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Pourquoi le dernier accord sur la dette grecque dont tout le monde se félicite est une fausse bonne nouvelle
©Reuters

Caramba, encore raté !

Alors que le gouvernement grec, le FMI et les Etats membres de la zone euro se sont entendus dans la nuit de mardi à mercredi pour débloquer de nouvelles aides à la Grèce, cet accord s'inscrit dans la lignée des précédents, mais ne crée sans doute pas les conditions d'une reprise durable de l'économie hellène.

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste de questions de politique budgétaire, sociales et des systèmes de retraite.

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Atlantico : La nuit dernière, un accord a été conclu entre le gouvernement grec, les responsables de la zone euro et le FMI sur la situation de la Grèce. Quelles sont les réelles nouveautés de cet accord, en quoi est-il réellement "innovant" par rapport aux textes précédents ?

Henri Sterdyniak : Cet accord n'est pas vraiment innovant dans la mesure où il reste dans la logique des accords précédents. On demande à la Grèce des efforts fabuleux, de réussir à avoir un excédent primaire de 3,5% du PIB, on lui impose des programmes de réformes et des baisses automatiques de dépenses publiques si elle ne réussit pas à atteindre cet objectif de 3,5%, etc.

En échange, la Grèce obtient des fonds pour rembourser ses dettes qui viennent à échéance. C'est la poursuite de la même stratégie. D'un côté on impose complètement à la Grèce la politique qu'elle doit suivre. Il n'y a pas de programme de relance productive en Grèce. De l'autre côté, ce n'est pas vraiment de l'argent frais. C'est surtout le renouvellement de la dette déjà contractée par la Grèce.

Pour la première fois, la question de la remise de la dette a été sérieusement abordée par les différents protagonistes. Ce point est-il désormais acquis ?

Il n'y a aucun accord pour baisser effectivement le montant de la dette que doivent les Grecs. L'accord consiste uniquement à reporter le moment où cette dette sera remboursée.

Tout cela est un mécanisme purement fictif : d'un côté les Etats européens ne veulent pas inscrire effectivement dans les textes une baisse de la dette nominale. Faire une remise de dette à la Grèce imposerait aux pays d'entériner leurs pertes et d'accepter l'idée que leurs prêts ne seraient jamais remboursés. La seule solution sera alors de dire que jusqu'à la fin des temps, la Grèce devra trouver tous les ans une dizaine de milliards qu'elle devra emprunter et qui lui serviront à rembourser ses échéances.

L'intérêt de ce mécanisme, c'est qu'il y aura toujours une pression forte sur la Grèce et que ses créanciers n'auront pas à enregistrer une perte de créance. Cela peut durer jusqu'à la fin des temps. Si la Grèce essaye de faire autre chose, on pourra alors lui refuser ces 10 milliards d'aides. Les Grecs auront donc en permanence cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

Par ailleurs, l'une des particularités extrêmement fortes de l'accord, c'est qu'on a imposé à la Grèce de mettre tout ce qu'elle pouvait dans le fonds de privatisation de 50 milliards d'euros. Cela signifie que pratiquement tout ce qui est vendable en Grèce va être vendu : certaines îles, des sites touristiques et archéologiques, des ports, des aéroports, etc. On se retrouvera avec un pays pratiquement exsangue dans lequel on aura tout vendu à bas prix à des investisseurs étrangers. C'est une situation tout de même particulière pour un pays développé.

Si les dirigeants européens se sont largement félicités des avancées de cet accord, comme cela a souvent été le cas par le passé, mais sans résultats, est-il possible de considérer cette nouvelle mouture comme une "résolution" du dossier grec ? Quelles en sont les faiblesses réelles ? Peut-on être optimiste pour ce pays ?

C'est un accord qui n'offre aucune perspective de redressement social et productif à la Grèce. La Grèce est un pays désormais extrêmement appauvri : beaucoup de gens sont dans la misère, le dynamisme économique est complètement mort. Ce plan va accentuer encore cette situation. On impose à un pays en difficulté de faire des politiques encore plus restrictives avec cet objectif de 3,5% d'excédent primaire. Le risque, c'est que cela va encore peser sur la croissance, ce qui signifiera encore moins de rentrées fiscales, donc nouvelle baisse des dépenses publiques, donc nouvelle chute du PIB. Il n'y aura pas de vaste plan Marshall pour aider la Grèce et développer son industrie et ses avantages comparatifs (agroalimentaire, énergies renouvelables, tourisme...). Tout cela n'est pas envisagé, et nous restons ici dans une optique purement comptable. On ne peut donc pas considérer que la Grèce est sortie d'affaire. Le risque ici est que la pauvreté s'étende dans le pays jusqu'à l'apparition de troubles sociaux et politiques.

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