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Quand Hollywood estimait que le bikini devait rester de l'autre côté de l'Atlantique, chez les "impudiques femmes méditerranéennes"
©Martial Lenoir pour Nuits de Satin

Bonnes feuilles

Il y a 70 ans apparaissait une petite invention française qui a révolutionné l’histoire de la mode et qui, chaque été, est portée par des millions de femmes sur toutes les plages du monde. Pour la première fois, Ghislaine Rayer et Patrice Gaulupeau, spécialistes de la lingerie et des maillots de bain, racontent la véritable histoire du bikini - créé par Louis Réard -, de sa présentation en 1946 à la piscine Molitor à nos jours. Extrait de "Bikini, la légende", de Patrice Gaulupeau et Ghislaine Rayer, aux éditions Michel Lafon (2/2).

Ghislaine  Rayer

Ghislaine Rayer

Ghislaine Rayer est spécialiste de la lingerie et des maillots de bain.

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Patrice  Gaulupeau

Patrice Gaulupeau

Patrice Gaulupeau est spécialiste de la lingerie et des maillots de bain.

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Dans les années 1950, le bikini est encore trop osé pour les États-Unis, où il est considéré comme la tenue balnéaire que s’arrachent les femmes méditerranéennes, nécessairement plus impudiques. Le magazine Time interroge Fred Cole, le pape américain du maillot de bain, PDG de Cole of California, et rapporte que ce dernier "n’a que mépris pour les fameux maillots bikinis venus de France". Il explique que "les femmes françaises ayant des jambes plus courtes que les Américaines, les maillots de bain qui leur sont destinés doivent remonter plus haut sur les hanches pour donner l’impression que leur  jambes sont plus longues". Et en 1957, voici ce qu’on peut lire dans la presse américaine : "Il est presque inutile de perdre son temps à parler de ce fameux bikini, puisqu’il est tout bonnement inconcevable qu’une fille pourvue d’une simple once de tact et de décence s’avise de porter pareille chose".

Si l’Amérique est à ce point choquée par l’avènement de ce nouveau maillot de bain français, c’est bien sûr à cause du puritanisme ambiant de la société américaine, mais aussi et surtout à cause des très nombreuses et très puissantes ligues de vertu qui se refusent à accepter le monde moderne du XXe siècle. Parmi toutes ces ligues et autres organismes répresseurs, il en est un qui va sévir pendant près de trente ans et perturber le cours d’une industrie particulièrement florissante : le code Hays.

À la fin des années 1920, lorsque le cinéma hollywoodien devient parlant, il en termine avec les courts-métrages de divertissement sans réelle épaisseur. Fini les Bathing Beauties, balayés les Charlie Chaplin et autres Buster Keaton. Désormais, le cinéma va raconter des histoires, adapter des livres, des faits divers, faire vibrer, faire pleurer, faire peur… Très rapidement, les censeurs vont s’apercevoir du danger de laisser sans contrôle les producteurs et les scénaristes. Il est inadmissible pour l’Amérique de laisser promouvoir par le biais de ce nouveau média la violence, le sexe ou la nudité ! La réaction ne tardera pas. Et c’est paradoxalement de l’industrie cinématographique elle-même que viendront les nouvelles règles. Le code Hays sera, de 1927 à 1966, un guide d’autocensure créé par Hollywood, pour la communauté hollywoodienne. Il a été rédigé par des producteurs soucieux de satisfaire les goûts du public et par des activistes catholiques bien-pensants, préoccupés par l’influence des films sur les masses.

La première mesure de William Hays, le directeur de cette commission, est d’imposer un certificat de moralité pour toute personne apparaissant à l’écran. En 1927, avec l’accord des professionnels, il dresse une liste de sujets et de thèmes que les scénaristes doivent éviter. Ce n’est alors qu’une recommandation, bien peu suivie par les producteurs qui font tourner des stars au sex-appeal flamboyant telles que Mae West ou Jean Harlow. En réalité, jusqu’en 1933, le code Hays est peu ou pas appliqué ; c’est un maillot de bain, presque un bikini, qui mettra le feu aux poudres…

En 1934, Tarzan et sa compagne, le premier film de la série des Tarzan, joué par Johnny Weissmuller (qui était maître-nageur à la piscine Molitor cinq ans plus tôt !), met en avant les charmes de Maureen O’Sullivan uniquement vêtue d’un petit maillot de bains deux-pièces en peau de bête.

Pour les censeurs, c’en est trop : le film sera copieusement coupé. Mais pour les ligues de vertu les plus radicales, et en particulier pour la Légion de décence catholique, cette mesure est encore insuffisante. En un mois, plus de trois millions de membres jurent de condamner totalement "ces films salaces qui corrompent les moeurs publiques et créent une hystérie sexuelle dans le pays". Si un film est condamné par la Légion de décence catholique, c’est alors un péché d’aller le voir. À la messe du dimanche, une carte est signée et il faut jurer après le sermon de ne pas aller voir les films concernés.

En conséquence de cette hystérie collective, le code Hays sera désormais appliqué d’une manière drastique et aveugle, les films n’ayant l’autorisation d’être tournés qu’à la condition expresse que leur scénario soit approuvé par la commission avant le tournage. Même les dessins animés sont scrutés avec suspicion, et Betty Boop en fera les frais. Jusqu’en 1933, elle est dessinée en pin-up affriolante, toujours vêtue d’une robe ultra-courte qui laisse entrevoir une jarretelle. À partir de 1934, les cartoons de Betty Boop la montrent en infirmière ou en femme au foyer célibataire, toujours strictement vêtue, et bien évidemment sa jarretelle a disparu…

Extrait de "Bikini, la légende", de Patrice Gaulupeau et Ghislaine Rayer, publié aux éditions Michel LafonPour acheter ce livre, cliquez ici

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