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Se reconnaître coupable : cette dignité supérieure d'une nation qui ne doit pas se transformer en autodénigrement systématique
©Reuters

Bonnes feuilles

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, DAECH publiait un communiqué par lequel il revendiquait les attaques à l’encontre du peuple qui « porte la bannière de la Croix en Europe » et se félicitait d’avoir pu tuer plus de cent « croisés ». L'auteur considère que si nous ne voulions plus reconnaître nos racines chrétiennes, l’ennemi nous a cruellement rappelés à nos origines. Extrait de "Charnellement de France" de Charles Beigbeder, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. Extrait 1/2

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder est président de la Fondation du Pont-Neuf. Président de sa holding industrielle et financière, Gravitation SAS, Charles Beigbeder est engagé dans plusieurs mouvements liés à l'entreprise et à la vie de la cité.
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1.   Supériorité morale de la nation qui se reconnaît coupable

Revenons à la repentance occidentale et aux causes qui l’ont rendue incontournable dans le débat public actuel.

Quelques années avant sa mort, Thérèse Delpech signait dans Le Monde[1] une tribune sur la culpabilité collective de l’Occident et le sentiment d’un inexorable déclin qui l’accompagne. Elle y voyait le fruit d’une supériorité morale qui conduit certains peuples ayant atteint une maturité historique à faire un examen de conscience sur eux-mêmes et à s’interroger sur leurs zones d’ombre : « Il y a là une vraie supériorité des pays occidentaux, qui ont passé des décennies à tenter de comprendre l'abîme dans lequel ils ont plongé, sur la Chine et la Russie, qui auraient pourtant matière à réflexion. Les Européens ont, encore aujourd'hui, conscience de se trouver "au milieu des débris d'une grande tempête", comme l'écrivait Balzac des rescapés de la Révolution française. Il suffit pour en témoigner de suivre la production cinématographique allemande ». Effectivement, comment ne pas songer à la grande dignité avec laquelle le peuple allemand a accepté de porter le lourd fardeau de l’histoire au sortir de la deuxième guerre mondiale, effectuant un véritable travail sur lui-même, illustré entre autres par l’ouvrage d’August vonKageneckExamen de conscience – Nous étions vaincus mais nous nous croyions innocents, publié en 1996 par cet ancien officier de la Wehrmacht passé maître dans l’auscultation des démons intérieurs du pangermanisme ?

Mais, ajoute Thérèse Delpech, il y a dans cette entreprise de dénigrement systématique de soi un risque évident, celui d’une dilution des responsabilités voire d’une négation du réel. Si l’on est tous coupable des maux qu’on nous inflige, alors on ne peut plus analyser les causes extérieures censées les produire : « Tout le monde est coupable dans un monde où la chute est la règle et la rédemption un leurre. Il n'y a plus ni valeurs, ni hiérarchie, ni jugement possibles. La différence entre le meurtrier et sa victime est une affaire de perspective, comme l'est celle qui sépare le "bon" du "mauvais" gouvernement ». C’est cette logique qui conduit aujourd’hui certains à ne voir dans la haine que vouent à la France certains djihadistes de nos banlieues, que le fruit d’une frustration personnelle liée à un malaise social dont serait in fine responsable la France. Tout comme l’invocation quasi-systématique du qualificatif de déséquilibré pour qualifier la personnalité des auteurs d’attentats terroristes nie la part de rationalité de leurs actes ainsi que le projet politique global dans lequel ils s’inscrivent. Dans un cas comme dans l’autre, on s’interdit de nommer le réel pour éviter de faire des amalgames qui, selon la formule bien connue, "font le jeu de l’extrême-droite". « Il faut toujours dire ce que l'on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit » rappelait pourtant Charles Péguy dans Notre Jeunesse (1910). Une exigence qui fit pourtant cruellement défaut au moment des agressions sexuelles de masse perpétrées à Cologne et dans plusieurs grandes villes allemandes, lors de la saint-Sylvestre 2015 et qui explique la lenteur avec laquelle la police puis les responsables politiques ont pu admettre du bout des lèvres les faits. Car, comme le rappelait Valérie Toranian, directrice de La Revue des deux mondes dans un débat surréaliste sur Arte le 14 janvier 2016, « le rêve, ce serait que ce soit l’extrême droite qui ait fait des violences contre des femmes, le rêve, ce serait que ce soient des fachos, et malheureusement, ce n’est pas cela ». Tout est dit dans ce « malheureusement » qui sonne comme un retour contrarié et forcé au réel qui s’impose. On se rappelle également du tweet désabusé d’un journaliste de L’Obs, qui regrettait que l’auteur des tueries de Toulouse et Montauban en mars 2012 ne soit pas un militant d’extrême-droite mais un certain Mohammed Merah : « Putain, je suis dégoûté que ce ne soit pas un nazi ». Le réel est têtu…


[1]Le Monde, 21/11/2009.

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