car il y a un vrai risque de perte de maîtrise, voire de dérapage du débat - il y a une condition incontournable: nous devons respecter le rôle spécifique du président de la République, s'il y participe, et les responsabilités qu'il a occupé, au nom de tous, dans des conditions compliquées. Cette primaire ne peut pas être du tout sauf Hollande. Elle doit confronter des idées, certes, mais aussi respecter une personne, une action, qui a été collective. Et il faudra ensuite être en capacité de se réunir derrière celui qui l'aura emporté. Bref, il faut fixer et respecter la règle du jeu. Pour moi, il est évident qu'une primaire avec un président sortant ne peut pas être de la même nature qu'une autre. Evitons de faire une primaire qui salisse et divise, réussissons une primaire qui grandit et rassemble.

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