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Brexit : le plus grave, ce n’est pas le départ des Britanniques mais le fait que l’Union n’en tire aucune leçon, et encore moins la France
©Reuters

Divorce

Le départ des Anglais, après tout, c'est leur affaire. Ce qui est inquiétant, c’est que l’Union européenne est sans doute incapable d'en tirer les leçons, à commencer par la gouvernance française.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La décision des Britanniques s‘apparente à un divorce. Tout le monde est triste, tout le monde se demande pour quelles vraies raisons, les Anglais en sont arrivés là. La crise économique, oui ! La nostalgie de l'époque où l’empire régnait sur toutes les mers du globe, oui ! L’arrogance des élites peut-être ! L’appauvrissement d’une classe moyenne qui décroche et ne comprend plus rien, oui !

La peur de l'immigration massive sans doute, le harcèlement permanent et anxiogène de la presse Murdoch très certainement. Quelques-uns, pas forcément britanniques (des Américains ou des Australiens que tout le monde connaît et qui n’habitent pas à Londres, mais à New-York) vont encore gagner beaucoup d'argent dans ce divorce. La majorité du peuple va évidemment souffrir mais ce peuple ne le sait pas encore. Les Irlandais et les Ecossais le savent, c’est la raison pour laquelle ils vont quitter le navire de sa majesté.

Mais le sort des Anglais appartient aux Anglais. L’Histoire jugera. 

Le problème dans le divorce c’est qu'on est deux. Celui qui part, et qui en général, assume sa décision sur le coup. Mais il y a aussi celui qui reste et qui doit aussi gérer cette crise. Et puis il y a la famille qui est mal en point. L’Europe compte désormais 27 membres, dont beaucoup d’ailleurs ont été adoptés par l'Europe à la demande des Anglais. 

Parmi ces 27 membres restant, il y a les pères fondateurs, la France et l’Allemagne, avec autour un noyau dur avec les pays du Benelux et l’Italie. Au départ, ils étaient 5 à embarquer dans cette aventure extraordinaire de l’après guerre. C’est ce noyau dur qui a créé une monnaie unique, l'euro, c’est ce noyau dur qui a géré l’Union européenne tellement maladroitement que les peuples se sont mis à grogner dès que les orages ont grondé. 

"Les chevaux du haras sont heureux tant qu il y a de l’avoine à la maison" dit –on en Normandie. 

L’Angleterre est arrivée beaucoup plus tard. Elle a frappé à la porte en proposant un contrat de mariage un peu particulier mais que les pays de l’Union européenne ont accepté. 

Sur le plan économique, "là où se prépare le nerf de la guerre moderne, les trois pays les plus importants de l'Union ont finalement exercé une sorte de cogestion de la famille en se partageant les taches selon les talents de chacun". On a confié les financements aux Anglais de la City. C’était pratique, ils n'étaient pas dans l’euro. Les Allemands ont pris les appareils de production industrielle, les process, les chaines de fabrication. Et la France elle, a fait merveille dans l'innovation, la recherche, l’imagination, la création artistique et de luxe... etc. 

La crise économique, financière, doublée d’une crise de mutation mondiale a fragilisé l’Union européenne. Au bénéfice des Américains qui en ont bien profité, au bénéfice des Russes qui ont bien rigolé, et des Asiatiques qui nous ont copiés d’autant plus facilement qu'on n’a jamais su bien de se défendre.

A la fin de la crise financière, en 2012, on aurait pu se redresser tous ensemble. François Hollande l’avait d’ailleurs inscrit dans son programme, c’était le point le plus important. Il n’a strictement rien fait. 

Au lendemain de son élection, il s’est mis à genoux devant Mme Merkel pour qu’elle garantisse nos emprunts. Parce que nous avons évidemment continué d’emprunter pour payer les factures et éviter que la banlieue ne se fâche. 

L’Allemagne, elle, a fait ce qu’elle savait faire, produire et produire encore. Et comme ses partenaires n’ont rien fait pour améliorer leur offre, ce sont les Allemands qui pour l'essentiel ont satisfait la demande européenne. Laquelle demande était solvable grâce à des emprunts ou des liquidités de la BCE. La boucle est bouclée. 

Maintenant les pays de l'Union européenne sont au pied du mur. 

S’ils ne font rien, ils vont compter les demandes de départs des membres de la famille et on va reprendre un siècle de retard, comme Venise. Venise est morte faute d’avoir été lucide sur l’état du monde. 

Si les pays de l’Union prennent une initiative, il va falloir la prendre très vite. Définir un projet, expliquer qu’une Europe unie est la seule chance d’offrir un avenir à chacun des membres de la famille. 

Mais avant, il va falloir gérer le divorce avec les Anglais. Il n’y a pas deux solutions. Quoi qu’on dise, le divorce est une rupture. Il faut donc consommer la rupture. Totalement. 

Rompre les relations commerciales avant de calculer d’éventuelles pensions alimentaires, couper les comptes en banques, fermer les lignes de crédit, démissionner les commissaires, saluer les députés, les fonctionnaires etc. Aucune raison de permettre à la Grande Bretagne de présider l'Union européenne dans quelques mois comme c’est prévu. Ce serait grotesque. 

On imagine que les Anglais vont très rapidement fermer leurs frontières (mais quelles frontières puisqu’ils sont entourés d’eau, et que les Européens vont instituer des visas, des droits de douanes. etc. La France n’est pas obligée d’ouvrir le port de Calais ou le tunnel pour laisser partir les réfugiés qui veulent aller de l’autre coté du Channel, mais personne n’imagine que la France puisse continuer de rendre ce service aux Anglais encore longtemps. 

Dans un deuxième temps, lorsque les cicatrices de la rupture seront un peu fermées, on commencera à s'occuper des enfants, des droits de garde et de visite. 

Ça va être très compliqué, il va falloir être très ferme et très intelligent. Tout va se jouer entre la France et l'Allemagne. 

Mme Merkel a déjà incité les membres historiques de l’Europe mais elle aura besoin de la France. L'Allemagne seule n’est rien. La France seule n’est rien. 

La grande inconnue est logée à Paris. François Hollande, aurait-il le courage de proposer ce qu’il n’a pas fait en 2012, à son arrivée, c’est à dire un projet ? 

Tout le monde en doute. Il n’a pas de majorité, il n'a personne dans son gouvernement ou dans son entourage capable de porter une reforme ambitieuse et responsable de l'Europe. 

Enfin, dernier point, François Hollande a montré depuis 5 an qu'il était impuissant à gérer correctement des affaires de couple et ses rupture. Avec Ségolène Royal, ou Valérie Trierweiler, on ne peut pas dire qu'il a été d'une intelligence et d'une élégance qui lui aurait permis d'être correct. 

Dans ce contexte, comment un homme qui a été incapable de gérer ses couples pourrait-il gérer fermement et correctement le divorce avec les Anglais ?

David Cameron a eu l’honnêteté d'assumer tout ce qui s’est passé, il a la correction d'expliquer qu'il ne peut pas être le Premier ministre chargé de liquider la situation passée et de construire un nouveau contrat de confiance avec le reste du monde. 

François Hollande n’aura sans doute pas le courage pour adopter la même attitude. 

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