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Ces leçons que la droite française devrait tirer de la manière dont ses cousines européennes ont résisté à l'assaut social-libéral des partis de gauche dans les années 2000
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Kung-Fu Panda

Les années 2000 ont été le témoin d'un assaut politique violent en Europe, mené par des partis sociaux-libéraux de gauche. En Allemagne ou au Royaume-Uni, les partis de droite ont eu à relever un défi qui pourrait présenter une source d'inspiration pour la droite française.

Henri de Bresson

Henri de Bresson

Henri de Bresson a été chef-adjoint du service France-Europe du Monde. Il est aujourd'hui rédacteur en chef du magazine Paris-Berlin.

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Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico :  Comment les oppositions de droite allemande et britannique ont-elles réagi face à la mise en place des politiques sociales-libérales de Gerhard Schroder et de Tony Blair ? Celles-ci se sont-elles retrouvées dans une position où elles se faisaient "couper l'herbe sous le pied" par le pouvoir en place, par une opération de "triangulation" ?

Pierre-François Gouiffès : Au Royaume-Uni les travaillistes sont revenus aux affaires après avoir perdu quatre fois les élections générales (1979, 1983, 1987, et 1992) et avoir épuisé plusieurs leaders du parti (Foot, Kinnock, Smith) avant l’arrivée de Tony Blair.

Tout au long de cette période le parti travailliste se recentre progressivement quant à son approche sur le fonctionnement de l’économie, avec l’abandon de la clause IV des statuts du parti (propriété publique des moyens de production) en 1995, l’acceptation de l’économie de marché et d’une grande partie du bilan thatchérien.

Mais la rhétorique du parti dépasse cette dimension d’acceptation des transformations des années 1980 et 1990 notamment avec la thématique de la « troisième voie » d’Anthony Giddens, tentative de synthèse entre capitalisme et socialisme et les thématiques clefs du New Labour : justice sociale, égalité des chances via le recours aux mécanismes de marché… couplée à une gestion médiatique très (trop ?) bien rodée.

Donc il y a à la fois de l’acceptation du passé mais également une offre politique nouvelle qui pour les conservateurs déplace le débat hors du champ du fonctionnement général de l’économie, lieu moindre d’affrontement politique, vers d’autres champs de débat comme la question européenne et la question migratoire, des sujets qui font polémique au sein même du parti conservateur sans même parler de l’opinion publique.

Mais surtout le parti conservateur a connu comme le parti travailliste avant lui les mêmes affres de défaites électorales successives (1997, 2001, 2005) avec autant de changements de leaders (Hague, Duncan-Smith, Howard) avant l’arrivée à la tête du parti de David Cameron en 2005.

Henri de Bresson : Lors des débats sur les réformes sociales allemandes et les fameuses lois Harz sur le chômage, le principal parti de la droite allemande, le parti chrétien démocrate (CDU), était encore en pleine reconstruction après la défaite d'Helmut Kohl en 1998 et celle de son candidat aux élections de 2002, le bavarois Edmund Stoiber. Angela Merkel attendait calmement son heure, dans une Allemagne en crise qui payait encore lourdement le prix de sa réunification et comptait près de cinq millions de chômeurs. Lors du vote sur les réformes, en 2003, la coalition du parti social-démocrate et des Verts du chancelier Schröder avaient une majorité suffisante pour se passer du soutien de la droite. Celle-ci a voté en bloc contre le gouvernement. Ces réformes avaient été pourtant préparées de longues dates dans des négociations réunissant le gouvernement, les syndicats et le patronat, allié traditionnel de la CDU. Plus que le fond de la réforme, les critiques venues de la droite, notamment du bouillant Friedrich Merz, défenseur d'une ligne ultra-libérale, visaient plus à occuper le terrain qu'à contrer les réformes elles-mêmes. La droite pouvait attendre son heure, sachant que tôt ou tard le chancelier, malgré sa popularité, paierait les divisions de la gauche, ce qui a fini par arriver.

Sur le plan du programme, de quelle manière ces oppositions de droite ont-elles réussi à se différencier auprès de l'opinion ? Se sont-elles emparée de sujets nouveaux, ont-elles modifié leur discours ?

Pierre-François Gouiffès : Avant tout il ne faut pas oublier tout le bénéficie qu’une opposition peut tirer des déboires de l’équipe au pouvoir. Dans le cas du parti conservateur, l’intervention britannique en Irak de 2003 et ses conditions de présentation médiatique a profondément affecté la posture « morale » de Tony Blair tandis que la récession massive de 2008 a entamé la crédibilité de son successeur Gordon Brown chancelier de l’Echiquier pendant dix ans, par exemple lorsque l’on a constaté la profonde dégradation des comptes publics britanniques.

Les thématiques reprises avec plus ou moins de bonheur par les conservateurs ont été outre la limitation de l’immigration, la défiance vis-à-vis de la construction européenne, et le retour partiel à une certaine orthodoxie thatchérienne concernant par exemple la réduction de la taille du secteur public et la libéralisation du marché du travail. David Cameron a porté en étendant pendant les élections générales de 2015 le bon taux de croissance et le taux de chômage britannique moitié du taux français.

Un autre point innovant des conservateurs a concerné la thématique de la Big Society en 2010, équilibre sociétal entre Big Government et Big Company.

Henri de Bresson : L'histoire a surtout retenu de cette période la réforme radicale du traitement du chômage et la flexibilisation du marché du travail. C'est d'ailleurs ce qui finira par couter au chancelier Schröder son poste, en raison d'une forte opposition syndicale qui ira nourrir les rangs de Die Linke, la gauche radicale, dont les voix et celles d'une partie des Verts manqueront aux sociaux-démocrates lors des élections anticipées de 2005. Il s'en fallu cependant de peu. Mais les situations économique et financière difficiles de l'Allemagne de cette époque, qui avait du mal à tenir ses engagements budgétaires européens, suscitaient d'autres controverses sur les dépenses publiques, les retraites, la santé, débats qui se poursuivront sous la grande coalition constituée en 2005 par Angela Merkel avec le parti social-démocrate.

Aujourd'hui et avec le recul, les oppositions se sont-elles accommodées de cet aggiornamento ?

Pierre-François Gouiffès : Les thématiques traditionnelles parfois sources de puissantes divisions internes sont à l’œuvre au sein du parti conservateur. Il y a la question européenne, où le parti conservateur est clairement divisé sur la question du Brexit. Mais il y également la question migratoire, sur laquelle David Cameron a pris des postures d’encadrement.

Donc les questions sociétales pèsent fortement. En revanche sur le plan économique, la différentiation avec le parti travailliste s’opère de plus en plus facilement avec l’élection à la tête du Labour de leaders clairement plus à gauche que sont Ed Miliband et encore plus Jeremy Corbyn.

Henri de Bresson : La mise en place de ces réformes et leur impact assez rapide sur les chiffres du chômage ont lancé un mouvement en Allemagne pour porter de nouvelles réformes. Le grand perdant au final en sera le SPD, dont la participation au premier gouvernement Merkel se termine par un désastre électoral en 2009. La droite décroche en tête, avec une envolée éphémère du parti libéral dont le score frise les 15%, sanctionnant le formidable rebond de l'économie allemande, au détriment souvent d'une nouvelle classe de travailleurs pauvres.

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