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Pourquoi l'UE n'a pas les moyens de ses ambitions en Syrie et en Irak
©Reuters

Paroles, paroles...

Sur les dossiers syriens et irakiens, et la lutte contre Daech, l'Union européenne reste profondément divisée tant les intérêts des Etats-membres peinent à coïncider. Une tendance aggravée par la montée du populisme sur le continent.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : Ce lundi, les ministres européens des Affaires étrangères se réunissent à Bruxelles en vue d'adopter des conclusions sur la stratégie régionale de l'UE pour la Syrie et l'Iraq, ainsi que pour la menace que constitue Daech. L'UE dispose-t-elle vraiment de cette "stratégie régionale" comme elle le dit ? Quels sont les éléments que l'on y retrouve (pour la Syrie et l'Irak, et la lutte contre Daech donc) ? 

François GéréL’UE ne dispose ni d’une diplomatie commune, ni de forces armées susceptibles d’être engagées. Il lui faut donc se limiter aux seuls moyens du "soft power". En outre, la guerre de Syrie est d’une extrême complexité comme en témoignent depuis quatre ans les difficultés pour les puissances extérieures à coordonner un dialogue diplomatique...Les Etats membres de l’UE sont incertains quant à l’attitude qu’il convient d’adopter à l’égard de l’engagement militaire russe en soutien à Hafez el-Assad. De plus, au sein même de chaque pays, il existe de fortes divergences d’opinions à l’égard de la Russie en raison du rôle de ce pays en Ukraine. Enfin, pour de nombreux Etats du Nord et de l’Est de l’Europe, le Moyen-Orient n’est pas une priorité alors qu’ils s’inquiètent de l’agressivité de Moscou à leur égard.

Sur plusieurs sujets internationaux, les pays membres de l'UE ont montré toutes les difficultés qu'ils avaient à parler d'une seule et même voix dans le domaine diplomatique. Pourrait-on espérer une entente sur les dossiers syriens et irakiens, et la lutte contre Daech ? Quelles sont les chances de parvenir à des conclusions qui fassent consensus à l'issue de cette rencontre ? 

L’UE ne peut que s’en remettre aux initiatives de chaque Etat membre, souverain dans ses actions et maître des moyens qu’il entend utiliser principalement dans le domaine militaire. Dans la mesure où certains Etats de l’UE refusent tout dialogue avec le régime syrien, l’UE ne peut prendre d’initiatives de ce côté. On ne peut donc envisager que des actions humanitaires semblables à celles entreprises par l’ONU. L’UE peut débloquer des fonds pour les réfugiés, pour les organisations humanitaires soit en Syrie même et en Irak, soit dans les pays limitrophes qui accueillent les personnes déplacées : Turquie, Jordanie, Liban.

Les pays européens sont la cible des attaques de Daech depuis plusieurs mois, et pourtant rien, à l'échelle de l'Union, ne semble avoir été mis en place de manière efficace et concrète. Pour quelles raisons ? 

Les attentats de 2015-2016 en France, en Belgique et au Danemark ont montré la gravité du danger...Le responsable de l’UE pour le terrorisme, Gilles de Kerchove, ne cesse de mettre en garde contre les multiples formes d’agression, y compris cybernétiques, qui pourraient se développer dans l’avenir. Là encore, la riposte est avant tout nationale et parfois multilatérale sans être véritablement européenne.

Néanmoins, l’UE dispose de mécanismes comme Europol et Eurojust qui peuvent s’avérer efficaces dès lors que les services des différents Etats acceptent de coopérer en fournissant les indispensables renseignements. La prise de conscience du danger terroriste a finalement conduit à accepter l’adoption du fichier d’identification des passagers aériens (PNR). Mesure utile sans doute mais ce n’est pas une solution miracle. Les terroristes de l’aéroport de Bruxelles n’avaient pas pris de billets d’avion ! Dans le domaine financier l’UE peut également renforcer le dispositif de surveillance des paiements et des transferts financiers. Même chose pour la vente des armes à feu (enregistrement, traçabilité). Enfin, conformément, aux recommandations de décembre 2015, l’UE peut mettre en place un dispositif de contrôle des nationaux ("combattants étrangers") susceptibles de partir pour les zones de combat. Dernier volet : la lutte contre la radicalisation et la propagande jihadiste. L’UE s’est jusqu’à présent refusée à créer un mécanisme de contre-propagande à la fois pour des raisons éthiques, mais aussi parce que certains Etats.ont voulu étendre cette action à la propagande de la Russie. Problème très politique sur lequel il devrait être possible de progresser en se concentrant sur le jihadisme radical.

La réunion abordera également la question migratoire. Après l'accord tant décrié passé avec la Turquie, quelles autres avancées peut-on encore espérer ? L'UE met-elle réellement tous les moyens à sa disposition pour apporter des solutions à cette crise ? 

L’Union traverse une crise majeure provoquée par des flux migratoires dont le tarissement n’interviendra qu’avec le retour à la paix en Syrie, mais aussi la stabilisation durable de la Lybie. Dans ce domaine, la première tâche consiste à retrouver une cohérence entre les 28, ce qui est encore loin d’être le cas. La montée des extrêmes-droites et des populismes va encore aggraver la fragmentation. Il n’existe pas de solution sans la Turquie mais le jeu retors du président Erdogan, par ailleurs de plus en plus mal vu pour ses tendances dictatoriales, ne facilite pas l’unanimité entre les Etats-membres. Il faut négocier sans céder à des conditions proches du chantage. 

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