Exclusif : la France à l’offensive pour aider les Kurdes à libérer Qaraqosh, la capitale des chrétiens d’Orient<!-- --> | Atlantico.fr
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Une combattante yézidi en Irak
Une combattante yézidi en Irak
©Reuters

Protéger les opprimés

Dans l’offensive menée contre l’Etat Islamique, les combattants kurdes sont ce matin aux portes de la ville de Qaraqosh, dans le nord de l’Irak. Avec l’aide de la France, grâce à un Bernard-Henri Lévy actif, la capitale des Chrétiens d’Orient pourrait être libérée des djihadistes dans les jours qui viennent. François Hollande s’y est engagé.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Depuis des siècles, Qaraqosh est érigée sur les ruines de l’ancienne cité de l’empire assyrien, Ninive, et a la particularité d’abriter une population quasi-exclusivement chrétienne. Mais en août 2014, lors de l’attaque éclair des djihadistes de Daech sur le nord de l’Irak, les 120 000 chrétiens d’Orient qui vivaient à Qaraqosh ont fui leurs maisons pour se réfugier au Kurdistan, plus à l’est. Depuis une semaine, les combattants kurdes ont lancé l’offensive pour reprendre Qaraqosh et les villages environnants. Ce matin, ils ne sont plus qu’à quatorze kilomètres au nord et à peine dix kilomètres à l’est de la ville, motivés par une promesse que leur a faite… François Hollande en personne.

L’histoire commence le 21 mai dernier, bien loin des pistes caillouteuses de la plaine de Ninive. Au Festival de Cannes, l’écrivain et réalisateur Bernard-Henri Lévy  vient de présenter son dernier long métrage, " Peshmerga ", dédié à la lutte des combattants kurdes contre l’Etat islamique et sélectionné in extremis hors-compétition. Pour la projection cannoise, les producteurs de BHL ont fait venir du Kurdistan plusieurs des personnages du film. A côté des stars de cinéma, les photographes, ravis de voir rompue la monotonie des robes longues et des smokings, voient arriver des officiers en uniforme et sarouel, tout juste arrivés du front pour la traditionnelle montée des marches. Voilà pour la partie connue.

Beaucoup plus discrète est la seconde projection que Bernard-Henri Lévy a prévue deux jours plus tard à l’Elysée. Le réalisateur a obtenu de François Hollande qu’il visionne son film et reçoive, le dimanche 22 mai, les peshmergas venus en France. Pour préparer cette rencontre, BHL réunit à la Petite Maison, un restaurant du Vieux Nice habituellement plus prisé des célébrités et des politiques que des militaires, plusieurs connaisseurs éclairés de la situation au Kurdistan irakien. Autour de la table, le ministre kurde Mustafa Ali Jafar, le général Sirwan Barzani, Hugues Dewavrin, un dirigeant d’ONG qui vient de créer une station de radio et un cinéma itinérant au Kurdistan et Frédéric Tissot, ancien consul de France à Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan. Tous s’interrogent sur la meilleure manière d’obtenir un soutien de François Hollande aux Peshmergas. 

Revient alors en mémoire d’Hugues Dewavrin et de Frédéric Tissot une conversation qu’ils ont eue un an plus tôt au Kurdistan avec un militaire français du commando marine Hubert, en opération sur place. "Cet officier nous avait démontré très clairement que la grande ville de la région, Mossoul, serait très compliquée à reconquérir, mais que la libération de Qaraqosh constituait un objectif, certes moins stratégique militairement, mais plus facile à atteindre" explique Hugues Dewavrin. Les convives tracent alors sur la nappe les grandes lignes de leur plan de bataille pour la réunion du lendemain à Paris. 

"Le climat de la rencontre était très amical, presque familial" explique-t-on à l’Elysée qui prend garde de ne froisser personne en soulignant que la France intègre les combattants kurdes dans sa lutte contre Daech, au même titre qu’elle le fait avec l’armée irakienne, l’autre force en présence contre l’Etat Islamique dans la région. La scène durant laquelle les Peshmergas déroulent sur la table d’un salon de l’Elysée leurs cartes de campagne pour expliquer leur stratégie d’attaque à François Hollande est plutôt inhabituelle lors d’une visite diplomatique, mais le Président français semble sensible au symbole que serait la libération de la capitale des Chrétiens d’Orient et affirme à ses invités que la France les soutiendra dans ce projet. 

"Nous avons confié au Président Hollande la liste de ce dont nous avions besoin : des missiles antichar Milan, des mitrailleuses lourdes, des mortiers, davantage d’aide des forces spéciales françaises en opération au Kurdistan… Il s’est engagé à nous soutenir"explique le général Sirwan Barzani qui dirige l’offensive kurde vers la plaine de Ninive depuis une semaine. 

Les officiers peshmergas sont repartis au Kurdistan galvanisés par les promesses du chef de l’Etat. La France est en effet, avec les Etats-Unis, l’un des deux grands pays en pointe de la coalition internationale contre Daech et son soutien est doublement précieux pour les Kurdes irakiens. Il pourrait permettre aux Peshmergas de renforcer leur position géographique et politique au Kurdistan irakien et les aider à résoudre un épineux problème de politique intérieure, celui des 1,2 millions de réfugiés chrétiens et yézidis qui ont fui les atrocités de l’Etat Islamique et vivent aujourd’hui réfugiés au Kurdistan. "La position très engagée prise par François Hollande est clairement une motivation forte pour les Peshmergas" confirme l’ancien consul de France au Kurdistan, Frédéric Tissot. 

Les difficultés restent cependant nombreuses. Les troupes du général Barzani n’ont pas encore atteint la ville de Qaraqosh et la portée symbolique de cette ville pour les Chrétiens du monde entier pourrait faire de la bataille pour sa libération un enjeu de propagande pour l’Etat Islamique. L’"après-Daech" n’est pas résolu non plus. La capitale en Irak de l’Etat islamique, Mossoul, n’est qu’à 30 kilomètres et sa reconquête – c’est une certitude – va être longue. "Qaraqosh pourrait être libre à la fin du mois de juin. Mais je ne suis pas du tout convaincu que les Chrétiens seront alors prêts à quitter leurs camps de réfugiés pour rentrer chez eux" témoigne le directeur de l’association catholique de l’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnish. Il va falloir encore du temps avant que le prélat catholique ne puisse honorer la promesse qu’il avait faite aux fidèles dans un camp de réfugiés d’Erbil, lors de la célébration de Pâques il y a un peu plus d’un an : "Je dirai un jour la messe à Qaraqosh".

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