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Enfin une contre-attaque face aux populistes : quand Hillary Clinton ouvre enfin les yeux sur les ravages de la mondialisation et de la technologie sur un bon nombre d’électeurs des pays développés
©Flickr / marcn

A l’Ouest, un peu de nouveau

Dans un entretien accordé le 23 juin au Washington Post, Hillary Clinton a dit comprendre ce que vivaient les perdants de la mondialisation et de la technologie. Même si faire ce diagnostic est essentiel, il lui reste, à elle comme aux dirigeants des autres pays développés, à proposer un modèle qui permette de relancer l'emploi de façon durable.

Philippe Aghion

Philippe Aghion

Philippe Aghion est un économiste français. Il a enseigné à l'université Harvard ainsi qu'à l'École d'économie de Paris. Depuis octobre 2015 il enseigne également au Collège de France.

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Atlantico : Dans une interview donnée au Washington Post, Hillary Clinton a déclaré : "Je respecte les craintes, la peur et même la colère éprouvée par de nombreuses personnes (...) parce que les avancées de la mondialisation et de la technologie ont réellement détruit l'avenir de nombreux emplois." Alors que ce type de discours est plus régulièrement tenu par des candidats "populistes", Hillary Clinton vient-elle de poser la première pierre d'une certaine prise de conscience, au sein des partis de gouvernement occidentaux ? Qu'a-t-on à en apprendre en France ?

Philippe Aghion : Je pense que cela pose la question plus générale de comment réorganiser le Code du travail et le marché du travail à l'heure des délocalisations et de l'émergence du numérique. Il faut prendre en compte ces nouvelles données afin d'éviter que cette évolution générale aboutisse à des situations individuelles de précarité. Je pense que les pays qui s'en sortiront dans les années à venir sont ceux qui adoptent une attitude que je qualifierais de danoise, qui consiste à mettre l'accent sur la formation et les garanties de revenu. On parle beaucoup de revenu universel, et d'autres modes de ce type : c'est qu'il faut impérativement que les gens aient une garantie de revenu, tout d'abord parce qu'ils ont leur famille à soutenir. Et en plus de cela, il faut garantir une certaine forme d'accès aux soins, aux retraites, etc. Evidemment, il ne faut pas transformer cela en assistanat : toute la question c'est de maintenir dans le même temps l'incitation à travailler. Il est bien évident qu'il faut qu'en travaillant, on puisse gagner plus qu'en ne travaillant pas. 

Mais, en même temps, il faut éviter qu'une frange de la population ne tombe dans la précarité. C'est ce qui nourrit l'électorat de Trump et autres populistes. 

En cela, les Danois ont pris de l'avance sur les autres, sans pour autant avoir tout résolu, car ils ont trouvé une flexisécurité. Par exemple, quand on perd son emploi au Danemark, on touche 90% de son salaire jusqu'à un certain niveau, on reçoit une formation, et enfin on reçoit une aide pour retrouver un emploi. Dans le même temps, on a accès gratuitement à l'éducation, la santé etc. 

Je pense qu'il s'agit de piliers fondamentaux. Les pays comme les nôtres qui ne garantissent pas ces services publics créent une angoisse légitime dans la population. Ce sont ce genre de problème qui créent des frustrations. En ce sens, Hillary Clinton a raison de faire ce constat. Mais reste à voir ce qu'elle compte faire…

Justement, pour faire face à ces effets pervers de la mondialisation, Hillary Clinton propose plusieurs mesures, telles que l'injection de centaines de milliards dans des dépenses d'infrastructure, de nouvelles possibilités offertes aux salariés en termes de congés payés et maladie ou encore l'augmentation des impôts pour les plus riches. En quoi ces mesures sont-elles susceptibles de répondre efficacement aux problèmes soulevés par Hillary Clinton ? Quelles sont les autres mesures qui pourraient permettre un redressement de la situation ?

Cela ne suffit pas ! Il faut un vrai système de sécurisation des parcours. Et un vrai programme de formation professionnelle. De même, il faut que dès l'éducation, la barre soit mise plus haut : grâce à une éducation de plus haut niveau, les gens sont beaucoup plus mobiles avec un socle éducatif important. Il faut que dès l'enfance, l'éducation permette cela : d'où la nécessité de réduire drastiquement les frais universitaires qui sont beaucoup trop élevés aux Etats-Unis. Cet accès inégalitaire est à réformer. Et pour ce qui est de la formation secondaire, tout manque ! Il faut que l'impôt serve à quelque chose. 

En France, c'est nettement mieux qu'aux Etats-Unis. Nous avons un accès gratuit à la santé et un système éducatif bien plus égalitaire. Mais nous avons de grandes carences, car notre système de formation professionnelle ne fonctionne pas et l'Etat ne met pas d'argent dans l'allocation chômage. Au Danemark, c'est l'Etat qui finance les allocations chômage. L'Etat en France devrait abonder les fonds de l'allocation chômage. Evidemment pour cela, il faudrait mener une réforme de l'Etat et prendre de l'argent ailleurs. Et c'est là que la réforme du "millefeuilles" est importante (réforme territoriale).

Peut-on donc considérer que Hillary Clinton ouvre réellement la voie à un nouveau discours prenant en compte le diagnostic effectué par d'autres, tout en y apportant des réponses différentes ? Cette nouvelle approche peut-elle faire tache d'huile en Europe ? De quelle manière ? Comment pourrait-elle se manifester dans nos pays, notamment au regard des enjeux européens ?

Je pense qu'il est important qu'Hillary Clinton s'adresse à ces gens-là. En revanche, les réponses qu'elle donne sont très insuffisantes. Elles sont, comme de nombreux pays occidentaux, très en deçà du modèle scandinave qui me parait le plus pertinent pour traiter ces problèmes. 

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