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De la pénurie de taxis à la surabondance de véhicules de transport avec chauffeur : les vrais chiffres sur les VTC et ce qu'ils gagnent vraiment
©Reuters

Combat fraternel

Régulièrement aux prises avec les taxis, les VTC et les UBER font l'objet d'un satisfecit général de la population. Pour autant, les conditions de travail des chauffeurs se seraient dégradés, avec le surcroît d'offre qu'a représenté leur arrivée en masse.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Atlantico : À l'arrivée des VTC et des UBER, l'offre de taxis connaissait une réelle pénurie dans la plupart des villes françaises. À quel point les VTC et les UBER ont-ils contribué à combler ce déficit ? Combien sont-ils à sillonner la France aujourd'hui ? Sont-ils toujours de plus en plus nombreux ?

Denis Jacquet : Clairement, les VTC ont contribué à réduire la pénurie d'offre en matière de taxis. Cependant, une grande question demeure, dans la mesure où nous ne sommes pas dans une situation normale. Les attentats de novembre dernier ont, depuis un peu plus de 12 à 15 mois, complètement bouleversé le trafic et le besoin en Île-de-France. Si on ne prend pas en compte cette période-là, il est évident que les VTC ont permis la réduction des temps d'attentes des taxis, particulièrement aux heures pleines (matinée, fin d'après-midi) ou en week-end. En région parisienne, dans les faits, l'arrivée des VTC représente une solution presque totale au problème de pénurie de taxis aux heures d'affluences – qui sont, rappelons-le, assez nombreuses. 

Le seul bémol que l'on peut mentionner relève davantage de la baisse de la fréquentation touristique depuis les différents attentats de l'année passée. Sur ce point, on constate clairement que le trafic est plus léger. C'est particulièrement visible aux heures moins pleines et, d'ailleurs, taxis comme VTC s'accordent à le dire. Bien sûr, une partie des taxis estime que c'est du fait des VTC, cependant il est important de voir les choses en face : les grands hôtels parisiens ne sont qu'à 30 à 50% de leur taux d'occupation habituel. Il va donc de soi que nous sommes aujourd'hui très en dessous de notre seuil de touristes traditionnel et que cela ne peut qu'avoir un impact sur la clientèle des taxis comme celle des VTC. Tous le disent de façon unanime ; tant chez les VTC que chez les taxis. Il y a un avant et un après les attentats de Paris. Sans eux, il est indéniable que nous nous dirigions vers une situation quasi à l'équilibre, plus comparable à la situation londonienne ou new-yorkaise. Le temps d'attente moyen est à 3 minutes aux heures de pointe, là-bas. Chez nous, il arrive encore d'avoir des temps d'attentes de 8 à 10 minutes, bien que cela soit rare. En heures creuses et depuis les attentats, néanmoins, de nombreux chauffeurs de taxis et de VTC se retrouvent à chercher le client. Les VTC qui se basent sur deux applications plutôt qu'une, parce qu'une seule ne suffit plus.

A priori, comme en témoignent les formations quotidiennes chez Chauffeur-Privé LeCab ou Uber, la demande persiste et l'embauche continue. On peut donc légitimement estimer qu'il y a de plus en plus de chauffeurs aujourd'hui. Cependant, entre ceux qui sont déclarés comme VTC, ceux qui travaillent pour des VTC et, de façon plus générique, tous les autres il devient difficile d'avoir une estimation exacte. C'est a priori plus simples pour les taxis, bien qu'il existe également des difficultés à accéder à des chiffres fiables. Selon les plus crédibles de ces estimations, on compterait entre 12 000 et 14 000 VTC en région parisienne pour un total d'environ 30 000 à 35 000. Les grandes villes de province restent assez peu desservies par les VTC. Cela étant, il semble logique qu'au final, le marché en passe par une certaine forme d'auto-régulation : quand les chauffeurs réaliseront qu'ils ont une activité trop faible, le mot va passer et les gens s'engageront moins dans cette voie.

En générant un surcroît d'offre, les chauffeurs VTC et UBER n'ont-ils pas naturellement participé à la dégradation de leurs conditions de travail ? À combien s'élève leur rémunération et comment évolue-t-elle ? 

Les chauffeurs VTC ont, sur l'ensemble de la planète, contribué à élargir le marché. Ils ont touché une clientèle qui ne prenait pas le taxi auparavant, d'abord parce qu'ils étaient moins cher – ce qui n'est plus véritablement le cas aujourd'hui. C'est encore le cas parce que le système des taxis classiques consiste à envoyer le taxi qui attend depuis le plus longtemps, peu importe la distance à laquelle il se trouve de la commande. Or, c'est à partir de là que se déclenche le compteur, ce qui donne cette impression frontale d'un taxi plus cher. Mais dans les faits, d'un point A à un point B les tarifs sont plus comparable. C'est d'autant plus vrai quand on prend en compte les phénomènes de sur-taxations mis en place par Uber aux heures pleines.

Dans un premier temps, donc, les VTC ont avant tout permis l'ouverture de ce marché et ont su draguer à eux beaucoup plus de clients. Par conséquent, l'équivalent américain – par exemple – du prix des plaques (le fonds de commerce des taxis) est reparti à la hausse. Plus il y a de clients plus cela vaut cher et c'est un mécanisme qui devrait finir par s'enclencher également en France, bien que cela ne soit pas encore le cas pour l'instant. Les taxis se plaignent évidemment de la baisse du chiffre d'affaire, que connaissent également les VTC, mais le fait est qu'elle est le fait des attentats et des résultats décevants du tourisme cette année. Bien sûr, en l'absence de VTC, les taxis se répartiraient entre eux le peu de touristes qui reste, mais cela ne mettrait pas un terme au problème de fond.

Les dégradations des conditions de travail des VTC sont dues à des raisons comparables. Leur chiffre d'affaire est effectivement en baisse, c'est une réalité. Depuis les attentats, une bonne partie des VTC qui pouvaient facturer jusqu'à 8000 euros par mois se situe plus aux alentours de 6000 euros aujourd'hui. Après avoir déduit environ 50% de charges diverses et variées, les 20% qu'ils laissent à la plateforme ; les chauffeurs se retrouvent au final avec un salaire de 1800 à 2300 euros, contre un équivalent pré-attentat de 2400-2800 euros. C'est lié à deux raisons : d'abord à la contre-attaque des taxis qui a poussé Uber à baisser ses prix… et donc les tarifs de ses chauffeurs (bien qu'ils soient remontés depuis les grèves). Ensuite c'est, encore une fois, également le fait des attentats. La course à la baisse des tarifs entre VTC et taxis et les attentats sont les deux raisons principales de cette baisse des revenus des chauffeurs. C'est de là que vient le sentiment de travail à la chaîne parfois dénoncé : avant, 5 jours travaillés par semaine permettaient de faire un chiffre d'affaire de 8000 euros par mois. Aujourd'hui, une à deux heures de plus par jours – ce qui, finalement, se rapproche plus de 6 jours travaillés par semaine dans le cadre des VTC – permet d'arriver au même niveau. Travailler plus pour toucher autant, voire moins, a nécessairement un impact sur les conditions de travail et génère une certaine forme de tension. Rappelons que les chauffeurs de taxis sont traditionnellement dans des cadres horaires de 70 à 80h par semaine, soit le double d'une semaine classique. Ce n'est pas très neuf pour eux. Ça l'est probablement plus pour des gens de 25 ans environ, qui découvrent le monde du travail et ne réalisaient pas à quel point il s'agit d'un métier difficile.

Cette situation est-elle propre à la France ? Dans quels pays est-il le plus intéressant d'être chauffeur VTC ? Pourquoi ?

Tout dépend du calcul. Bien évidemment, les pays anglo-saxons n'ont pas le système de protection sociale que nous avons. Cela sous-entend donc logiquement, pour un chauffeur VTC, un net beaucoup plus important dans la poche à Londres ou à New-York qu'à Paris. Visuellement, il gagne plus d'argent. Néanmoins, quand il tombe malade, il paye aussi beaucoup plus cher. Quand ils sont jeunes, c'est rarement quelque chose qu'ils voient, mais passé 50 ans environ, il devient plus avantageux d'être chauffeur dans un pays comme la France. 

N'oublions pas non plus que la plupart de ces chauffeurs sont des auto-entrepreneurs et que leur taux de charges est déjà inférieur à celui contracté par un salarié. Ils ont, par conséquent, moins de droits (sécurité sociale, chômage, etc). À très court-terme, il est plus intéressant, donc, d'être à Londres ou à New-York. Sur le plus long terme, j'ai le sentiment que cela se vaut plus.

Quant au conflit VTC-Taxi, il est proprement universel. Néanmoins, en France, les attentats se ressentent plus durement qu'aux Etats-Unis, par exemple. Le pays est plus petit, tout se concentre à Paris et nous en souffrons donc plus.

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